From d99aac7b483b5af2a878a3cd3df2aae3f4ef7c85 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: dao Date: Tue, 15 Oct 2024 18:03:48 +0200 Subject: [PATCH] DAO --- db_trad.json | 6 +-- index.html | 100 +++++++++++++++++++++++++++++--------------------- inter/12.html | 2 +- inter/18.html | 4 +- inter/2.html | 4 +- inter/4.html | 4 +- inter/41.html | 4 +- inter/42.html | 4 +- inter/55.html | 4 +- inter/56.html | 4 +- inter/79.html | 4 +- inter/80.html | 4 +- 12 files changed, 80 insertions(+), 64 deletions(-) diff --git a/db_trad.json b/db_trad.json index 287e196..8ba3764 100644 --- a/db_trad.json +++ b/db_trad.json @@ -138,7 +138,7 @@ "周": "Dynastie Zhou ; circonférence", "味": "goût, odeur, odeur ; délicatesse", "命": "vie; destin, destin, chance; un ordre, une instruction", - "和": "harmonie, paix; paisible, calme", + "和": "paisible, paix, tempérer, calmer; harmoniser", "咎": "faute, défaut; erreur, erreur", "哀": "triste, triste, pitoyable; pitié", "哉": "particule exclamative finale", @@ -588,7 +588,7 @@ "耶": "utilisé en translittération", "聖": "saint, sacré; sage", "聞": "entendre; odeur; faire connaître; nouvelles", - "聲": "son, voix, bruit ; tonifier; musique", + "聲": "voix, ton, son, bruit; tonifier; musique", "聽": "entendre, écouter; comprendre; obéir", "聾": "sourd", "肆": "se livrer; excès; chiffre quatre ; particule signifiant maintenant, donc ; boutique", @@ -771,7 +771,7 @@ "靈": "esprit, âme; monde spirituel", "靜": "calme, immobile, immobile ; doux", "非": "opposé, négatif, non-; opposer", - "音": "son, tonalité, hauteur, prononciation", + "音": "son, tonalité, hauteur; prononciation", "順": "obéir, se soumettre, accompagner", "頑": "obstiné, têtu; récalcitrant", "風": "vent; air; manières, ambiance", diff --git a/index.html b/index.html index f76ea82..3cd4f8d 100644 --- a/index.html +++ b/index.html @@ -88,7 +88,6 @@

玄xuán 之zhī 又yòu 玄xuán,衆zhòng 妙miào 之zhī 門mén。
De la profondeur la de-nouveau profondeur,(c'est) de nombreux mystères la porte。 -





@@ -142,7 +141,6 @@

是shì 以yǐ 不bù 去qù。
de ce fait il ne part pas {c'est pourquoi cela ne disparaît pas}。 -





@@ -173,89 +171,107 @@

為wéi 無wú 為wéi,則zé 無wú 不bù 治zhì。
Faire sans faire,alors il n'y a pas qui ne soit gouverné。 -






DÀO  4

-
道沖而用之或{有}不盈。 -
Voie se déverse mais de s'en servir semble {c'est avoir de} ne-pas déborder。 - -

淵兮似萬物之宗。 -
Abîme ! Il ressemble – de dix-mille choses – à l'ancêtre {Semblable au patriarche de (toutes) les myriades d'êtres}。 +
道dào 沖chōng 而ér 用yòng 之zhī 有yǒu 不bù 盈yíng。 +
Voie se déverse mais de s'en servir c'est avoir de ne-pas déborder {remplir}。 +
{Voie est vide(métaphore de 沖chōng)} -

[[挫其銳,解其紛, -
[[Il lime sa pointe,il démêle son emmêlé, +

淵yuān 兮xī 始shǐ 萬wàn 物wù 之zhī 宗zōng。 +
Abîme ! L'origine (et) – de dix-mille choses – l'ancêtre。 +
{似sì:Il ressemble au patriarche des myriades d'êtres}。 -

和其光,同其塵。]] --> CH56 -
il harmonise {calme} son éclat {sa lumière},il se rend identique à sa poussière。]] +

[挫cuò 其qí 銳ruì,解jiě 其qí 紛fēn, +
[Il lime sa pointe,il démêle son emmêlé, -

湛兮似或存。 -
Profond ! {Calme !} Il ressemble peut-être à Être {Statique peut-être de rester-être}。 +

和hé 其qí 光guāng,同tóng 其qí 塵chén。] --> CH56 +
il tempère {apaise,harmonise} son éclat {sa lumière},il se rend identique à sa poussière。] -

吾不知誰之子, -
Moi je ne connais pas de qui (il est le) fils {enfant}, +

湛zhàn 兮xī 始shǐ 或huò 存cún。 +
Profond ! À l'origine peut-être qu'il existe。 +
{Calme ! 似sì:Il semble peut-être exister。} -

象帝之先。 -
(cette) image (c'est) de l'empereur {de DIEU, du Maître du ciel} le premier。 -
{il est l'image de ce qui précède la Divinité Suprême} +

吾wú 不bù 知zhī 誰shuí 之zhī 子zǐ, +
Moi je ne connais pas de qui il est fils, +

象xiàng 帝dì 之zhī 先xiān。 +
(cette) image (c'est) de l'empereur le premier。 +
{il semble précéder la Divinité}






DÀO  5

-
天地不仁, +
天tiān 地dì 不bù 仁rén,
Ciel (et) Terre n'ont pas d'humanité {gentillesse} -

以萬物為芻狗; +

以yǐ 萬wàn 物wù 為wéi 芻chú 狗gǒu;
ils considèrent dix-mille-choses étantes foins chiens {chiens de pailles}; -

聖人不仁, +

聖shèng 人rén 不bù 仁rén,
Saint humain n'a pas d'humanité, -

以百姓為芻狗。 +

以yǐ 百bǎi 姓xìng 為wéi 芻chú 狗gǒu。
il considère centaines de noms {de gens; 百姓 : le peuple commun, la masse} étants chiens de pailles。 -

天地之間, +

天tiān 地dì 之zhī 間jiān,
De Ciel (et) Terre l'intervalle {Le vaste espace entre le ciel et la terre}, -

其猶橐籥乎? +

其qí 猶yóu 橐tuó 籥yuè 乎hū?
celui-ci n'est-il pas semblable à un sac d'instrument à vent {橐籥 : soufflet de forge} ? -

虛而不屈, +

虛xū 而ér 不bù 屈qū,
Vide {creux} mais ne s'épuise pas {humble mais ne se plie pas}, -

動而愈出。 -
Bouge mais de plus en plus il produit。 +

動dòng 而ér 愈yù 出chū。 +
bouge mais de plus en plus il sort {produit}。 -

多言數窮, -
Beaucoup de paroles aconte {et au bout du compte} l'appauvrissement, +

多duō 言yán 數shù 窮qióng, +
Beaucoup de paroles aconte l'appauvrissement {et au bout du compte être épuisé}, -

不如守中。 +

不bù 如rú 守shǒu 中zhōng。
pas comme garder la cible {centre, milieu, équilibre, neutralité}。 -






DÀO  6

-
谷神不死, -
L'Esprit de la vallée ne meurt pas, +
谷gǔ 神shén 不bù 死sǐ, +
L'Esprit-Divin de la vallée ne meurt pas, +
{谷神:essence-divine de la vallée,Dao-Divin de la nature} -

是謂玄牝。 -
en-effet il est appelé profonde femelle。 +

是shì 謂wèi 玄xuán 牝pìn。 +
c'est celle-ci qui est appelée profonde femelle。 -

玄牝之門, +

玄xuán 牝pìn 之zhī 門mén,
De profonde femelle la porte, -

是謂天地根。 -
en-effet elle est appelée de Ciel et de Terre la racine。 +

是shì 謂wèi 天tiān 地dì 根gēn。 +
c'est celle-ci qui est appelée la racine du Ciel et de la Terre。 -

綿綿若存, +

綿mián 綿mián 若ruò 存cún,
Continue (de) continue supposant être {semble exister}, -

用之不勤。 +

用yòng 之zhī 不bù 勤qín。
de l'utiliser elle n'épuise pas。 -

+


+ + + +


+

  

+

+
+ +

+
+ +

+
+ +

+
+


diff --git a/inter/12.html b/inter/12.html index 850dcf4..ea1eb70 100644 --- a/inter/12.html +++ b/inter/12.html @@ -300,7 +300,7 @@

- +
lìng rén máng yīn lìng rén ěr lóng wèi lìng rén kóu shuǎngchí chěng tián lièlìng rén xīn kuángnán zhī huòlìng rén xíng fángshì shèng rén wéi wéi
cinq nom de famille-#P #W #C #Z
couleur teinte, teinte, nuance  forme, corps; beauté, désir de beauté#P #W #C #Z
lìngcommandement ordre « commandant », magistrat ; permettre, provoquer#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
œil regarde, vois division, sujet#P #W #C #Z
mángaveugle imperceptible, myope-#P #W #C #Z
cinq nom de famille-#P #W #C #Z
yīnson tonalité, hauteur, prononciation-#P #W #C #Z
lìngcommandement ordre « commandant », magistrat ; permettre, provoquer#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
ěroreille simplement, seulement poignée#P #W #C #Z
lóngsourd--#P #W #C #Z
cinq nom de famille-#P #W #C #Z
wèigoût odeur, odeur délicatesse#P #W #C #Z
lìngcommandement ordre « commandant », magistrat ; permettre, provoquer#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
kóubouche extrémité ouverte entrée, portail#P #W #C #Z
shuǎngheureux joyeux rafraîchissant#P #W #C #Z
chíallez vite ou vite dépêchez-vous-#P #W #C #Z
chěngcheval au galop dépêche-toi, dépêche-toi-#P #W #C #Z
tiánchamp terre arable, cultivée-#P #W #C #Z
lièchasse sports de terrain-#P #W #C #Z
lìngcommandement ordre « commandant », magistrat ; permettre, provoquer#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
xīncœur esprit, intelligence âme#P #W #C #Z
émettre expédier, envoyer, émettre-#P #W #C #Z
kuángfou fou violent; sauvage#P #W #C #Z
nándifficile ardu, dur incapable#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
huòmarchandises marchandises, produits-#P #W #C #Z
lìngcommandement ordre « commandant », magistrat ; permettre, provoquer#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
xíngaller marcher déménager, voyager; circuler#P #W #C #Z
fánginterférer gêner, obstruer-#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
shèngsaint sacré sage#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
estomac ventre, abdomen à l'intérieur#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
œil regarde, vois division, sujet#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
s'en aller partir, partir-#P #W #C #Z
que là, ceux-#P #W #C #Z
prendre recevoir, obtenir sélectionner#P #W #C #Z
ceci ceux-là  dans ce cas, alors#P #W #C #Z
cinq nom de famille-#P #W #C #Z
couleur teinte, teinte, nuance  forme, corps; beauté, désir de beauté#P #W #C #Z
lìngcommandement ordre « commandant », magistrat ; permettre, provoquer#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
œil regarde, vois division, sujet#P #W #C #Z
mángaveugle imperceptible, myope-#P #W #C #Z
cinq nom de famille-#P #W #C #Z
yīnson tonalité, hauteur prononciation#P #W #C #Z
lìngcommandement ordre « commandant », magistrat ; permettre, provoquer#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
ěroreille simplement, seulement poignée#P #W #C #Z
lóngsourd--#P #W #C #Z
cinq nom de famille-#P #W #C #Z
wèigoût odeur, odeur délicatesse#P #W #C #Z
lìngcommandement ordre « commandant », magistrat ; permettre, provoquer#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
kóubouche extrémité ouverte entrée, portail#P #W #C #Z
shuǎngheureux joyeux rafraîchissant#P #W #C #Z
chíallez vite ou vite dépêchez-vous-#P #W #C #Z
chěngcheval au galop dépêche-toi, dépêche-toi-#P #W #C #Z
tiánchamp terre arable, cultivée-#P #W #C #Z
lièchasse sports de terrain-#P #W #C #Z
lìngcommandement ordre « commandant », magistrat ; permettre, provoquer#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
xīncœur esprit, intelligence âme#P #W #C #Z
émettre expédier, envoyer, émettre-#P #W #C #Z
kuángfou fou violent; sauvage#P #W #C #Z
nándifficile ardu, dur incapable#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
huòmarchandises marchandises, produits-#P #W #C #Z
lìngcommandement ordre « commandant », magistrat ; permettre, provoquer#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
xíngaller marcher déménager, voyager; circuler#P #W #C #Z
fánginterférer gêner, obstruer-#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
shèngsaint sacré sage#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
estomac ventre, abdomen à l'intérieur#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
œil regarde, vois division, sujet#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
s'en aller partir, partir-#P #W #C #Z
que là, ceux-#P #W #C #Z
prendre recevoir, obtenir sélectionner#P #W #C #Z
ceci ceux-là  dans ce cas, alors#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 12

Les couleurs aveuglent les yeux.

Les sons assourdissent les oreilles.

Les saveurs engourdissent le goût.

Les pensées affaiblissent l'esprit.

Les désirs dessèchent le cœur.

Le Maître observe le monde

mais fait confiance à sa vision intérieure.

Il laisse les choses aller et venir.

Son cœur est ouvert comme le ciel.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE XII

Les cinq couleurs (1) émoussent la vue de l’homme (2).

Les cinq (3) notes (de musique) émoussent l’ouïe de l’homme (4).

Les cinq saveurs (5) émoussent le goût de l’homme (6).

Les courses violentes, l’exercice de la chasse égarent (7) le cœur de l’homme.

Les biens d’une acquisition difficile poussent l’homme à des actes qui lui nuisent (8).

De là vient que le saint homme (9) s’occupe de son intérieur et ne s’occupe pas de ses yeux (10).

C’est pourquoi il renonce à ceci et adopte cela.


NOTES.

(1) C : Ce chapitre a pour but de montrer que l’homme doit se délivrer de la séduction des objets extérieurs, pour arriver à se perfectionner intérieurement. Suivant le Phing-tseu-loui-pien, liv. xcvii,lig. 1, les cinq couleurs sont : le bleu, le rouge, le jaune, le blanc et le noir.


(2) Littér. « font que les yeux des hommes deviennent aveugles. »


(3) G : Les cinq notes musicales kong, chang, kio, tchi et tu.


(4) Littér. « font que les oreilles des hommes deviennent sourdes. »


(5) C : Ce qui est doux, piquant, acide, salé, amer.


(6) Littér. « font que la bouche des hommes se trompe. »


(7) Littér. « font que le cœur de l’homme devient fou. »


(8) Je suis Ho-chang-kong, qui explique le mot fang par « blesser, nuire. »


(9) C : Il n’y a que le saint homme qui connaisse la mesure convenable,qui sache se suffire. Les mots weï-fo 為腹 signifient « remplir son intérieur (littér. « son ventre » ), » c’est-à-dire, garder ses cinq natures, expulser ses six affections, modérer sa force vitale,et nourrir (E) ses esprits.

(10) B : L’expression po-weï-mou 不為目, « il ne s’occupe pas de ses yeux, » veut dire qu’il ne cherche point à réjouir ses yeux par la vue des objets extérieurs, de peur de troubler son cœur. Il renonce aux choses qui n’ont qu’une surface riche et brillante,et il recherche uniquement les richesses intérieures du cœur, qui sont seules vraies et solides.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 12

Les cinq couleurs
aveuglent l'homme.
Les cinq notes
assourdissent ses oreilles.
Les cinq saveurs
rendent sa bouche insensible.
Les courses et la chasse
égarent son esprit.
Les richesses
l'empêchent de progresser.
Ainsi
le Sage tourne
son regard en lui-même et,
loin du tumulte et des passions,
exerce librement son choix.


MA KOU 1984 CHAPITRE 12

Les cinq couleurs aveuglent
Les cinq notes rendent sourd
Les cing saveurs émoussent le goût.

Courses et chasses excitent la bestialité
Biens précieux entravent le progrès.

Aussi le sage
Se concentre dans l’abdomen*
Et non dans l’œil.
Rejette toute influence
Et demeure centré.
(le ventre et non l’estomac ; « l’océan de l’énergie » où les souffles s’harmonisent et y trouvent leur plénitude. La pratique de la méditation, du Tai Chi ou des arts martiaux est basée sur une respiration abdominale qui permet à l’être humain de trouver son centre de gravité)
ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 12

Les cinq couleurs rendent les yeux de l'homme aveugle, les cinq sons rendent ses oreilles sourdes, les cinq saveur rendent sa bouche inapte à savourer. Les courses violentes et le galop des chasses déchaînent dans son coeur de furieuses passions. Les biens difficiles à acquérir font qu'il se heurte à de dangereux obstacles.
C'est pourquoi le Saint-Homme s'occupe de l'intérieur et non des sens. Il rejette ceci et adopte cela;
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 12

La vue des couleurs aveugle les yeux de l’hom­me. L’audition des sons lui fait perdre l’ouïe. La gustation des saveurs use son goût. La course et la chasse, en déchaînant en lui de sauvages passions, affolent son cœur. L’amour des objets rares et d’obtention difficile, le pousse à des efforts qui lui nuisent.
Aussi le Sage a-t-il cure de son ventre, et non de ses sens.
Il renonce à ceci, pour embrasser cela. (Il re­nonce à ce qui l’use, pour embrasser ce qui le conserve.)
Ce chapitre se rattache au précédent. Le ventre est le creux, le vide, donc la partie essentielle et efficace, dans l’homme. C’est lui, qui entretient le composé humain et toutes ses parties, par la digestion et l’assimilation. C’est donc lui qui est l’objet des soins judicieux du Sage taoïste. On comprendra, après cela, pourquoi les bedaines sont si estimées en Chine, et pourquoi les grands personnages du Taoïsme sont le plus souvent représentés très ventrus. Au contraire, l’applica­tion des sens, l’exercice de l’esprit, la curiosité, toute activité et toute passion usant les deux âmes et le composé, le Sage s’en abstient soigneusement.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 12

Les cinq couleurs rendent l'œil aveugle,

Les cinq tons rendent l'oreille sourde,

Les cinq saveurs rendent la bouche vorace.

La course rapide, le travail agricole et la chasse,

rendent le cœur si fou qu'il en sortirait.

Les biens difficiles à obtenir

rendent la marche heurtée.

C'est pourquoi l'homme sacré forme son abdomen, pas son œil.

Ainsi il quitte cela et prend ceci.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 12

Les cinq couleurs aveuglent l’oeil de l’homme.

Les cinq notes assourdissent l’oreille de l’homme.

Les cinq goûts gâtent la bouche de l’homme.

Les courses et la chasse égarent le coeur de l’homme.

Les biens difficiles à acquérir entravent la conduite de

l’homme.

Aussi le Saint s’occupe t il du ventre et non de l’oeil.

C’est pourquoi il rejette « cela » et choisit « ceci ».

***

Tous les plaisirs qui chatouillent les sens tournent à leur contraire

par surabondance. L’homme en est affolé et embarrassé dans sa

conduite morale. Dans l’exercice de son gouvernement, le saint

souverain doit veiller à ce que le peuple ne s’écarte pas des bonnes

moeurs par de telles jouissances ; à cette fin, il s’occupe seulement du

« ventre » du peuple, c’est à dire qu’il a soin que le peuple ait assez à

manger. D’autres occupations culturelles ne sont pas admises.

Pour l’expression : « des biens difficiles à acquérir », voir les chapitres

III et LXIV.

Plusieurs commentateurs et traducteurs croient que les derniers pa

ragraphes se rapportent à la conduite du Saint lui-même. Le « ventre

» est alors interprété comme l’ « intérieur », et l’on comprend : « Le

Saint n’a cure que de son intérieur, non pas de son oeil. » Cette interprétation

me semble inacceptable. Dans tout le livre l’on retrouve

souvent l’idée des rapports du saint souverain avec le peuple : une

forte tendance anti-culturelle y est souvent exprimée (voir III).

L’expression : « C’est pourquoi il rejette ‘cela’ et choisit ‘ceci’ » se retrouve

dans XXXVIII et LXXII. Ce sont surtout des termes de l’école

« dialectique » Néo mohiste. Ici elle semble indiquer que le Saint

choisit ce qui, logiquement, est près, c’est à dire le soin du ventre, et

rejette ce qui est loin, c’est à dire secondaire, les occupations culturelles.


diff --git a/inter/18.html b/inter/18.html index 39809fa..69ae4b3 100644 --- a/inter/18.html +++ b/inter/18.html @@ -300,8 +300,8 @@

- - + +
dào fèiyǒu rén zhì huì chūyǒu wěiliù qīn yǒu xiào guó jiā hūn luànyǒu zhōng chén
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
fèiabroger mettre fin, rejeter-#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
rénhumanité bienveillance, gentillesse-#P #W #C #Z
bonne conduite droiture-#P #W #C #Z
zhìsagesse connaissance, intelligence-#P #W #C #Z
huìbrillant intelligent intelligence#P #W #C #Z
chūsortez envoyez rester; produire#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
wěifaux contrefait, faux-#P #W #C #Z
liùnuméro six--#P #W #C #Z
qīnproches parents intime#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
harmonie paix paisible, calme#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
xiàopiété filiale obéissance deuil#P #W #C #Z
gentil charitable, bienveillant-#P #W #C #Z
guónation pays, État-nation-#P #W #C #Z
jiāmaison foyer, résidence famille#P #W #C #Z
hūncrépuscule tombée de la nuit, crépuscule, sombre-#P #W #C #Z
luànconfusion état de chaos créer le chaos, la révolte#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
zhōngloyauté dévouement, fidélité-#P #W #C #Z
chénministre homme d'État, fonctionnaire-#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 18

Quand le grand Tao est oublié,

la bonté et la piété apparaissent.

Quand l'intelligence du corps décline,

l'intelligence et la connaissance font leur apparition.

Quand il n'y a pas de paix dans la famille,

la piété filiale commence.

Quand le pays tombe dans le chaos,

le patriotisme naît.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE XVIII

Quand la grande Voie (1) eut dépéri, on vit paraître l’humanité et la justice.

Quand la prudence et la perspicacité (2) se furent montrées, on vit naître une grande hypocrisie (3).

Quand les six parents (4) eurent cessé de vivre en bonne harmonie, on vit des actes de piété filiale et d’affection paternelle (5).

Quand les états furent tombés dans le désordre, on vit des sujets fidèles et dévoués (6).


NOTES.

(1) E : Quand la grande Voie était fréquentée, les hommes du peuple ne s’abandonnaient pas les uns les autres. Où était l’humanité ?(c’est-à-dire l’humanité ne se remarquait pas encore.) Les peuples ne s’attaquaient point les uns les autres. Où était la justice ? (c’est-à-dire la justice ne se remarquait pas encore.) Mais, quand le Tao eut dépéri, l’absence de l’affection fit remarquer l’humanité ; l’existence de la désobéissance ou de la révolte fit remarquer la justice (ou l’accomplissement des devoirs des sujets).


(2) C, H : Les mots « prudence et perspicacité » se rapportent à ceux qui gouvernent.


(3) C : Des que la prudence et la perspicacité se furent une fois montrées, il y eut de grandes trahisons sous le masque du dévouement,il y eut de grandes hypocrisies sous le masque de la sincérité.

H : Si ceux qui gouvernent ont recours à la prudence et à la ruse,le peuple suivra leur exemple et emploiera les ressources de son esprit pour violer impunément les lois.


(4) G : Cette expression désigne le père et le fils, les frères aînés et les frères cadets, le mari et la femme.


(5) H : Dans la haute antiquité, les noms de piété filiale et d’affection paternelle étaient inconnus, et cependant ces vertus existaient dans le cœur des pères et des enfants. Mais, quand la voie du siècle eut dépéri, on vit une foule de pères qui manquèrent d’affection pour leurs enfants, et alors on mit en avant l’affection paternelle pour donner l’exemple aux pères ; il y eut beaucoup d’enfants qui manquèrent de piété filiale. C’est pourquoi on mit en avant la piété filiale pour l’enseigner aux enfants de tout l’empire. On voit par là que les noms d’affection paternelle et de piété filiale ont pris naissance dans la désunion et la discorde des parents.


(6) Sou-tseu-yeou : Yao n’a pas manqué de piété filiale, et cependant l’histoire vante uniquement la piété filiale de Chun. C’est qu’Yao n’avait pas un Kou-seou pour père (la méchanceté de Kou-seou fit ressortir la piété filiale de Chun). I-yn et Tcheou-kong n’ont pas manqué de loyauté envers leur souverain, et cependant l’histoire vante uniquement la loyauté de Long-fong et de Pi-kan (la cruauté des empereurs Kie et Tcheou fit ressortir leur vertu).


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 18

Autrefois le Tao régnait.
L'homme suivait
l'ordre de la nature.
Puis il advint une époque
où le Tao fut oublié et ce fut alors
l'ère de la justice des hommes.
Puis ce fut l'époque
de l'intelligence et de l'habileté.
et les ambitions
ne connurent plus de bornes.
La paix quitta les familles.
Mais c'est dans l'adversité
que se révèlent
les fils respectueux.
L'Etat sombra dans le désordre.
Mais c'est pendant l'anarchie
que surgissent
les serviteurs loyaux.
Ainsi le Tao
est toujours près de l'homme
pour le secourir.


MA KOU 1984 CHAPITRE 18

Le sens du Tao perdu
Morale et justice apparaissent
Suivis de l’intelligence et de l’habileté
Qui engendrent la vaste duplicité.

Lorsque les six relations se désaccordent
S’imposent alors amour et devoir filial.

Lorsque les Etats tombent dans le désordre
Apparaissent alors les serviteurs loyaux.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 18

Quand le grand Tao fut délaissé, il y eut l'humanité, la justice. Puis la Sagesse, la prudence parurent, et l'hypocrisie fut générale.
Dans la famille, les membres se méconnurent; il y eut l'affection des parents, la piété filiale.
Les Etats souffrirent de la corruption, du désordre; il y eut des fonctionnaires fidèles.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 18

Quand l’action conforme au Principe dépérit (quand les hommes cessèrent d’agir spontanément avec bonté et équité), ou inventa les principes arti­ficiels de la bonté et de l’équité ; et ceux de la pru­dence et de la sagesse, qui dégénérèrent bientôt en politique.
Quand les parents ne vécurent plus dans l’harmo­nie naturelle ancienne, on tâcha de suppléer à ce déficit par l’invention des principes artificiels de la piété filiale et de l’affection paternelle.
Quand les États furent tombés dans le désordre, on inventa le type du ministre fidèle.
Les principes et les préceptes, en un mot la morale conventionnelle, inutiles dans l’âge du bien spontané, furent inventés quand le monde tomba en décadence, comme un remède à cette décadence. L’invention fut plutôt malheureuse. Le seul vrai remède eût été le retour au Principe primitif. — C’est ici la déclaration de guerre de Lao-tzeu à Confucius. Tous les auteurs taoïstes, Tchoang-tzeu en particulier, ont déclamé contre la bonté et l’équité artificielles, mot d’ordre du Confucéisme.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 18

La grande voie est abandonnée,

on a une justice pleine d'humanité.

L'intelligence sort de la sagesse,

on a de grandes falsifications.

Les six parents¹ ne s'entendent plus,

on a la piété filiale bienveillante.

Le pays et la famille sont en désordre au crépuscule,

on a des officiels loyaux.

1. Le père et le fils, le frère aîné et le frère cadet, le mari et la femme.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 18

Quand la grande Voie est déchue, il y a l’humanité et la

justice.

Quand l’intelligence et la connaissance se montrent, il y a

une grande culture artificielle.

Quand les six parents ne vivent pas en harmonie, il y a des

fils filiaux.

Quand l’État et la dynastie sombrent dans le désordre, il y

a des ministres fidèles.

***

Ce chapitre se dirige contre l’école de Confucius et ses efforts

consciemment moraux. Quand tout suit le cours naturel qu’il doit

suivre, sans intervention humaine, sans contrainte, il n’y a pas lieu

d’exercer toutes ces vertus que nomme le texte. Elles font violence

à la nature de l’homme et ne se montrent qu’en opposition à une

société généralement corrompue ; elles sont la preuve que la Voie

est perdue. La « culture artificielle », wei (66), qui est « contre nature

», est particulièrement louée par Siun tseu (ca. 300 235 av. J. C.). A

l’encontre de Mencius (372 288 av. J. C.), qui tient la nature humaine

pour bonne, Siun tseu est convaincu que l’homme est méchant de

naissance et ne peut devenir bon que par la discipline des rites et de

l’éducation. Cette vertu acquise est « artificielle », wei.

Hiao tseu (67), « fils filiaux », est une variante pour la leçon traditionnelle

hiao ts’eu (68), « piété filiale et amour (maternel), mansuétude

» (voir LXVII) ; la première leçon correspond mieux aux « ministres

fidèles », et je la suis.

grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
fèiabroger mettre fin, rejeter-#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
rénhumanité bienveillance, gentillesse-#P #W #C #Z
bonne conduite droiture-#P #W #C #Z
zhìsagesse connaissance, intelligence-#P #W #C #Z
huìbrillant intelligent intelligence#P #W #C #Z
chūsortez envoyez rester; produire#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
wěifaux contrefait, faux-#P #W #C #Z
liùnuméro six--#P #W #C #Z
qīnproches parents intime#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
paisible paix, tempérer, calmer harmoniser#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
xiàopiété filiale obéissance deuil#P #W #C #Z
gentil charitable, bienveillant-#P #W #C #Z
guónation pays, État-nation-#P #W #C #Z
jiāmaison foyer, résidence famille#P #W #C #Z
hūncrépuscule tombée de la nuit, crépuscule, sombre-#P #W #C #Z
luànconfusion état de chaos créer le chaos, la révolte#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
zhōngloyauté dévouement, fidélité-#P #W #C #Z
chénministre homme d'État, fonctionnaire-#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 18

Quand le grand Tao est oublié,

la bonté et la piété apparaissent.

Quand l'intelligence du corps décline,

l'intelligence et la connaissance font leur apparition.

Quand il n'y a pas de paix dans la famille,

la piété filiale commence.

Quand le pays tombe dans le chaos,

le patriotisme naît.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE XVIII

Quand la grande Voie (1) eut dépéri, on vit paraître l’humanité et la justice.

Quand la prudence et la perspicacité (2) se furent montrées, on vit naître une grande hypocrisie (3).

Quand les six parents (4) eurent cessé de vivre en bonne harmonie, on vit des actes de piété filiale et d’affection paternelle (5).

Quand les états furent tombés dans le désordre, on vit des sujets fidèles et dévoués (6).


NOTES.

(1) E : Quand la grande Voie était fréquentée, les hommes du peuple ne s’abandonnaient pas les uns les autres. Où était l’humanité ?(c’est-à-dire l’humanité ne se remarquait pas encore.) Les peuples ne s’attaquaient point les uns les autres. Où était la justice ? (c’est-à-dire la justice ne se remarquait pas encore.) Mais, quand le Tao eut dépéri, l’absence de l’affection fit remarquer l’humanité ; l’existence de la désobéissance ou de la révolte fit remarquer la justice (ou l’accomplissement des devoirs des sujets).


(2) C, H : Les mots « prudence et perspicacité » se rapportent à ceux qui gouvernent.


(3) C : Des que la prudence et la perspicacité se furent une fois montrées, il y eut de grandes trahisons sous le masque du dévouement,il y eut de grandes hypocrisies sous le masque de la sincérité.

H : Si ceux qui gouvernent ont recours à la prudence et à la ruse,le peuple suivra leur exemple et emploiera les ressources de son esprit pour violer impunément les lois.


(4) G : Cette expression désigne le père et le fils, les frères aînés et les frères cadets, le mari et la femme.


(5) H : Dans la haute antiquité, les noms de piété filiale et d’affection paternelle étaient inconnus, et cependant ces vertus existaient dans le cœur des pères et des enfants. Mais, quand la voie du siècle eut dépéri, on vit une foule de pères qui manquèrent d’affection pour leurs enfants, et alors on mit en avant l’affection paternelle pour donner l’exemple aux pères ; il y eut beaucoup d’enfants qui manquèrent de piété filiale. C’est pourquoi on mit en avant la piété filiale pour l’enseigner aux enfants de tout l’empire. On voit par là que les noms d’affection paternelle et de piété filiale ont pris naissance dans la désunion et la discorde des parents.


(6) Sou-tseu-yeou : Yao n’a pas manqué de piété filiale, et cependant l’histoire vante uniquement la piété filiale de Chun. C’est qu’Yao n’avait pas un Kou-seou pour père (la méchanceté de Kou-seou fit ressortir la piété filiale de Chun). I-yn et Tcheou-kong n’ont pas manqué de loyauté envers leur souverain, et cependant l’histoire vante uniquement la loyauté de Long-fong et de Pi-kan (la cruauté des empereurs Kie et Tcheou fit ressortir leur vertu).


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 18

Autrefois le Tao régnait.
L'homme suivait
l'ordre de la nature.
Puis il advint une époque
où le Tao fut oublié et ce fut alors
l'ère de la justice des hommes.
Puis ce fut l'époque
de l'intelligence et de l'habileté.
et les ambitions
ne connurent plus de bornes.
La paix quitta les familles.
Mais c'est dans l'adversité
que se révèlent
les fils respectueux.
L'Etat sombra dans le désordre.
Mais c'est pendant l'anarchie
que surgissent
les serviteurs loyaux.
Ainsi le Tao
est toujours près de l'homme
pour le secourir.


MA KOU 1984 CHAPITRE 18

Le sens du Tao perdu
Morale et justice apparaissent
Suivis de l’intelligence et de l’habileté
Qui engendrent la vaste duplicité.

Lorsque les six relations se désaccordent
S’imposent alors amour et devoir filial.

Lorsque les Etats tombent dans le désordre
Apparaissent alors les serviteurs loyaux.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 18

Quand le grand Tao fut délaissé, il y eut l'humanité, la justice. Puis la Sagesse, la prudence parurent, et l'hypocrisie fut générale.
Dans la famille, les membres se méconnurent; il y eut l'affection des parents, la piété filiale.
Les Etats souffrirent de la corruption, du désordre; il y eut des fonctionnaires fidèles.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 18

Quand l’action conforme au Principe dépérit (quand les hommes cessèrent d’agir spontanément avec bonté et équité), ou inventa les principes arti­ficiels de la bonté et de l’équité ; et ceux de la pru­dence et de la sagesse, qui dégénérèrent bientôt en politique.
Quand les parents ne vécurent plus dans l’harmo­nie naturelle ancienne, on tâcha de suppléer à ce déficit par l’invention des principes artificiels de la piété filiale et de l’affection paternelle.
Quand les États furent tombés dans le désordre, on inventa le type du ministre fidèle.
Les principes et les préceptes, en un mot la morale conventionnelle, inutiles dans l’âge du bien spontané, furent inventés quand le monde tomba en décadence, comme un remède à cette décadence. L’invention fut plutôt malheureuse. Le seul vrai remède eût été le retour au Principe primitif. — C’est ici la déclaration de guerre de Lao-tzeu à Confucius. Tous les auteurs taoïstes, Tchoang-tzeu en particulier, ont déclamé contre la bonté et l’équité artificielles, mot d’ordre du Confucéisme.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 18

La grande voie est abandonnée,

on a une justice pleine d'humanité.

L'intelligence sort de la sagesse,

on a de grandes falsifications.

Les six parents¹ ne s'entendent plus,

on a la piété filiale bienveillante.

Le pays et la famille sont en désordre au crépuscule,

on a des officiels loyaux.

1. Le père et le fils, le frère aîné et le frère cadet, le mari et la femme.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 18

Quand la grande Voie est déchue, il y a l’humanité et la

justice.

Quand l’intelligence et la connaissance se montrent, il y a

une grande culture artificielle.

Quand les six parents ne vivent pas en harmonie, il y a des

fils filiaux.

Quand l’État et la dynastie sombrent dans le désordre, il y

a des ministres fidèles.

***

Ce chapitre se dirige contre l’école de Confucius et ses efforts

consciemment moraux. Quand tout suit le cours naturel qu’il doit

suivre, sans intervention humaine, sans contrainte, il n’y a pas lieu

d’exercer toutes ces vertus que nomme le texte. Elles font violence

à la nature de l’homme et ne se montrent qu’en opposition à une

société généralement corrompue ; elles sont la preuve que la Voie

est perdue. La « culture artificielle », wei (66), qui est « contre nature

», est particulièrement louée par Siun tseu (ca. 300 235 av. J. C.). A

l’encontre de Mencius (372 288 av. J. C.), qui tient la nature humaine

pour bonne, Siun tseu est convaincu que l’homme est méchant de

naissance et ne peut devenir bon que par la discipline des rites et de

l’éducation. Cette vertu acquise est « artificielle », wei.

Hiao tseu (67), « fils filiaux », est une variante pour la leçon traditionnelle

hiao ts’eu (68), « piété filiale et amour (maternel), mansuétude

» (voir LXVII) ; la première leçon correspond mieux aux « ministres

fidèles », et je la suis.


diff --git a/inter/2.html b/inter/2.html index a081b0c..c26c6b4 100644 --- a/inter/2.html +++ b/inter/2.html @@ -300,8 +300,8 @@

- - + +
tiān xià jiē zhī měi zhī wéi měi è jiē zhī shàn zhī wéi shàn shàn yǒu xiāng shēngnán xiāng chéngcháng duǎn xiāng jiàogāo xià xiāng qīngyīn shēng xiāng qián hòu xiāng suíshì shèng rén chǔ wéi zhī shìxíng yán zhī jiàowàn zuò yān ér shēng ér yǒuwéi ér shìgōng chéng ér wéi shì
tiānciel paradis dieu, céleste#P #W #C #Z
xiàdessous dessous, dessous vers le bas; inférieur; faire baisser#P #W #C #Z
jiētout tout, tout le monde-#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
měibeau joli plaisant#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
měibeau joli plaisant#P #W #C #Z
ceci cela, donc, tel couper; particule emphatique#P #W #C #Z
èmal méchant, mauvais moche, immonde#P #W #C #Z
déjà alors, après fini arrêt#P #W #C #Z
jiētout tout, tout le monde-#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
ceci cela, donc, tel couper; particule emphatique#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
déjà alors, après fini arrêt#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
nándifficile ardu, dur incapable#P #W #C #Z
changement facile-#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
chéngterminé fini, accomplir réparé#P #W #C #Z
chánglong longueur exceller dans; chef#P #W #C #Z
duǎncourt bref déficient, manquant#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
jiàocomparer comparativement, plus-#P #W #C #Z
gāohaut grand élevé, élevé#P #W #C #Z
xiàdessous dessous, dessous vers le bas; inférieur; faire baisser#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
qīngbouleversé déversé, débordé incliner#P #W #C #Z
yīnson tonalité, hauteur, prononciation-#P #W #C #Z
shēngson voix, bruit tonifier; musique#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
harmonie paix paisible, calme#P #W #C #Z
qiándevant en avant précédent#P #W #C #Z
hòuderrière derrière, après descendants#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
suísuivre écouter, soumettre accompagner; par la suite, alors#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
shèngsaint sacré sage#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
chǔlieu place, département prendre place, résider, rester, habiter, traiter avec#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
shìaffaire faire, servir accident, incident#P #W #C #Z
xíngaller marcher déménager, voyager; circuler#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yánparole mot parler, dire#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
jiàoenseigner classe-#P #W #C #Z
wàndix mille innombrable myriades#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
zuòfaire travail composer, écrire; agir, accomplir#P #W #C #Z
yānlà-dessus alors  comment ? pourquoi ? où?#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
discours expression, diction, phrase, motrejet#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
shìcompter sur se fier à, faire confiance à présumer, se vanter de#P #W #C #Z
gōngréussite mérite, bon résultat, succès, réalisation-#P #W #C #Z
chéngterminé fini, accomplir réparé#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
non négatif-#P #W #C #Z
vivre habiter, résider, s'asseoir-#P #W #C #Z
homme adulte de sexe masculin, mari  ceci, celui#P #W #C #Z
wéiseulement simplement, justement, souhait oui#P #W #C #Z
non négatif-#P #W #C #Z
vivre habiter, résider, s'asseoir-#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
s'en aller partir, partir-#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 2

Quand les gens voient certaines choses comme belles,

d’autres deviennent laides.

Quand les gens voient certaines choses comme bonnes,

d’autres deviennent mauvaises.

L'être et le non-être se créent l'un l'autre.

Le difficile et le facile se soutiennent.

Le long et le court se définissent.

Le haut et le bas dépendent l'un de l'autre.

L'avant et l'après se suivent.

C'est pourquoi le Maître

agit sans rien faire

et enseigne sans rien dire.

Les choses surgissent et il les laisse venir ;

les choses disparaissent et il les laisse partir.

Il a mais ne possède pas,

il agit mais n'attend rien.

Quand son œuvre est terminée, il l'oublie.

C'est pourquoi elle dure pour toujours.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE II

Dans le monde, lorsque tous les hommes ont su apprécier la beauté (morale) (1) alors la laideur (du vice) a paru.

Lorsque tous les hommes ont su apprécier le bien,alors le mal a paru.

C’est pourquoi (2) l’être et le non-être  (3) naissent l’un de l’autre.

Le difficile et le facile  (4) se produisent mutuellement.

Le long et le court  (5) se donnent mutuellement leur forme.

Le haut et le bas  (6) montrent mutuellement leur inégalité.

Les tons et la voix (7) s’accordent mutuellement.

L’antériorité et la postériorité (8) sont la conséquence l’une de l’autre.

De là vient que le saint homme fait son occupation du non-agir (9).

Il fait consister ses instructions dans le silence.

Alors tous les êtres se mettent en mouvement (10), et il ne leur refuse rien.

Il les produit (11) et ne se les approprie pas.

Il les perfectionne et ne compte pas sur eux (12).

Ses mérites étant accomplis, il ne s’y attache pas (13).

Il ne s’attache pas à ses mérites ; c’est pourquoi ils ne le quittent point (14).


NOTES.

(1) E : Dans la haute antiquité, tous les peuples avaient de la droiture, et ils ne savaient pas qu’ils pratiquassent l’équité. Ils s’aimaient les uns les autres, et ils ne savaient pas qu’ils pratiquassent l’humanité. Ils étaient sincères, et ils ne savaient pas qu’ils pratiquassent l’honnêteté. Ils tenaient leurs promesses, et ils ne savaient pas qu’ils pratiquassent la fidélité dans les paroles. En voici la raison : tous les peuples étaient également bons et vertueux ; c’est pourquoi ils ne savaient pas distinguer les différentes nuances de vertus (littéralement, « ils ne savaient pas que le beau moral et le bien, to kalon, to duathon, fussent différents »). Mais, dans les siècles suivants, l’apparition du vice leur apprit, pour la première fois, à reconnaître la beauté morale ; l’apparition du mal leur apprit, pour la première fois, à reconnaître le bien. Quand le siècle fut dépravé davantage, le beau et le bien parurent avec plus d’éclat.


(2) E : Les comparaisons qui suivent ont pour but de montrer que la beauté morale et le vice, le bien et le mal se font ressortir mutuellement par leur opposition (littéralement, « se donnent mutuellement leur forme » ), et montrent mutuellement leur inégalité,leur différence.

B : Lao-tseu veut dire que, dès qu’on voit le beau moral, on reconnaît l’existence du vice (littéralement, « du laid » ). Dès qu’on remarque le bien, on reconnaît l’existence du mal. L’homme doit tenir son cœur dans l’obscurité et renouveler sa nature ; oublier le beau moral et le vice, le bien et le mal. S’il ne songe plus au beau moral, alors il n’y aura plus pour lui d’actions vicieuses ; s’il ne songe plus au bien, alors il n’y aura plus pour lui d’actions mauvaises.


(3) A : En voyant l’être on se fait une idée du non-être.

B : Le non-être produit l’être ; l’être produit le non-être. Ibid. Les êtres, ne pouvant subsister éternellement, finissent par retourner au non-être.


(4) B : S’il n’y avait pas de choses difficiles, on ne pourrait faire des choses faciles (ce sont les choses difficiles qui font juger des choses faciles) ; s’il n’y avait pas de choses faciles, comment arriverait-on à faire des choses difficiles ? Le facile résulte du difficile ; le difficile résulte du facile.


(5) B : On reconnaît qu’une chose est courte en la comparant à une chose longue, et vice versa. Liu-kie-fou : Lorsqu’on a vu la longueur de la jambe d’une cigogne, on reconnaît combien est courte la patte d’un canard, et vice versa.


(6) B : Si je monte sur une hauteur et que je regarde au-dessous de moi, je remarque combien la terre est basse. Si je suis dans une plaine et que je lève les yeux, je suis frappé de la hauteur d’une montagne.


(7) B : Sans la connaissance des tons on ne pourrait faire accorder les voix (on ne pourrait reconnaître l’accord harmonieux des voix) ; sans la voix on ne pourrait former des tons.

Suivant C, ce passage s’appliquerait à la voix et à l’écho qui y répond du sein d’une vallée profonde.


(8) B : En voyant que cet homme marche devant moi, je reconnais qu’il me précède et que je le suis ; en le voyant après moi, je reconnais que je le précède et qu’il me suit. Le rang postérieur résulte du rang antérieur ; le rang antérieur résulte du rang postérieur.


(9) E : Le saint homme se sert du Tao pour convertir le monde. Ses occupations, il les fait consister dans le non-agir ; ses instructions,il les fait consister dans le non-parler, le silence (c’est-à-dire (C) qu’il instruit par son exemple et non par des paroles). Il cultive le principal et ne s’appuie point sur l’accessoire. Le monde se convertit et l’imite. Ceux qui ne sont pas vertueux réforment leurs habitudes, et la vertu éminente passe dans les mœurs.


(10) A : Chacun d’eux se met en mouvement (pour naître) ; il ne leur refuse rien et n’arrête pas leur développement. E : Tous les êtres naissent en invoquant l’appui du saint homme. Il peut leur fournir tout ce dont ils ont besoin, et ne les repousse pas.


(11) E : Il peut les faire naître et ne les regarde pas comme étant sa propriété.


(12) E : Il peut les faire (ce qu’ils sont), mais jamais il ne compte sur eux pour en tirer profit.


(13) E : Quand ses mérites sont accomplis, jusqu’à la fin de sa vie, il les considère comme s’ils lui étaient étrangers, et ne s’y attache pas. A : Il ne se glorifie pas de sa capacité : 不恃其能


(14) E : Il ne s’attache pas à son mérite, c’est pour cela qu’il a du mérite. S’il s’attachait à son mérite, s’il s’en glorifiait, il le perdrait entièrement.

Aliter A : Le bonheur et la vertu subsistent constamment ; ils ne s’éloignent jamais de lui.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 2

Le monde discerne la beauté,
et, par là
le laid se révèle.
Le monde reconnaît le bien
et, par là
le mal se révèle.
Car l'être et le non-être
s'engendrent sans fin.
Le difficile et le facile
s'accomplissent l'un par l'autre.
Le long et le court
se complètent.
Le haut et la bas
reposent l'un sur l'autre.
Le son et le silence
créent l'harmonie.
L'avant et l'après se suivent.
Le tout et le rien
ont le même visage.
C'est pourquoi
le Sage s'abstient de toute action.
Impassible,
il enseigne par son silence.
Les hommes,
autour de lui,
agissent.
Il ne leur refuse pas son aide.
Il crée sans s'approprier
et
oeuvre sans rien attendre.
Il ne s'attache pas
à ses oeuvres.
Et, par là,
il les rend éternelles.


MA KOU 1984 CHAPITRE 2

Dans le monde chacun décide du beau
Et cela devient laid.

Par le monde chacun décide du bien
Et cela devient mal.

L’être et le vide (ce qui a une forme et ce qui n’a pas de forme) s’engendrent
L’un l’autre.
Facile et difficile se complètent
Long et court se définissent
Haut et bas se rencontrent
L’un l’autre.
Voix (notes) et sons s’accordent
Avant et après se mêlent.

Ainsi le sage, du non-agir (respect de l’ordre naturel)
Pratique l’œuvre
Et enseigne sans paroles.

Multitudes d’êtres apparaissent
Qu’il ne rejette pas.
Il crée sans posséder
Agit sans rien attendre
Ne s’attache pas à ses œuvres

Et dans cet abandon
Ne demeure pas abandonné.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 2

Tous sous le Ciel, connaissant le beau comme le beau: voici le laid! Tous connaissant le bien comme le bien: voici le mal! C'est ainsi que l'être et le non-être naissent l'un de l'autre, que le difficile et le facile s'accomplissent l'un par l'autre, que mutuellement le long et le court se délimitent, le haut et le basse règlent, le ton et le son s'accordent, l'avant et l'après s'enchaînent.
C'est pourquoi le Saint-Homme s'en tient à la pratique du Non-agir. Il enseigne sans parler. Tous les êtres agissent, et il ne leur refuse pas son aide. Il produit sans s'approprier, travaille sans rien attendre, accomplit des oeuvres méritoires sans s' attacher, et, justement parce qu'il ne s'y attache pas, elles subsistent.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 2

Tout le monde a la notion du beau, et par elle (par opposition) celle du pas beau (du laid). Tous les hommes ont la notion du bon, et par elle (par contraste) celle du pas bon (du mauvais). Ainsi, être et néant, difficile et facile, long et court, haut et bas, son et ton, avant et après, sont des notions corrélatives, dont l’une étant connue révèle l’autre.
Cela étant, le Sage sert sans agir, enseigne sans parler.
Il laisse tous les êtres, devenir sans les contrecar­rer, vivre sans les accaparer, agir sans les exploiter.
Il ne s’attribue pas les effets produits, et par suite ces effets demeurent.
Les corrélatifs, les opposés, les contraires com­me oui et non, sont tous entrés dans ce monde par la porte commune, sont tous sortis du Prin­cipe un (Chap. 1. C). Ils ne sont pas des illusions subjectives de l’esprit humain, mais des états objectifs, répondant aux deux états alternants du Principe, yinn et yang, concentration, et expansion. La réalité profonde, le Principe, reste toujours le même, essentiellement ; mais l’alter­nance de son repos et de son mouvement, crée le jeu des causes et des effets, un va-et-vient inces­sant. A ce jeu, le Sage laisse son libre cours. Il s’abstient d’intervenir, ou par action physique, ou par pression morale. Il se garde de mettre son doigt dans l’engrenage des causes, dans le mou­vement perpétuel de l’évolution naturelle, de peur de fausser ce mécanisme compliqué et dé­licat. Tout ce qu’il fait, quand il fait quelque chose, c’est de laisser voir son exemple. Il laisse à chacun sa place au soleil, sa liberté, ses œuvres. Il ne s’attribue pas l’effet général produit (le bon gouvernement), lequel appartient à l’ensemble des causes. Par suite, cet effet (le bon ordre) n’é­tant pas en butte à la jalousie ou à l’ambition d’autrui, a des chances de durer.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 2

Sous le ciel, ils savent tous ce qui est joli et ils agissent de façon charmante.

C'est probablement mauvais.

Ils connaissent tous la bonté et pratiquent la bonté.

Ce n'est probablement pas de la bonté.

Ainsi, avoir et n'avoir pas s'engendrent l'un l'autre.

Le difficile et le facile se transforment l'un en l'autre.

Le durable et l'éphémère se forment l'un l'autre.

Le haut et le bas s'inclinent l'un vers l'autre.

La voix et le ton s'accordent l'un l'autre.

L'avant et l'arrière se suivent l'un l'autre.

C'est pourquoi l'homme sacré se débrouille sans agir, sans affaires.

Il marche sans parler, sans enseigner.

Des milliers d'êtres produisent ici sans faire de commencement,

engendrent sans posséder,

agissent sans fiabilité.

Le mérite est accompli, mais il n'est pas résident.

L'époux qui est seul n'est pas résident,

c'est pourquoi il ne part pas.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 2

Tous dans le monde reconnaissent le beau comme beau ; ainsi

est admis le laid.

Tous reconnaissent le bien comme bien ; ainsi est admis le non

bien.

En effet : l’Être et le Non être s’enfantent l’un l’autre ; le difficile

et le facile se complètent l’un l’autre ; le long et le bref sont formés

l’un de l’autre ; le haut et le bas se renversent l’un l’autre ;

les sons et la voix s’harmonisent l’un l’autre ; l’avant et l’après

se suivent l’un l’autre.

***

En modifiant quelque peu une correction de Ma Siu louen, je transporte

une phrase (« C’est pourquoi le Saint se tient », etc.) qui, dans

le texte traditionnel, suit la phrase : « avant et après se suivent l’un

l’autre », à la fin du ch. XLIII et le reste du chapitre, à partir de : « Elles

produisent mais ne s’approprient pas, à la fin du ch. LI où il est en

partie répété. Voir les notes sur ce chapitre.

Je traduis par « le monde » l’expression chinoise t’ien hia (18), littéralement

« ce qui est sous le ciel ». Elle désigne tout le monde civilisé

connu des Chinois. Dans le sens politique, elle indique l’unité de tous

les États vassaux sous une seule autorité, unité qui fut recherchée au

cours du 3e siècle avant J. C. et réalisée en 221. Dans plusieurs passages

de Tao tö-king, il est question de cette unité politique ; il faut

alors comprendre l’expression t’ien hia comme un terme technique

: « l’empire », dont je me sers donc, faute d’un autre mot, avec un

léger anachronisme, la vraie fondation de l’empire ne datant que de

221 avant J. C. Toutefois, pour ne pas encombrer ma traduction d’une

circonlocution lourde comme « tout ce qui est sous le ciel », je me

sers souvent, sous toute réserve, de la traduction « le monde » qui, du

reste, est assez satisfaisante dans le contexte de ce chapitre.

Le thème de ce chapitre a besoin de peu d’explications. Il poursuit

l’antithèse « Être »- » Non être » du premier chapitre. Sur tous les

tons on répète que les notions contraires sont postulées l’une par

l’autre, puisque, dans la Voie, tout est relatif.

tiānciel paradis dieu, céleste#P #W #C #Z
xiàdessous dessous, dessous vers le bas; inférieur; faire baisser#P #W #C #Z
jiētout tout, tout le monde-#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
měibeau joli plaisant#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
měibeau joli plaisant#P #W #C #Z
ceci cela, donc, tel couper; particule emphatique#P #W #C #Z
èmal méchant, mauvais moche, immonde#P #W #C #Z
déjà alors, après fini arrêt#P #W #C #Z
jiētout tout, tout le monde-#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
ceci cela, donc, tel couper; particule emphatique#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
déjà alors, après fini arrêt#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
nándifficile ardu, dur incapable#P #W #C #Z
changement facile-#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
chéngterminé fini, accomplir réparé#P #W #C #Z
chánglong longueur exceller dans; chef#P #W #C #Z
duǎncourt bref déficient, manquant#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
jiàocomparer comparativement, plus-#P #W #C #Z
gāohaut grand élevé, élevé#P #W #C #Z
xiàdessous dessous, dessous vers le bas; inférieur; faire baisser#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
qīngbouleversé déversé, débordé incliner#P #W #C #Z
yīnson tonalité, hauteur prononciation#P #W #C #Z
shēngvoix ton, son, bruit tonifier; musique#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
paisible paix, tempérer, calmer harmoniser#P #W #C #Z
qiándevant en avant précédent#P #W #C #Z
hòuderrière derrière, après descendants#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
suísuivre écouter, soumettre accompagner; par la suite, alors#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
shèngsaint sacré sage#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
chǔlieu place, département prendre place, résider, rester, habiter, traiter avec#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
shìaffaire faire, servir accident, incident#P #W #C #Z
xíngaller marcher déménager, voyager; circuler#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yánparole mot parler, dire#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
jiàoenseigner classe-#P #W #C #Z
wàndix mille innombrable myriades#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
zuòfaire travail composer, écrire; agir, accomplir#P #W #C #Z
yānlà-dessus alors  comment ? pourquoi ? où?#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
discours expression, diction, phrase, motrejet#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
shìcompter sur se fier à, faire confiance à présumer, se vanter de#P #W #C #Z
gōngréussite mérite, bon résultat, succès, réalisation-#P #W #C #Z
chéngterminé fini, accomplir réparé#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
non négatif-#P #W #C #Z
vivre habiter, résider, s'asseoir-#P #W #C #Z
homme adulte de sexe masculin, mari  ceci, celui#P #W #C #Z
wéiseulement simplement, justement, souhait oui#P #W #C #Z
non négatif-#P #W #C #Z
vivre habiter, résider, s'asseoir-#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
s'en aller partir, partir-#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 2

Quand les gens voient certaines choses comme belles,

d’autres deviennent laides.

Quand les gens voient certaines choses comme bonnes,

d’autres deviennent mauvaises.

L'être et le non-être se créent l'un l'autre.

Le difficile et le facile se soutiennent.

Le long et le court se définissent.

Le haut et le bas dépendent l'un de l'autre.

L'avant et l'après se suivent.

C'est pourquoi le Maître

agit sans rien faire

et enseigne sans rien dire.

Les choses surgissent et il les laisse venir ;

les choses disparaissent et il les laisse partir.

Il a mais ne possède pas,

il agit mais n'attend rien.

Quand son œuvre est terminée, il l'oublie.

C'est pourquoi elle dure pour toujours.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE II

Dans le monde, lorsque tous les hommes ont su apprécier la beauté (morale) (1) alors la laideur (du vice) a paru.

Lorsque tous les hommes ont su apprécier le bien,alors le mal a paru.

C’est pourquoi (2) l’être et le non-être  (3) naissent l’un de l’autre.

Le difficile et le facile  (4) se produisent mutuellement.

Le long et le court  (5) se donnent mutuellement leur forme.

Le haut et le bas  (6) montrent mutuellement leur inégalité.

Les tons et la voix (7) s’accordent mutuellement.

L’antériorité et la postériorité (8) sont la conséquence l’une de l’autre.

De là vient que le saint homme fait son occupation du non-agir (9).

Il fait consister ses instructions dans le silence.

Alors tous les êtres se mettent en mouvement (10), et il ne leur refuse rien.

Il les produit (11) et ne se les approprie pas.

Il les perfectionne et ne compte pas sur eux (12).

Ses mérites étant accomplis, il ne s’y attache pas (13).

Il ne s’attache pas à ses mérites ; c’est pourquoi ils ne le quittent point (14).


NOTES.

(1) E : Dans la haute antiquité, tous les peuples avaient de la droiture, et ils ne savaient pas qu’ils pratiquassent l’équité. Ils s’aimaient les uns les autres, et ils ne savaient pas qu’ils pratiquassent l’humanité. Ils étaient sincères, et ils ne savaient pas qu’ils pratiquassent l’honnêteté. Ils tenaient leurs promesses, et ils ne savaient pas qu’ils pratiquassent la fidélité dans les paroles. En voici la raison : tous les peuples étaient également bons et vertueux ; c’est pourquoi ils ne savaient pas distinguer les différentes nuances de vertus (littéralement, « ils ne savaient pas que le beau moral et le bien, to kalon, to duathon, fussent différents »). Mais, dans les siècles suivants, l’apparition du vice leur apprit, pour la première fois, à reconnaître la beauté morale ; l’apparition du mal leur apprit, pour la première fois, à reconnaître le bien. Quand le siècle fut dépravé davantage, le beau et le bien parurent avec plus d’éclat.


(2) E : Les comparaisons qui suivent ont pour but de montrer que la beauté morale et le vice, le bien et le mal se font ressortir mutuellement par leur opposition (littéralement, « se donnent mutuellement leur forme » ), et montrent mutuellement leur inégalité,leur différence.

B : Lao-tseu veut dire que, dès qu’on voit le beau moral, on reconnaît l’existence du vice (littéralement, « du laid » ). Dès qu’on remarque le bien, on reconnaît l’existence du mal. L’homme doit tenir son cœur dans l’obscurité et renouveler sa nature ; oublier le beau moral et le vice, le bien et le mal. S’il ne songe plus au beau moral, alors il n’y aura plus pour lui d’actions vicieuses ; s’il ne songe plus au bien, alors il n’y aura plus pour lui d’actions mauvaises.


(3) A : En voyant l’être on se fait une idée du non-être.

B : Le non-être produit l’être ; l’être produit le non-être. Ibid. Les êtres, ne pouvant subsister éternellement, finissent par retourner au non-être.


(4) B : S’il n’y avait pas de choses difficiles, on ne pourrait faire des choses faciles (ce sont les choses difficiles qui font juger des choses faciles) ; s’il n’y avait pas de choses faciles, comment arriverait-on à faire des choses difficiles ? Le facile résulte du difficile ; le difficile résulte du facile.


(5) B : On reconnaît qu’une chose est courte en la comparant à une chose longue, et vice versa. Liu-kie-fou : Lorsqu’on a vu la longueur de la jambe d’une cigogne, on reconnaît combien est courte la patte d’un canard, et vice versa.


(6) B : Si je monte sur une hauteur et que je regarde au-dessous de moi, je remarque combien la terre est basse. Si je suis dans une plaine et que je lève les yeux, je suis frappé de la hauteur d’une montagne.


(7) B : Sans la connaissance des tons on ne pourrait faire accorder les voix (on ne pourrait reconnaître l’accord harmonieux des voix) ; sans la voix on ne pourrait former des tons.

Suivant C, ce passage s’appliquerait à la voix et à l’écho qui y répond du sein d’une vallée profonde.


(8) B : En voyant que cet homme marche devant moi, je reconnais qu’il me précède et que je le suis ; en le voyant après moi, je reconnais que je le précède et qu’il me suit. Le rang postérieur résulte du rang antérieur ; le rang antérieur résulte du rang postérieur.


(9) E : Le saint homme se sert du Tao pour convertir le monde. Ses occupations, il les fait consister dans le non-agir ; ses instructions,il les fait consister dans le non-parler, le silence (c’est-à-dire (C) qu’il instruit par son exemple et non par des paroles). Il cultive le principal et ne s’appuie point sur l’accessoire. Le monde se convertit et l’imite. Ceux qui ne sont pas vertueux réforment leurs habitudes, et la vertu éminente passe dans les mœurs.


(10) A : Chacun d’eux se met en mouvement (pour naître) ; il ne leur refuse rien et n’arrête pas leur développement. E : Tous les êtres naissent en invoquant l’appui du saint homme. Il peut leur fournir tout ce dont ils ont besoin, et ne les repousse pas.


(11) E : Il peut les faire naître et ne les regarde pas comme étant sa propriété.


(12) E : Il peut les faire (ce qu’ils sont), mais jamais il ne compte sur eux pour en tirer profit.


(13) E : Quand ses mérites sont accomplis, jusqu’à la fin de sa vie, il les considère comme s’ils lui étaient étrangers, et ne s’y attache pas. A : Il ne se glorifie pas de sa capacité : 不恃其能


(14) E : Il ne s’attache pas à son mérite, c’est pour cela qu’il a du mérite. S’il s’attachait à son mérite, s’il s’en glorifiait, il le perdrait entièrement.

Aliter A : Le bonheur et la vertu subsistent constamment ; ils ne s’éloignent jamais de lui.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 2

Le monde discerne la beauté,
et, par là
le laid se révèle.
Le monde reconnaît le bien
et, par là
le mal se révèle.
Car l'être et le non-être
s'engendrent sans fin.
Le difficile et le facile
s'accomplissent l'un par l'autre.
Le long et le court
se complètent.
Le haut et la bas
reposent l'un sur l'autre.
Le son et le silence
créent l'harmonie.
L'avant et l'après se suivent.
Le tout et le rien
ont le même visage.
C'est pourquoi
le Sage s'abstient de toute action.
Impassible,
il enseigne par son silence.
Les hommes,
autour de lui,
agissent.
Il ne leur refuse pas son aide.
Il crée sans s'approprier
et
oeuvre sans rien attendre.
Il ne s'attache pas
à ses oeuvres.
Et, par là,
il les rend éternelles.


MA KOU 1984 CHAPITRE 2

Dans le monde chacun décide du beau
Et cela devient laid.

Par le monde chacun décide du bien
Et cela devient mal.

L’être et le vide (ce qui a une forme et ce qui n’a pas de forme) s’engendrent
L’un l’autre.
Facile et difficile se complètent
Long et court se définissent
Haut et bas se rencontrent
L’un l’autre.
Voix (notes) et sons s’accordent
Avant et après se mêlent.

Ainsi le sage, du non-agir (respect de l’ordre naturel)
Pratique l’œuvre
Et enseigne sans paroles.

Multitudes d’êtres apparaissent
Qu’il ne rejette pas.
Il crée sans posséder
Agit sans rien attendre
Ne s’attache pas à ses œuvres

Et dans cet abandon
Ne demeure pas abandonné.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 2

Tous sous le Ciel, connaissant le beau comme le beau: voici le laid! Tous connaissant le bien comme le bien: voici le mal! C'est ainsi que l'être et le non-être naissent l'un de l'autre, que le difficile et le facile s'accomplissent l'un par l'autre, que mutuellement le long et le court se délimitent, le haut et le basse règlent, le ton et le son s'accordent, l'avant et l'après s'enchaînent.
C'est pourquoi le Saint-Homme s'en tient à la pratique du Non-agir. Il enseigne sans parler. Tous les êtres agissent, et il ne leur refuse pas son aide. Il produit sans s'approprier, travaille sans rien attendre, accomplit des oeuvres méritoires sans s' attacher, et, justement parce qu'il ne s'y attache pas, elles subsistent.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 2

Tout le monde a la notion du beau, et par elle (par opposition) celle du pas beau (du laid). Tous les hommes ont la notion du bon, et par elle (par contraste) celle du pas bon (du mauvais). Ainsi, être et néant, difficile et facile, long et court, haut et bas, son et ton, avant et après, sont des notions corrélatives, dont l’une étant connue révèle l’autre.
Cela étant, le Sage sert sans agir, enseigne sans parler.
Il laisse tous les êtres, devenir sans les contrecar­rer, vivre sans les accaparer, agir sans les exploiter.
Il ne s’attribue pas les effets produits, et par suite ces effets demeurent.
Les corrélatifs, les opposés, les contraires com­me oui et non, sont tous entrés dans ce monde par la porte commune, sont tous sortis du Prin­cipe un (Chap. 1. C). Ils ne sont pas des illusions subjectives de l’esprit humain, mais des états objectifs, répondant aux deux états alternants du Principe, yinn et yang, concentration, et expansion. La réalité profonde, le Principe, reste toujours le même, essentiellement ; mais l’alter­nance de son repos et de son mouvement, crée le jeu des causes et des effets, un va-et-vient inces­sant. A ce jeu, le Sage laisse son libre cours. Il s’abstient d’intervenir, ou par action physique, ou par pression morale. Il se garde de mettre son doigt dans l’engrenage des causes, dans le mou­vement perpétuel de l’évolution naturelle, de peur de fausser ce mécanisme compliqué et dé­licat. Tout ce qu’il fait, quand il fait quelque chose, c’est de laisser voir son exemple. Il laisse à chacun sa place au soleil, sa liberté, ses œuvres. Il ne s’attribue pas l’effet général produit (le bon gouvernement), lequel appartient à l’ensemble des causes. Par suite, cet effet (le bon ordre) n’é­tant pas en butte à la jalousie ou à l’ambition d’autrui, a des chances de durer.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 2

Sous le ciel, ils savent tous ce qui est joli et ils agissent de façon charmante.

C'est probablement mauvais.

Ils connaissent tous la bonté et pratiquent la bonté.

Ce n'est probablement pas de la bonté.

Ainsi, avoir et n'avoir pas s'engendrent l'un l'autre.

Le difficile et le facile se transforment l'un en l'autre.

Le durable et l'éphémère se forment l'un l'autre.

Le haut et le bas s'inclinent l'un vers l'autre.

La voix et le ton s'accordent l'un l'autre.

L'avant et l'arrière se suivent l'un l'autre.

C'est pourquoi l'homme sacré se débrouille sans agir, sans affaires.

Il marche sans parler, sans enseigner.

Des milliers d'êtres produisent ici sans faire de commencement,

engendrent sans posséder,

agissent sans fiabilité.

Le mérite est accompli, mais il n'est pas résident.

L'époux qui est seul n'est pas résident,

c'est pourquoi il ne part pas.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 2

Tous dans le monde reconnaissent le beau comme beau ; ainsi

est admis le laid.

Tous reconnaissent le bien comme bien ; ainsi est admis le non

bien.

En effet : l’Être et le Non être s’enfantent l’un l’autre ; le difficile

et le facile se complètent l’un l’autre ; le long et le bref sont formés

l’un de l’autre ; le haut et le bas se renversent l’un l’autre ;

les sons et la voix s’harmonisent l’un l’autre ; l’avant et l’après

se suivent l’un l’autre.

***

En modifiant quelque peu une correction de Ma Siu louen, je transporte

une phrase (« C’est pourquoi le Saint se tient », etc.) qui, dans

le texte traditionnel, suit la phrase : « avant et après se suivent l’un

l’autre », à la fin du ch. XLIII et le reste du chapitre, à partir de : « Elles

produisent mais ne s’approprient pas, à la fin du ch. LI où il est en

partie répété. Voir les notes sur ce chapitre.

Je traduis par « le monde » l’expression chinoise t’ien hia (18), littéralement

« ce qui est sous le ciel ». Elle désigne tout le monde civilisé

connu des Chinois. Dans le sens politique, elle indique l’unité de tous

les États vassaux sous une seule autorité, unité qui fut recherchée au

cours du 3e siècle avant J. C. et réalisée en 221. Dans plusieurs passages

de Tao tö-king, il est question de cette unité politique ; il faut

alors comprendre l’expression t’ien hia comme un terme technique

: « l’empire », dont je me sers donc, faute d’un autre mot, avec un

léger anachronisme, la vraie fondation de l’empire ne datant que de

221 avant J. C. Toutefois, pour ne pas encombrer ma traduction d’une

circonlocution lourde comme « tout ce qui est sous le ciel », je me

sers souvent, sous toute réserve, de la traduction « le monde » qui, du

reste, est assez satisfaisante dans le contexte de ce chapitre.

Le thème de ce chapitre a besoin de peu d’explications. Il poursuit

l’antithèse « Être »- » Non être » du premier chapitre. Sur tous les

tons on répète que les notions contraires sont postulées l’une par

l’autre, puisque, dans la Voie, tout est relatif.


diff --git a/inter/4.html b/inter/4.html index a00a450..83115c3 100644 --- a/inter/4.html +++ b/inter/4.html @@ -300,8 +300,8 @@

- - + +
dào chōng ér yòng zhī huò yíngyuān wàn zhī zōngcuò ruìjiě fēn guāngtóng chénzhàn huò cún zhī shuí zhī xiàng zhī xiān
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
chōngverser déverser, infuser laver#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
yòngutiliser employer, appliquer, exploiter  utiliser#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
huòou bien autrement  peut-être, peut-être#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yíngremplir plein, débordant surplus#P #W #C #Z
yuāngolfe abîme, profond-#P #W #C #Z
particule exclamative !, Ô-#P #W #C #Z
ressembler semblable à comme si, semble-t-il#P #W #C #Z
wàndix mille innombrable myriades#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
zōnglignée ascendance ancêtre, clan#P #W #C #Z
cuòabaisser abattre moudre#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
ruìaigu vif, aigu, pointu-#P #W #C #Z
jiědesserrer détacher, détacher expliquer#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
fēnen désordre dispersé, emmêlé-#P #W #C #Z
harmonie paix paisible, calme#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
guāngléger brillant, brillant seulement#P #W #C #Z
tóngpareil similaire avec#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
chénpoussière saleté, cendres, cendres-#P #W #C #Z
zhànprofond profond clair; tranquille, placide#P #W #C #Z
particule exclamative !, Ô-#P #W #C #Z
ressembler semblable à comme si, semble-t-il#P #W #C #Z
huòou bien autrement  peut-être, peut-être#P #W #C #Z
cúnexister vivre, être survivre; rester#P #W #C #Z
je mon, notre résister, empêcher#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
shuíqui? dont?, n'importe qui?-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
fruit progéniture, enfant, fils graine de; 1ère branche terrestre#P #W #C #Z
xiàngéléphant ivoire figure, image#P #W #C #Z
souverain suprême empereur Dieu#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
xiānpremier ancien, précédent-#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 4

Le Tao est comme un puits :

il est utilisé mais jamais épuisé.

Il est comme le vide éternel :

rempli de possibilités infinies.

Elle est cachée mais toujours présente.

Je ne sais pas qui lui a donné naissance.

Elle est plus ancienne que Dieu.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE IV

Le Tao est vide (1) ; si l'on en fait usage, il paraît inépuisable.

Ô qu’il est profond ! Il semble le patriarche (2) de tous les êtres.

Il émousse (3) sa subtilité, il se dégage de tous liens, il tempère sa splendeur, il s’assimile à la poussière.

Ô qu’il est pur ! Il semble subsister éternellement (4).

J’ignore de qui il est fils ; il semble avoir précédé le maître du ciel.


NOTES

(1) Ce chapitre présente de grandes difficultés ; j’ai suivi ici les interprètes D, F, qui expliquent les mots pou-ing 不盈 par « il est inépuisable. » Le même sens se retrouve dans Li-si-tchaï (éd. i G) : « Le Tao est tellement profond et subtil, que plus on en fait usage et plus il est inépuisable.

Tout en expliquant les mots pou-ing 不盈 par « il est inépuisable, » D n’a pas méconnu le sens littéral de ces deux mots :« Toutes les choses du monde ne pourraient, dit-il, remplir, occuper complètement son immense capacité. » « C’est un abîme sans fond (dit Hong-fou, éd. G) ; tous les fleuves de la terre pourraient se réunir dans son sein sans le remplir jamais. »


(2) A : Le mot veut dire « premier aïeul, patriarche. » E explique ce mot par tchou , « maître, souverain. »


(3) Tsi-te-thsing (édit. C) pense que le grand Tao 大道 est le sujet des quatre verbes laisser, délier, tempérer, assimiler. H et plusieurs autres commentateurs sous-entendent, avant ces verbes, les mots yeou-tao-tche 有道者, « celui qui possède le Tao. » Il réprime la fougue de son caractère (sic H), il se dégage des liens (du siècle), il tempère l’éclat (de sa vertu), il s’abaisse au niveau du vulgaire, littéral. « il se rend semblable à leur poussière. »

Ces quatre membres de phrase se retrouvent dans le chapitre lvi,où il paraît difficile de ne pas les rapporter au sage qui possède le Tao.

Peut-être faudrait-il les retrancher dans ce chapitre où ils paraissent déplacés, soit qu’on les rapporte au Tao, soit qu’on les applique au sage qui possède le Tao.


(4) La plupart des éditions portent hoe avant thsun . J’ai préféré la leçon tch’ang « éternellement, » qui se trouve dans les variantes de l’édition G.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 4

Le Tao est le vide,
mais le vide
est inépuisable.
C'est un abîme vertigineux.
Insondable.
De lui
sont sortis
tous ceux qui vivent.
Eternellement,
il émousse ce qui est aigu,
dénoue le fil des existences,
fait jaillir la lumière.
Du rien, crée toute chose.
Sa pureté est indicible.
Il n'a pas de commencement.
Il est.
Nul ne l'a engendré.
Il était déjà là
quand naquit le maître du ciel.


MA KOU 1984 CHAPITRE 4

Le tao (la vérité, la voie, le sens) est vide
Jamais l’usage ne le remplit.
Gouffre sans fond
Il est l’origine (la racine ancestrale, yeh)
De la multitude des êtres et des choses.

Il émousse ce qui tranche
Démêle les nœuds.
Discerne dans la lumière
Assemble ce qui, poussière, se disperse.

D’une profondeur invisible
Il est là
Enfant de l’inconnu
Ancêtre des dieux.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 4

Le Tao est vide mais il est inépuisable. Quel abîme
Il apparaît comme l'ancêtre des dix mille êtres. il émousse son activité, dénoue ses voiles, harmonie sa splendeur, s'unit à sa poussière; Oh! Qu'il est pur.
Il semble subsister de toute éternité. Je ne sais de qui il pourrait être le fils; il paraît antérieur au Souverain du Ciel;
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 4

Le Principe foisonne et produit, mais sans se remplir.
Gouffre vide, il paraît être (il est) l’ancêtre (l’origine) de tous les êtres.
Il est paisible, simple, modeste, amiable.
Se répandant à flots, il paraît rester (il reste) toujours le même.
Je ne sais pas de qui il est le fils (d’où il procède). Il paraît avoir été (il fut) avant le Souverain.
Ce chapitre important est consacré à la des­cription du Principe. A cause de l’abstraction du sujet, et peut-être aussi par prudence, ses con­clusions choquant les anciennes traditions chinoi­ses, Lao-tzeu emploie trois fois le terme atténué paraître, au lieu du terme catégorique être. — Il ne se prononce pas sur l’origine du Principe, mais le fait antérieur au Souverain des Annales et des Odes. Ce Souverain ne saurait donc être, pour Lao-tzeu, un Dieu créateur de l’univers. Il n’est pas davantage un Dieu gouverneur de l’uni­vers, car jamais Lao-tzeu ne lui fera une place dans son système, à ce titre. La déclaration faite ici, qu’il est postérieur au Principe, équivaut donc pratiquement à sa négation. — Le Princi­pe, en lui-même, est comme un gouffre immense, comme une source infinie. Tous les êtres sensi­bles sont produits par son extériorisation, par sa vertu tei opérant dans le binôme ciel-terre. Mais les êtres sensibles, terminaisons du Principe, ne s’ajoutent pas au Principe, ne le grandissent pas, ne l’augmentent pas, ne le remplissent pas, comme dit le texte. Comme ils ne sortent pas de lui, ils ne le diminuent pas, ne le vident pas non plus, et le Principe reste toujours le même. — Quatre qualités lui sont attribuées, qui seront plus tard souvent proposées à l’imitation du Sage (par ex. Chapitre 56). Ces qualités sont assez mal définies par les termes positifs paisible, simple, modeste, amiable. Les termes de Lao-tzeu sont plus complexes. Etre mousse, sans pointe ni tran­chant. N’être pas embrouillé, compliqué. N’être pas éblouissant, nais luire d’une lumière tem­pérée, plutôt terne. Partager volontiers la pous­sière, la bassesse du vulgaire.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 4

La voie est rincée mais praticable.

Il n'est peut-être pas plein,

l'abîme qui ressemble à l'ancêtre de milliers d'êtres.

Pousser sa pointe,

délivrer sa confusion,

adoucie sa lumière,

uni à sa poussière.

Une profondeur qui ressemble peut-être à un entrepôt.

Je ne sais de qui est l'enfant,

il ressemble au premier des dieux.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 4

La Voie est vide ; malgré son emploi elle ne se remplit jamais.

Qu’elle est insondable, comme l’aïeule des dix mille êtres !

Qu’elle est profonde, comme demeurant toujours !

Engendrée par je ne sais qui, elle est l’image de ce qui fut

avant les « Empereurs ».

***

« Dix mille êtres » dans le texte traditionnel est suivi par la phrase :

« Elle émousse ce qui est aigu, elle débrouille ce qui est emmêlé, elle

tamise ce qui est lumineux, elle égalise ses traces », ce qui est dédoublement

d’un passage du chapitre LVI. Je l’ai omise ici, parce qu’elle

me semble troubler le sens et qu’originellement elle n’avait pas de

commentaire dans le présent chapitre. Il est peu probable que la

même phrase ait été répétée deux fois dans un texte aussi bref que le

Tao tö king. Pour le sixième signe houo (19) « peut être », je lis, avec

une vieille inscription des T’ang, le caractère kiou (20) « longtemps

», qui dans sa forme ancienne lui ressemble beaucoup. Voir aussi mes

notes sur VI. Je fais de même quelques lignes plus loin, où je traduis

« demeurant toujours ». Aucun des commentateurs ne paraît avoir

songé à cette dernière correction, qui est pourtant évidente. Bien que

cette leçon n’ait pas été transmise, une inscription des T’ang lit, dans

le second cas, tch’ang (2) « constamment », ce qui est une explication

de kiou. Dans le premier cas, avec une négation, je traduis « jamais ».

Ce chapitre est très difficile. Le mot tch’ong (21) se dit, d’une part,

de l’eau jaillissante ; d’autre part, dans le texte du Tao tö-king, il est

généralement expliqué comme signifiant « vide ». L’image paraît être

celle d’un vase qui ne se remplit jamais (voir aussi XLV), qui peut

donc tout contenir ; elle s’étend ensuite à l’idée de la profondeur

insondable où tous les phénomènes se réalisent. Le mot tsong (22),

rendu ici par « aïeule », implique en même temps l’idée de « règle que

l’on suit, principe compréhensif » (voir aussi LXX).

La dernière phrase est une vraie énigme. Après : « Qu’elle est profonde

» (correspondant à : « Qu’elle est insondable »), on s’attendrait

à une phrase qui correspondrait à : « Comme l’aïeule des dix

mille êtres ». Le parallélisme entre ces deux phrases devient d’autant

plus saisissant par l’omission du passage critiqué plus haut : « Elle

émousse ». etc. C’est toujours la Voie qui est le sujet. Ce que je rends

par « engendrée » est le mot tseu (23), généralement traduit par «

fils ». Toutefois, comme je l’ai démontré ailleurs (T’oung Pao, XXXVIII,

334 337),le mot peut aussi être employé comme verbe, dans le

sens d’ « engendrer ». Bien que la construction lui donne la valeur

d’un substantif (pour autant qu’en chinois on peut se servir d’un tel

terme grammatical), c’est certainement à ce sens plus général qu’il

faut songer, et une telle interprétation amoindrit la difficulté d’une

personnification inouïe (et peu chinoise) de la Voie comme « fils »,

qui a toujours été un problème. Il peut y avoir aussi une allusion au

Yi-king, le Livre des Mutations (voir plus bas, mes notes sur LII),

où, dans les Huit Trigrammes, les dix mille êtres sont représentés

comme des « enfants » du ciel et de la terre. On constate que la Voie

n’est pas un des dix mille êtres. A comparer aussi Houai-nan tseu I,

11b : « Le Sans forme est le grand ancêtre des choses (matérielles), le

Sans son est le grand aïeul des sons. Son fils est la lumière, son petit

flls est l’eau ; t ous les deux sont issus du Sans f orme. »

Le mot siang (24) « image, réflexion » est un mot clef du Livre des

Mutations et se rencontre dans le Tao tö-king, XIV, XXI, XXV et XLI. Ici

il est pris dans un emploi verbal : « être l’image ».

« Ce qui fut avant les « Empereurs », correspond à « l’aïeule des dix

mille êtres ». C’est le mot ti (25) que je rends par « Empereurs ». Le

mot « Empereur » doit être pris dans un sens mythologique, tel qu’il

figure dans Chang ti (26) « l’Empereur d’en haut », Hoang ti (27) «

l’Empereur jaune », etc. Je le prends au pluriel plutôt qu’au singulier.

Le sens paraît bien être que la Voie est antérieure à tout.

dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
chōngverser déverser, infuser laver#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
yòngutiliser employer, appliquer, exploiter  utiliser#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
huòou bien autrement  peut-être, peut-être#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yíngremplir plein, débordant surplus#P #W #C #Z
yuāngolfe abîme, profond-#P #W #C #Z
particule exclamative !, Ô-#P #W #C #Z
ressembler semblable à comme si, semble-t-il#P #W #C #Z
wàndix mille innombrable myriades#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
zōnglignée ascendance ancêtre, clan#P #W #C #Z
cuòabaisser abattre moudre#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
ruìaigu vif, aigu, pointu-#P #W #C #Z
jiědesserrer détacher, détacher expliquer#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
fēnen désordre dispersé, emmêlé-#P #W #C #Z
paisible paix, tempérer, calmer harmoniser#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
guāngléger brillant, brillant seulement#P #W #C #Z
tóngpareil similaire avec#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
chénpoussière saleté, cendres, cendres-#P #W #C #Z
zhànprofond profond clair; tranquille, placide#P #W #C #Z
particule exclamative !, Ô-#P #W #C #Z
ressembler semblable à comme si, semble-t-il#P #W #C #Z
huòou bien autrement  peut-être, peut-être#P #W #C #Z
cúnexister vivre, être survivre; rester#P #W #C #Z
je mon, notre résister, empêcher#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
shuíqui? dont?, n'importe qui?-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
fruit progéniture, enfant, fils graine de; 1ère branche terrestre#P #W #C #Z
xiàngéléphant ivoire figure, image#P #W #C #Z
souverain suprême empereur Dieu#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
xiānpremier ancien, précédent-#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 4

Le Tao est comme un puits :

il est utilisé mais jamais épuisé.

Il est comme le vide éternel :

rempli de possibilités infinies.

Elle est cachée mais toujours présente.

Je ne sais pas qui lui a donné naissance.

Elle est plus ancienne que Dieu.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE IV

Le Tao est vide (1) ; si l'on en fait usage, il paraît inépuisable.

Ô qu’il est profond ! Il semble le patriarche (2) de tous les êtres.

Il émousse (3) sa subtilité, il se dégage de tous liens, il tempère sa splendeur, il s’assimile à la poussière.

Ô qu’il est pur ! Il semble subsister éternellement (4).

J’ignore de qui il est fils ; il semble avoir précédé le maître du ciel.


NOTES

(1) Ce chapitre présente de grandes difficultés ; j’ai suivi ici les interprètes D, F, qui expliquent les mots pou-ing 不盈 par « il est inépuisable. » Le même sens se retrouve dans Li-si-tchaï (éd. i G) : « Le Tao est tellement profond et subtil, que plus on en fait usage et plus il est inépuisable.

Tout en expliquant les mots pou-ing 不盈 par « il est inépuisable, » D n’a pas méconnu le sens littéral de ces deux mots :« Toutes les choses du monde ne pourraient, dit-il, remplir, occuper complètement son immense capacité. » « C’est un abîme sans fond (dit Hong-fou, éd. G) ; tous les fleuves de la terre pourraient se réunir dans son sein sans le remplir jamais. »


(2) A : Le mot veut dire « premier aïeul, patriarche. » E explique ce mot par tchou , « maître, souverain. »


(3) Tsi-te-thsing (édit. C) pense que le grand Tao 大道 est le sujet des quatre verbes laisser, délier, tempérer, assimiler. H et plusieurs autres commentateurs sous-entendent, avant ces verbes, les mots yeou-tao-tche 有道者, « celui qui possède le Tao. » Il réprime la fougue de son caractère (sic H), il se dégage des liens (du siècle), il tempère l’éclat (de sa vertu), il s’abaisse au niveau du vulgaire, littéral. « il se rend semblable à leur poussière. »

Ces quatre membres de phrase se retrouvent dans le chapitre lvi,où il paraît difficile de ne pas les rapporter au sage qui possède le Tao.

Peut-être faudrait-il les retrancher dans ce chapitre où ils paraissent déplacés, soit qu’on les rapporte au Tao, soit qu’on les applique au sage qui possède le Tao.


(4) La plupart des éditions portent hoe avant thsun . J’ai préféré la leçon tch’ang « éternellement, » qui se trouve dans les variantes de l’édition G.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 4

Le Tao est le vide,
mais le vide
est inépuisable.
C'est un abîme vertigineux.
Insondable.
De lui
sont sortis
tous ceux qui vivent.
Eternellement,
il émousse ce qui est aigu,
dénoue le fil des existences,
fait jaillir la lumière.
Du rien, crée toute chose.
Sa pureté est indicible.
Il n'a pas de commencement.
Il est.
Nul ne l'a engendré.
Il était déjà là
quand naquit le maître du ciel.


MA KOU 1984 CHAPITRE 4

Le tao (la vérité, la voie, le sens) est vide
Jamais l’usage ne le remplit.
Gouffre sans fond
Il est l’origine (la racine ancestrale, yeh)
De la multitude des êtres et des choses.

Il émousse ce qui tranche
Démêle les nœuds.
Discerne dans la lumière
Assemble ce qui, poussière, se disperse.

D’une profondeur invisible
Il est là
Enfant de l’inconnu
Ancêtre des dieux.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 4

Le Tao est vide mais il est inépuisable. Quel abîme
Il apparaît comme l'ancêtre des dix mille êtres. il émousse son activité, dénoue ses voiles, harmonie sa splendeur, s'unit à sa poussière; Oh! Qu'il est pur.
Il semble subsister de toute éternité. Je ne sais de qui il pourrait être le fils; il paraît antérieur au Souverain du Ciel;
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 4

Le Principe foisonne et produit, mais sans se remplir.
Gouffre vide, il paraît être (il est) l’ancêtre (l’origine) de tous les êtres.
Il est paisible, simple, modeste, amiable.
Se répandant à flots, il paraît rester (il reste) toujours le même.
Je ne sais pas de qui il est le fils (d’où il procède). Il paraît avoir été (il fut) avant le Souverain.
Ce chapitre important est consacré à la des­cription du Principe. A cause de l’abstraction du sujet, et peut-être aussi par prudence, ses con­clusions choquant les anciennes traditions chinoi­ses, Lao-tzeu emploie trois fois le terme atténué paraître, au lieu du terme catégorique être. — Il ne se prononce pas sur l’origine du Principe, mais le fait antérieur au Souverain des Annales et des Odes. Ce Souverain ne saurait donc être, pour Lao-tzeu, un Dieu créateur de l’univers. Il n’est pas davantage un Dieu gouverneur de l’uni­vers, car jamais Lao-tzeu ne lui fera une place dans son système, à ce titre. La déclaration faite ici, qu’il est postérieur au Principe, équivaut donc pratiquement à sa négation. — Le Princi­pe, en lui-même, est comme un gouffre immense, comme une source infinie. Tous les êtres sensi­bles sont produits par son extériorisation, par sa vertu tei opérant dans le binôme ciel-terre. Mais les êtres sensibles, terminaisons du Principe, ne s’ajoutent pas au Principe, ne le grandissent pas, ne l’augmentent pas, ne le remplissent pas, comme dit le texte. Comme ils ne sortent pas de lui, ils ne le diminuent pas, ne le vident pas non plus, et le Principe reste toujours le même. — Quatre qualités lui sont attribuées, qui seront plus tard souvent proposées à l’imitation du Sage (par ex. Chapitre 56). Ces qualités sont assez mal définies par les termes positifs paisible, simple, modeste, amiable. Les termes de Lao-tzeu sont plus complexes. Etre mousse, sans pointe ni tran­chant. N’être pas embrouillé, compliqué. N’être pas éblouissant, nais luire d’une lumière tem­pérée, plutôt terne. Partager volontiers la pous­sière, la bassesse du vulgaire.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 4

La voie est rincée mais praticable.

Il n'est peut-être pas plein,

l'abîme qui ressemble à l'ancêtre de milliers d'êtres.

Pousser sa pointe,

délivrer sa confusion,

adoucie sa lumière,

uni à sa poussière.

Une profondeur qui ressemble peut-être à un entrepôt.

Je ne sais de qui est l'enfant,

il ressemble au premier des dieux.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 4

La Voie est vide ; malgré son emploi elle ne se remplit jamais.

Qu’elle est insondable, comme l’aïeule des dix mille êtres !

Qu’elle est profonde, comme demeurant toujours !

Engendrée par je ne sais qui, elle est l’image de ce qui fut

avant les « Empereurs ».

***

« Dix mille êtres » dans le texte traditionnel est suivi par la phrase :

« Elle émousse ce qui est aigu, elle débrouille ce qui est emmêlé, elle

tamise ce qui est lumineux, elle égalise ses traces », ce qui est dédoublement

d’un passage du chapitre LVI. Je l’ai omise ici, parce qu’elle

me semble troubler le sens et qu’originellement elle n’avait pas de

commentaire dans le présent chapitre. Il est peu probable que la

même phrase ait été répétée deux fois dans un texte aussi bref que le

Tao tö king. Pour le sixième signe houo (19) « peut être », je lis, avec

une vieille inscription des T’ang, le caractère kiou (20) « longtemps

», qui dans sa forme ancienne lui ressemble beaucoup. Voir aussi mes

notes sur VI. Je fais de même quelques lignes plus loin, où je traduis

« demeurant toujours ». Aucun des commentateurs ne paraît avoir

songé à cette dernière correction, qui est pourtant évidente. Bien que

cette leçon n’ait pas été transmise, une inscription des T’ang lit, dans

le second cas, tch’ang (2) « constamment », ce qui est une explication

de kiou. Dans le premier cas, avec une négation, je traduis « jamais ».

Ce chapitre est très difficile. Le mot tch’ong (21) se dit, d’une part,

de l’eau jaillissante ; d’autre part, dans le texte du Tao tö-king, il est

généralement expliqué comme signifiant « vide ». L’image paraît être

celle d’un vase qui ne se remplit jamais (voir aussi XLV), qui peut

donc tout contenir ; elle s’étend ensuite à l’idée de la profondeur

insondable où tous les phénomènes se réalisent. Le mot tsong (22),

rendu ici par « aïeule », implique en même temps l’idée de « règle que

l’on suit, principe compréhensif » (voir aussi LXX).

La dernière phrase est une vraie énigme. Après : « Qu’elle est profonde

» (correspondant à : « Qu’elle est insondable »), on s’attendrait

à une phrase qui correspondrait à : « Comme l’aïeule des dix

mille êtres ». Le parallélisme entre ces deux phrases devient d’autant

plus saisissant par l’omission du passage critiqué plus haut : « Elle

émousse ». etc. C’est toujours la Voie qui est le sujet. Ce que je rends

par « engendrée » est le mot tseu (23), généralement traduit par «

fils ». Toutefois, comme je l’ai démontré ailleurs (T’oung Pao, XXXVIII,

334 337),le mot peut aussi être employé comme verbe, dans le

sens d’ « engendrer ». Bien que la construction lui donne la valeur

d’un substantif (pour autant qu’en chinois on peut se servir d’un tel

terme grammatical), c’est certainement à ce sens plus général qu’il

faut songer, et une telle interprétation amoindrit la difficulté d’une

personnification inouïe (et peu chinoise) de la Voie comme « fils »,

qui a toujours été un problème. Il peut y avoir aussi une allusion au

Yi-king, le Livre des Mutations (voir plus bas, mes notes sur LII),

où, dans les Huit Trigrammes, les dix mille êtres sont représentés

comme des « enfants » du ciel et de la terre. On constate que la Voie

n’est pas un des dix mille êtres. A comparer aussi Houai-nan tseu I,

11b : « Le Sans forme est le grand ancêtre des choses (matérielles), le

Sans son est le grand aïeul des sons. Son fils est la lumière, son petit

flls est l’eau ; t ous les deux sont issus du Sans f orme. »

Le mot siang (24) « image, réflexion » est un mot clef du Livre des

Mutations et se rencontre dans le Tao tö-king, XIV, XXI, XXV et XLI. Ici

il est pris dans un emploi verbal : « être l’image ».

« Ce qui fut avant les « Empereurs », correspond à « l’aïeule des dix

mille êtres ». C’est le mot ti (25) que je rends par « Empereurs ». Le

mot « Empereur » doit être pris dans un sens mythologique, tel qu’il

figure dans Chang ti (26) « l’Empereur d’en haut », Hoang ti (27) «

l’Empereur jaune », etc. Je le prends au pluriel plutôt qu’au singulier.

Le sens paraît bien être que la Voie est antérieure à tout.


diff --git a/inter/41.html b/inter/41.html index 82b92f3..7c49ba8 100644 --- a/inter/41.html +++ b/inter/41.html @@ -300,8 +300,8 @@

- - + +
shàng shì wén dàoqín ér xíng zhīzhōng shì wén dàoruò cún ruò wángxià shì wén dào xiào zhī xiào wéi dào jiàn yán yǒu zhīmíng dào ruò mèijìn dào ruò 退tuì dào ruò lèishàng ruò tài bái ruò guǎng ruò jiàn ruò tōuzhì zhēn ruò fāng wǎn chéng yīn shēng xiàng xíngdào yǐn míng wéi dàoshàn dài qiě chéng
shànghaut supérieur, le plus élevé monter, envoyer#P #W #C #Z
shìérudit gentleman soldat#P #W #C #Z
wénentendre odeur faire connaître; nouvelles#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
qíntravailleur peine, épuisant, appliqué attentif#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
xíngaller marcher déménager, voyager; circuler#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
zhōngcentral centre, milieu au milieu de; frapper (cible); atteindre#P #W #C #Z
shìérudit gentleman soldat#P #W #C #Z
wénentendre odeur faire connaître; nouvelles#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
cúnexister vivre, être survivre; rester#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
wángmort détruite perdre, périr#P #W #C #Z
xiàdessous dessous, dessous vers le bas; inférieur; faire baisser#P #W #C #Z
shìérudit gentleman soldat#P #W #C #Z
wénentendre odeur faire connaître; nouvelles#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
xiàosouriez riez, riez ricaner#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
xiàosouriez riez, riez ricaner#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
pied atteindre, satisfaire, assez-#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
jiànconstruire établir, ériger, trouver-#P #W #C #Z
yánparole mot parler, dire#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
míngbrillant léger, brillant clair#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
mèiobscur sombre assombrir#P #W #C #Z
jìnavancer progresser, entrer-#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
退tuìreculer reculer, se retirer-#P #W #C #Z
anciennes tribus barbares--#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
lèinoeud défaut, défaut, méchant-#P #W #C #Z
shànghaut supérieur, le plus élevé monter, envoyer#P #W #C #Z
éthique moralité, vertu-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
vallée gorge, ravin-#P #W #C #Z
tàitrès trop grand; extrême#P #W #C #Z
báiblanc pur, sans tache brillant#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
humilier insulter, abuser-#P #W #C #Z
guǎnglarge large, étendu-#P #W #C #Z
éthique moralité, vertu-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
pied atteindre, satisfaire, assez-#P #W #C #Z
jiànconstruire établir, ériger, trouver-#P #W #C #Z
éthique moralité, vertu-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
tōuvoler cambrioleur, voleur-#P #W #C #Z
zhìmatière matière, substance-#P #W #C #Z
zhēnréel réel, vrai, authentique-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
changement chongqing-#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
fāngun carré un rectangle une région ; locale#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
coin coin, endroit éloigné-#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
récipient récipient instrument#P #W #C #Z
wǎnnuit soir en retard#P #W #C #Z
chéngterminé fini, accomplir réparé#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
yīnson tonalité, hauteur, prononciation-#P #W #C #Z
rare espérer, espérer, s'efforcer d'atteindre-#P #W #C #Z
shēngson voix, bruit tonifier; musique#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
xiàngéléphant ivoire figure, image#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
xíngforme forme, apparence-#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
yǐncacher dissimuler caché, secret#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
míngnom grade, titre, position-#P #W #C #Z
homme adulte de sexe masculin, mari  ceci, celui#P #W #C #Z
wéiseulement simplement, justement, souhait oui#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
dàiprêter emprunter pardon#P #W #C #Z
qiěde plus aussi (post-sujet)  sur le point de, sera bientôt (préverbe)#P #W #C #Z
chéngterminé fini, accomplir réparé#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 41

Lorsqu'un homme supérieur entend parler du Tao,

il commence immédiatement à l'incarner.

Lorsqu'un homme moyen entend parler du Tao,

il le croit à moitié, à moitié en doute.

Lorsqu'un homme stupide entend parler du Tao,

il rit tout haut.

S'il ne riait pas,

ce ne serait pas le Tao.

Ainsi il est dit :

Le chemin vers la lumière semble sombre,

le chemin en avant semble revenir en arrière,

le chemin direct semble long,

le vrai pouvoir semble faible,

la vraie pureté semble ternie,

la vraie constance semble changeante,

la vraie clarté semble obscure,

le plus grand semble peu sophistiqué,

le plus grand amour semble indifférent,

la plus grande sagesse semble enfantine.

Le Tao est introuvable.

Pourtant, il nourrit et complète toutes choses.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE XLI

Quand les lettrés supérieurs (1) ont entendu parler du Tao, ils le pratiquent avec zèle.

Quand les lettrés du second ordre ont entendu parler du Tao, tantôt ils le conservent, tantôt ils le perdent.

Quand les lettrés inférieurs ont entendu parler du Tao,ils le tournent en dérision. S’ils ne le tournaient pas en dérision, il ne mériterait pas le nom de Tao.

C’est pourquoi les anciens (2) disaient :Celui qui a l’intelligence du Tao paraît enveloppé de ténèbres (3).

Celui qui est avancé dans le Tao ressemble à un homme arriéré (4).

Celui qui est à la hauteur du Tao ressemble à un homme vulgaire (5).

L’homme d’une vertu supérieure est comme une vallée (6).

L’homme d’une grande pureté est comme couvert d’opprobre (7).

L’homme d’un mérite immense paraît frappé d’incapacité (8).

L’homme d’une vertu solide semble dénué d’activité (9).

L’homme simple et vrai (10) semble vil et dégradé.

C’est un grand carré (11) dont on ne voit pas les angles ;un grand vase qui semble loin d’être achevé ; une grande voix dont le son est imperceptible ; une grande image dont on n’aperçoit point la forme !

Le Tao se cache et personne ne peut le nommer.

Il sait prêter (secours aux êtres) et les conduire à la perfection.


NOTES.

(1) Hi-ching : Les lettrés supérieurs comprennent ce qui est caché comme ce qui est brillant dans le Tao ; ils pénètrent au delà des limites du corps. C’est pourquoi, dès qu’ils entendent parler du Tao,ils y ont foi et le pratiquent avec zèle.

Les lettrés du second ordre sont sur les limites du caché et du brillant (c’est-à-dire de ce qui est inaccessible et accessible aux sens) ;ils sont placés entre le Tao et la matière ; aussi, dès qu’ils en entendent parler, ils restent à moitié dans la foi et à moitié dans le doute. C’est pourquoi tantôt ils conservent (pratiquent) le Tao,tantôt ils le perdent (l’abandonnent).

Les lettrés inférieurs voient le brillant (c’est-à-dire ce qui est accessible aux sens) et ne voient pas le caché ; ils restent enveloppés dans la matière. C’est pourquoi, dès qu’ils entendent parler du Tao,ils le tournent en dérision et le calomnient.

Or le Tao est caché, subtil, profond, inscrutable. Les lettrés inférieurs, dit Liu-kie-fou, le tournent en dérision parce qu’ils le cherchent à l’aide des sens et ne peuvent l’atteindre. S’ils pouvaient l’atteindre, le saisir dans sa sublimité à l’aide des sens, ils ne le tourneraient pas en dérision ; mais, en devenant accessible à leur vue grossière, il perdrait toute sa grandeur et ne mériterait plus le nom de Tao !

E : Le Tao est profond, éloigné. C’est l’opposé des choses matérielles. Quand les lettrés supérieurs entendent parler du Tao, ils peuvent le pratiquer avec zèle, parce qu’ils le comprennent clairement et y croient avec une forte conviction.

Les lettrés du second ordre conservent des doutes sur le Tao,parce qu’ils sont incapables de le connaître véritablement et d’y croire avec une forte conviction.

Quant aux lettrés inférieurs, ils se bornent à le tourner en dérision. S’ils ne le tournaient pas en dérision, le Tao ressemblerait aux idées, aux vues des lettrés inférieurs. Il ne mériterait pas le nom de Tao.

Yen-kiun-ping : Ce qu’entendent les lettrés du second ordre n’est point ce qu’il y a de plus beau ; ce que voient les lettrés inférieurs n’est pas ce qu’il y a de plus excellent.

Ce qui éblouit les lettrés du second ordre, ce que les lettrés inférieurs tournent en dérision, est ce qu’il y a de plus beau et de plus excellent parmi les choses les plus belles et les plus excellentes du monde.


(2) H : Ces douze phrases (lin. 5 à 23) sont des axiomes empruntés aux anciens. E pense que ces axiomes vont jusqu’à la dernière phrase inclusivement (lin. 5 à 26).


(3) H : L’homme vulgaire fait usage de la prudence, il s’en glorifie et se croit doué de capacité. Le Saint a des lumières, mais il ne les laisse pas briller au dehors ; il a de la prudence, mais il ne s’en sert pas.

E : Celui qui connaît le Tao arrive à une intelligence profonde. Alors il se dépouille de ses lumières et de sa pénétration, et il paraît comme un homme obtus et environné de ténèbres.


(4) E : Celui qui pratique le Tao arrive au comble de la perfection ;mais il diminue sans cesse son propre mérite, et il ressemble à un homme qui n’a fait que marcher en arrière.

H : L’homme vulgaire se vante lui-même, il s’élance en avant avec une ardeur insatiable. Le Saint se conserve dans l’humilité,se dirige d’après le sentiment de sa bassesse et de son indignité.


(5) H : L’homme vulgaire s’élève et s’exalte lui-même. Le Saint s’unit de cœur au Tao, il se rapproche de la poussière du siècle ; il se plie aux usages et ne les adopte pas.

A : L’homme qui possède le sublime Tao ne se distingue pas de la foule. Cet interprète explique le mot i dans le sens de ta , « grand. »


(6) Sou-tseu-yeou : Il se tient constamment dans le rang le plus bas. Aliter H : L’homme vulgaire a une âme étroite ; elle ne contiendrait pas un atome. Le Saint embrasse dans son cœur le ciel et la terre. Il n’y a rien que sa vertu ne contienne. Elle est comme la mer,qui reçoit tous les fleuves.


(7) H : L’homme vulgaire est rempli intérieurement de vices et de souillures, et il se pare de dehors spécieux pour paraître pur et sans tache. Le saint est droit et simple, il est pur et blanc comme la neige. Sa vertu n’a jamais reçu un atome de la poussière du siècle ;c’est pourquoi il peut endurer la honte et supporter les opprobres. A le voir, on le prendrait pour un homme du commun.


(8) H : L’homme vulgaire ne laisse pas oublier la plus petite de ses vertus. Il se prévaut du bien qu’il fait et exige qu’on le paye de retour. Le Saint répand sa vertu et ses bienfaits sur toutes les créatures, et ne s’en fait point un mérite ; c’est pourquoi sa grande vertu parait insuffisante.


(9) E donne au mot teou le sens de « paresseux, dépourvu de zèle. »


(10) E : L’homme simple et vrai retranche les ornements et supprime les dehors spécieux. Il ressemble à un objet qui s’est détérioré et qui n’a plus rien de neuf.

Le mot iu signifie « changer en mal, se détériorer, » et « sale,repoussant. » A le rend par l’adjectif « superficiel. »


(11) A, H, Hi-ching et Youen-tse, rapportent ces sons au Saint ; E les rapporte au Tao. Le reste du chapitre ne présente aucune difficulté.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 41

Lorsqu'un esprit sage
entend parler du Tao,
il s'applique à le suivre.
Lorsqu'un esprit moyen
entend parler du Tao,
tantôt il y pense,
tantôt il l'oublie.
Lorsqu'un esprit superficiel
entend parler du Tao,
il éclate de rire.
Mais,
s'il n'en était pas ainsi,
Le Tao ne serait pas le Tao.
C'est pourquoi
la sagesse nous enseigne que
la voie étincelante paraît sombre.
La voie qui progresse semble reculer.
La voie juste semble pleine d'embûches.
La vertu parfaite semble semble vide de sens.
La vertu généreuse semble inutile.
La vertu la plus ferme semble fragile.
La vérité bien ancrée a l'air de vaciller.
Un très grand carré
nous empêche de voir ses points extrêmes.
Le trop grand vase est impossible à modeler.
La musique céleste est au-delà des sons.
Le Tao est caché.
Il n'a pas de nom
Il est
et
il n'est pas.
Mais c'est lui
qui maintient le monde.
Il en est le sens.


MA KOU 1984 CHAPITRE 41

Lorsqu’un esprit sage entend parler de la voie
Il la met en pratique avec assiduité.
Lorsqu’un esprit moyen entend parler de la voie
Elle lui paraît aller et venir.
Lorsqu’un esprit superficiel entend parler de la voie
Il éclate de rire.
S’il n’éclatait pas de rire
Cela serait indigne de la voie.

Ainsi un vieil adage (qu’on retrouve dans Tchoueng Tseu) dit :

La voie brillante paraît terne
La voie qui progresse paraît régresser
La voie régulière paraît rude
La plus haute vertu est comme la vallée
La blancheur la plus éclatante paraît morose
La vertu accueillante paraît rébarbbative
La vertu intense paraît morne
La substance pure paraît souillée.

Le grand carré n’a pas d’angles
Le grand vase est long à modeler
La grande musique est au-delà du son
La grande image n’a pas de forme.

La voie cachée est sans nom
Et pourtant elle seule, parfaite,
Accorde et accomplit.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 41

Quand un lettré d'une grande élévation entend parler du Tao, il s'applique à le suivre avec zèle. Quand un lettré moyen entend parler du Tao, tantôt il le suit, tantôt il le délaisse. Quand un lettré inférieur entend parler du Tao, il le tourne en dérision; même s'il n'en rit pas cela ne signifie pas qu'il le suive.
C'est pourquoi il est une tradition qui dit: pour le Tao, le lumineux est comme obscure; avancer comme reculer; étranger est comme familier. Pour la suprême vertu, élévation est comme abaissement, candeur comme honte, générosité comme parcimonie, vertu bien établie comme perversité, probité comme malhonnêteté, véracité simple comme duplicité.
Grand carré sans angle, grand vase inachevé, grande mélodie silencieuse, grande image sans contours: le Tao est caché et n'a pas de nom, cependant sa vertu soutient et accomplit tout.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 41

Quand un lettré d’ordre supérieur a entendu parler du retour au Principe, il s’y applique avec zèle. Si c’est un lettré d’ordre moyen, il s’y applique avec indécision. Si c’est un lettré d’ordre inférieur, il s’en moque. Et c’est une marque de la vérité de cette doctrine, que cette sorte de gens s’en moque. Le fait qu’ils ne la comprennent pas, prouve sa transcendance.
On dit, comme en proverbe : ceux qui ont com­pris le Principe, sont comme aveuglés ; ceux qui tendent vers lui, sont comme désorientés ; ceux qui l’ont atteint, paraissent comme vulgaires. C’est que, la grande vertu se creuse comme une vallée, la grande lumière se voile volontairement de ténèbres, la vertu vaste fait croire qu’elle est défectueuse, la vertu solide se donne l’air de l’incapacité, le Sage cache ses qualités sous des dehors plutôt rebutants.
Celui-là serait bien trompé, qui croirait à ces apparences. Carré si grand que ses angles sont invisibles (infini) ! Grand vase jamais fini ! Grand sens dans un faible son ! Grand type mais insaisis­sable ! Le Sage ressemble au Principe. — Or le Principe est latent et n’a pas de nom, mais par sa douce communication, tout est produit. Ainsi, à proportion, du Sage.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 41

Un érudit supérieur entend la voie,

il est assidu, pourtant il s'y promène.

Un érudit moyen entend la voie,

il la garde comme si elle s'enfuirait.

Un érudit inférieur entend la voie,

il en rit aux éclats.

Ne pas en rire ne suffit pas pour réaliser la voie.

Ainsi, il construit des phrases qui la contiennent:

La voie lumineuse, c'est comme se cacher.

Avancer sur la voie, c'est comme se retirer.

La voie d'un étranger ressemble à un nœud.

La vertu supérieure est comme une vallée.

La grande limpidité est comme une honte.

La large vertu est comme insuffisante.

Construire la vertu, c'est comme un larcin.

Le véritable caractère, c'est comme en changer.

Un grand rectangle sans angles.

Un grand réceptacle qui devient nuit.

Un grand bruit, un son exceptionnel.

Une grande apparence sans forme.

La voie est cachée, sans renommée.

La voie de l'époux qui est seul,

c'est emprunter la bonté, ainsi que réussir.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 41

Quand un noble supérieur entend parler de la Voie, il s’empresse

de la suivre.

Quand un noble moyen entend parler de la Voie, tantôt il la

conserve, tantôt il la perd.

Quand un noble inférieur entend parler de la Voie, il en rit

aux éclats.

Si l’on n’en riait pas, elle ne mériterait pas d’être considérée

comme la Voie.

Car l’adage dit :

« La Voie claire est comme obscure.

La Voie progressive est comme rétrograde.

La Voie unie est comme raboteuse.

La plus haute Vertu est comme une vallée.

Le blanc le plus pur est comme souillé.

La Vertu la plus large est comme insuffisante.

La Vertu la plus forte est comme impuissante.

La réalité la plus solide est comme vermoulue.

Le plus grand carré n’a pas d’angles.

Le plus grand vase est le dernier à être achevé.

La plus grande musique a le son le plus fin.

La plus grande image n’a pas de forme.

La Voie est cachée et n’a pas de noms (de catégories).

En effet, c’est précisément parce que la Voie sait prêter

qu’elle sait achever.

***

La pensée se relie bien à celle du chapitre précédent. Dans la Voie,

tout est à l’envers.

Pour « souillé » opposé à « blanc », le mot jou (150) est interprété

dans son vieux sens ; voir les notes du chapitre XXVIII. Dans « la réalité

la plus solide est comme vermoulue », la critique moderne veut

lire tö (46) « Vertu » au lieu de tchen (151) « vrai, réel » du texte

traditionnel. Dans l’ancienne écriture, ces deux caractères se ressemblent

en effet beaucoup. Cependant, puisque le caractère tchen «

réel » est employé immédiatement après deux tö « vertu » consécutifs,

je tiens pour inadmissible une faute de copiste. Un changement

irait plutôt en sens inverse et tchen deviendrait tö sous l’influence

des deux tö précédents. La phrase a, du reste, un sens convenable

: la qualité d’être réel et solide est très appréciée dans le Taoïsme,

mais cette qualité ne se révèle pas immédiatement ; elle a l’air d’être

avariée. L’interprétation « vermoulue » (le même caractère avec une

autre clé : 152 au lieu de 153) est empruntée à Kao Heng. Je dois faire

remarquer que tchen jen (151, 206), « l’homme réel, véritable », est

un terme technique dans le Taoïsme. Le (plus) grand carré » ta fang

(154), qu’on peut traduire aussi par « la grande méthode », est une

expression que l’on trouve par exemple chez Tchouang tseu (XVII, I,

Legge 1, p. 375) pour la Voie.

On se demande si les guillemets ne devraient pas être fermés après

« forme ». Mais la rime continue, de sorte qu’il semble préférable de

faire aller la citation jusqu’à la fin du chapitre. On dirait pourtant

qu’avant fou wei (38) « puisque, précisément, parce que », il y ait

une lacune introduisant une vérité générale ; voir les notes sur le

chapitre XXXI. Je rends le mot chan (155) « bon à », avant un verbe,

par « sait » ; la construction exige qu’avec Ma Siu louen et Kao Heng

on répète ce mot avant « achever ».

Que la Voie soit sans « noms » veut dire encore qu’elle n’est pas différenciée.

Tout y est présent ; elle comprend toutes les antinomies,

et tout en « donnant » (litt. « prêtant ») son développement à chaque

être, elle achève tout.

shànghaut supérieur, le plus élevé monter, envoyer#P #W #C #Z
shìérudit gentleman soldat#P #W #C #Z
wénentendre odeur faire connaître; nouvelles#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
qíntravailleur peine, épuisant, appliqué attentif#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
xíngaller marcher déménager, voyager; circuler#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
zhōngcentral centre, milieu au milieu de; frapper (cible); atteindre#P #W #C #Z
shìérudit gentleman soldat#P #W #C #Z
wénentendre odeur faire connaître; nouvelles#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
cúnexister vivre, être survivre; rester#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
wángmort détruite perdre, périr#P #W #C #Z
xiàdessous dessous, dessous vers le bas; inférieur; faire baisser#P #W #C #Z
shìérudit gentleman soldat#P #W #C #Z
wénentendre odeur faire connaître; nouvelles#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
xiàosouriez riez, riez ricaner#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
xiàosouriez riez, riez ricaner#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
pied atteindre, satisfaire, assez-#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
jiànconstruire établir, ériger, trouver-#P #W #C #Z
yánparole mot parler, dire#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
míngbrillant léger, brillant clair#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
mèiobscur sombre assombrir#P #W #C #Z
jìnavancer progresser, entrer-#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
退tuìreculer reculer, se retirer-#P #W #C #Z
anciennes tribus barbares--#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
lèinoeud défaut, défaut, méchant-#P #W #C #Z
shànghaut supérieur, le plus élevé monter, envoyer#P #W #C #Z
éthique moralité, vertu-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
vallée gorge, ravin-#P #W #C #Z
tàitrès trop grand; extrême#P #W #C #Z
báiblanc pur, sans tache brillant#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
humilier insulter, abuser-#P #W #C #Z
guǎnglarge large, étendu-#P #W #C #Z
éthique moralité, vertu-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
pied atteindre, satisfaire, assez-#P #W #C #Z
jiànconstruire établir, ériger, trouver-#P #W #C #Z
éthique moralité, vertu-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
tōuvoler cambrioleur, voleur-#P #W #C #Z
zhìmatière matière, substance-#P #W #C #Z
zhēnréel réel, vrai, authentique-#P #W #C #Z
ruòsemble si, en supposant similaire#P #W #C #Z
changement chongqing-#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
fāngun carré un rectangle une région ; locale#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
coin coin, endroit éloigné-#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
récipient récipient instrument#P #W #C #Z
wǎnnuit soir en retard#P #W #C #Z
chéngterminé fini, accomplir réparé#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
yīnson tonalité, hauteur prononciation#P #W #C #Z
rare espérer, espérer, s'efforcer d'atteindre-#P #W #C #Z
shēngvoix ton, son, bruit tonifier; musique#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
xiàngéléphant ivoire figure, image#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
xíngforme forme, apparence-#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
yǐncacher dissimuler caché, secret#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
míngnom grade, titre, position-#P #W #C #Z
homme adulte de sexe masculin, mari  ceci, celui#P #W #C #Z
wéiseulement simplement, justement, souhait oui#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
dàiprêter emprunter pardon#P #W #C #Z
qiěde plus aussi (post-sujet)  sur le point de, sera bientôt (préverbe)#P #W #C #Z
chéngterminé fini, accomplir réparé#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 41

Lorsqu'un homme supérieur entend parler du Tao,

il commence immédiatement à l'incarner.

Lorsqu'un homme moyen entend parler du Tao,

il le croit à moitié, à moitié en doute.

Lorsqu'un homme stupide entend parler du Tao,

il rit tout haut.

S'il ne riait pas,

ce ne serait pas le Tao.

Ainsi il est dit :

Le chemin vers la lumière semble sombre,

le chemin en avant semble revenir en arrière,

le chemin direct semble long,

le vrai pouvoir semble faible,

la vraie pureté semble ternie,

la vraie constance semble changeante,

la vraie clarté semble obscure,

le plus grand semble peu sophistiqué,

le plus grand amour semble indifférent,

la plus grande sagesse semble enfantine.

Le Tao est introuvable.

Pourtant, il nourrit et complète toutes choses.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE XLI

Quand les lettrés supérieurs (1) ont entendu parler du Tao, ils le pratiquent avec zèle.

Quand les lettrés du second ordre ont entendu parler du Tao, tantôt ils le conservent, tantôt ils le perdent.

Quand les lettrés inférieurs ont entendu parler du Tao,ils le tournent en dérision. S’ils ne le tournaient pas en dérision, il ne mériterait pas le nom de Tao.

C’est pourquoi les anciens (2) disaient :Celui qui a l’intelligence du Tao paraît enveloppé de ténèbres (3).

Celui qui est avancé dans le Tao ressemble à un homme arriéré (4).

Celui qui est à la hauteur du Tao ressemble à un homme vulgaire (5).

L’homme d’une vertu supérieure est comme une vallée (6).

L’homme d’une grande pureté est comme couvert d’opprobre (7).

L’homme d’un mérite immense paraît frappé d’incapacité (8).

L’homme d’une vertu solide semble dénué d’activité (9).

L’homme simple et vrai (10) semble vil et dégradé.

C’est un grand carré (11) dont on ne voit pas les angles ;un grand vase qui semble loin d’être achevé ; une grande voix dont le son est imperceptible ; une grande image dont on n’aperçoit point la forme !

Le Tao se cache et personne ne peut le nommer.

Il sait prêter (secours aux êtres) et les conduire à la perfection.


NOTES.

(1) Hi-ching : Les lettrés supérieurs comprennent ce qui est caché comme ce qui est brillant dans le Tao ; ils pénètrent au delà des limites du corps. C’est pourquoi, dès qu’ils entendent parler du Tao,ils y ont foi et le pratiquent avec zèle.

Les lettrés du second ordre sont sur les limites du caché et du brillant (c’est-à-dire de ce qui est inaccessible et accessible aux sens) ;ils sont placés entre le Tao et la matière ; aussi, dès qu’ils en entendent parler, ils restent à moitié dans la foi et à moitié dans le doute. C’est pourquoi tantôt ils conservent (pratiquent) le Tao,tantôt ils le perdent (l’abandonnent).

Les lettrés inférieurs voient le brillant (c’est-à-dire ce qui est accessible aux sens) et ne voient pas le caché ; ils restent enveloppés dans la matière. C’est pourquoi, dès qu’ils entendent parler du Tao,ils le tournent en dérision et le calomnient.

Or le Tao est caché, subtil, profond, inscrutable. Les lettrés inférieurs, dit Liu-kie-fou, le tournent en dérision parce qu’ils le cherchent à l’aide des sens et ne peuvent l’atteindre. S’ils pouvaient l’atteindre, le saisir dans sa sublimité à l’aide des sens, ils ne le tourneraient pas en dérision ; mais, en devenant accessible à leur vue grossière, il perdrait toute sa grandeur et ne mériterait plus le nom de Tao !

E : Le Tao est profond, éloigné. C’est l’opposé des choses matérielles. Quand les lettrés supérieurs entendent parler du Tao, ils peuvent le pratiquer avec zèle, parce qu’ils le comprennent clairement et y croient avec une forte conviction.

Les lettrés du second ordre conservent des doutes sur le Tao,parce qu’ils sont incapables de le connaître véritablement et d’y croire avec une forte conviction.

Quant aux lettrés inférieurs, ils se bornent à le tourner en dérision. S’ils ne le tournaient pas en dérision, le Tao ressemblerait aux idées, aux vues des lettrés inférieurs. Il ne mériterait pas le nom de Tao.

Yen-kiun-ping : Ce qu’entendent les lettrés du second ordre n’est point ce qu’il y a de plus beau ; ce que voient les lettrés inférieurs n’est pas ce qu’il y a de plus excellent.

Ce qui éblouit les lettrés du second ordre, ce que les lettrés inférieurs tournent en dérision, est ce qu’il y a de plus beau et de plus excellent parmi les choses les plus belles et les plus excellentes du monde.


(2) H : Ces douze phrases (lin. 5 à 23) sont des axiomes empruntés aux anciens. E pense que ces axiomes vont jusqu’à la dernière phrase inclusivement (lin. 5 à 26).


(3) H : L’homme vulgaire fait usage de la prudence, il s’en glorifie et se croit doué de capacité. Le Saint a des lumières, mais il ne les laisse pas briller au dehors ; il a de la prudence, mais il ne s’en sert pas.

E : Celui qui connaît le Tao arrive à une intelligence profonde. Alors il se dépouille de ses lumières et de sa pénétration, et il paraît comme un homme obtus et environné de ténèbres.


(4) E : Celui qui pratique le Tao arrive au comble de la perfection ;mais il diminue sans cesse son propre mérite, et il ressemble à un homme qui n’a fait que marcher en arrière.

H : L’homme vulgaire se vante lui-même, il s’élance en avant avec une ardeur insatiable. Le Saint se conserve dans l’humilité,se dirige d’après le sentiment de sa bassesse et de son indignité.


(5) H : L’homme vulgaire s’élève et s’exalte lui-même. Le Saint s’unit de cœur au Tao, il se rapproche de la poussière du siècle ; il se plie aux usages et ne les adopte pas.

A : L’homme qui possède le sublime Tao ne se distingue pas de la foule. Cet interprète explique le mot i dans le sens de ta , « grand. »


(6) Sou-tseu-yeou : Il se tient constamment dans le rang le plus bas. Aliter H : L’homme vulgaire a une âme étroite ; elle ne contiendrait pas un atome. Le Saint embrasse dans son cœur le ciel et la terre. Il n’y a rien que sa vertu ne contienne. Elle est comme la mer,qui reçoit tous les fleuves.


(7) H : L’homme vulgaire est rempli intérieurement de vices et de souillures, et il se pare de dehors spécieux pour paraître pur et sans tache. Le saint est droit et simple, il est pur et blanc comme la neige. Sa vertu n’a jamais reçu un atome de la poussière du siècle ;c’est pourquoi il peut endurer la honte et supporter les opprobres. A le voir, on le prendrait pour un homme du commun.


(8) H : L’homme vulgaire ne laisse pas oublier la plus petite de ses vertus. Il se prévaut du bien qu’il fait et exige qu’on le paye de retour. Le Saint répand sa vertu et ses bienfaits sur toutes les créatures, et ne s’en fait point un mérite ; c’est pourquoi sa grande vertu parait insuffisante.


(9) E donne au mot teou le sens de « paresseux, dépourvu de zèle. »


(10) E : L’homme simple et vrai retranche les ornements et supprime les dehors spécieux. Il ressemble à un objet qui s’est détérioré et qui n’a plus rien de neuf.

Le mot iu signifie « changer en mal, se détériorer, » et « sale,repoussant. » A le rend par l’adjectif « superficiel. »


(11) A, H, Hi-ching et Youen-tse, rapportent ces sons au Saint ; E les rapporte au Tao. Le reste du chapitre ne présente aucune difficulté.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 41

Lorsqu'un esprit sage
entend parler du Tao,
il s'applique à le suivre.
Lorsqu'un esprit moyen
entend parler du Tao,
tantôt il y pense,
tantôt il l'oublie.
Lorsqu'un esprit superficiel
entend parler du Tao,
il éclate de rire.
Mais,
s'il n'en était pas ainsi,
Le Tao ne serait pas le Tao.
C'est pourquoi
la sagesse nous enseigne que
la voie étincelante paraît sombre.
La voie qui progresse semble reculer.
La voie juste semble pleine d'embûches.
La vertu parfaite semble semble vide de sens.
La vertu généreuse semble inutile.
La vertu la plus ferme semble fragile.
La vérité bien ancrée a l'air de vaciller.
Un très grand carré
nous empêche de voir ses points extrêmes.
Le trop grand vase est impossible à modeler.
La musique céleste est au-delà des sons.
Le Tao est caché.
Il n'a pas de nom
Il est
et
il n'est pas.
Mais c'est lui
qui maintient le monde.
Il en est le sens.


MA KOU 1984 CHAPITRE 41

Lorsqu’un esprit sage entend parler de la voie
Il la met en pratique avec assiduité.
Lorsqu’un esprit moyen entend parler de la voie
Elle lui paraît aller et venir.
Lorsqu’un esprit superficiel entend parler de la voie
Il éclate de rire.
S’il n’éclatait pas de rire
Cela serait indigne de la voie.

Ainsi un vieil adage (qu’on retrouve dans Tchoueng Tseu) dit :

La voie brillante paraît terne
La voie qui progresse paraît régresser
La voie régulière paraît rude
La plus haute vertu est comme la vallée
La blancheur la plus éclatante paraît morose
La vertu accueillante paraît rébarbbative
La vertu intense paraît morne
La substance pure paraît souillée.

Le grand carré n’a pas d’angles
Le grand vase est long à modeler
La grande musique est au-delà du son
La grande image n’a pas de forme.

La voie cachée est sans nom
Et pourtant elle seule, parfaite,
Accorde et accomplit.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 41

Quand un lettré d'une grande élévation entend parler du Tao, il s'applique à le suivre avec zèle. Quand un lettré moyen entend parler du Tao, tantôt il le suit, tantôt il le délaisse. Quand un lettré inférieur entend parler du Tao, il le tourne en dérision; même s'il n'en rit pas cela ne signifie pas qu'il le suive.
C'est pourquoi il est une tradition qui dit: pour le Tao, le lumineux est comme obscure; avancer comme reculer; étranger est comme familier. Pour la suprême vertu, élévation est comme abaissement, candeur comme honte, générosité comme parcimonie, vertu bien établie comme perversité, probité comme malhonnêteté, véracité simple comme duplicité.
Grand carré sans angle, grand vase inachevé, grande mélodie silencieuse, grande image sans contours: le Tao est caché et n'a pas de nom, cependant sa vertu soutient et accomplit tout.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 41

Quand un lettré d’ordre supérieur a entendu parler du retour au Principe, il s’y applique avec zèle. Si c’est un lettré d’ordre moyen, il s’y applique avec indécision. Si c’est un lettré d’ordre inférieur, il s’en moque. Et c’est une marque de la vérité de cette doctrine, que cette sorte de gens s’en moque. Le fait qu’ils ne la comprennent pas, prouve sa transcendance.
On dit, comme en proverbe : ceux qui ont com­pris le Principe, sont comme aveuglés ; ceux qui tendent vers lui, sont comme désorientés ; ceux qui l’ont atteint, paraissent comme vulgaires. C’est que, la grande vertu se creuse comme une vallée, la grande lumière se voile volontairement de ténèbres, la vertu vaste fait croire qu’elle est défectueuse, la vertu solide se donne l’air de l’incapacité, le Sage cache ses qualités sous des dehors plutôt rebutants.
Celui-là serait bien trompé, qui croirait à ces apparences. Carré si grand que ses angles sont invisibles (infini) ! Grand vase jamais fini ! Grand sens dans un faible son ! Grand type mais insaisis­sable ! Le Sage ressemble au Principe. — Or le Principe est latent et n’a pas de nom, mais par sa douce communication, tout est produit. Ainsi, à proportion, du Sage.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 41

Un érudit supérieur entend la voie,

il est assidu, pourtant il s'y promène.

Un érudit moyen entend la voie,

il la garde comme si elle s'enfuirait.

Un érudit inférieur entend la voie,

il en rit aux éclats.

Ne pas en rire ne suffit pas pour réaliser la voie.

Ainsi, il construit des phrases qui la contiennent:

La voie lumineuse, c'est comme se cacher.

Avancer sur la voie, c'est comme se retirer.

La voie d'un étranger ressemble à un nœud.

La vertu supérieure est comme une vallée.

La grande limpidité est comme une honte.

La large vertu est comme insuffisante.

Construire la vertu, c'est comme un larcin.

Le véritable caractère, c'est comme en changer.

Un grand rectangle sans angles.

Un grand réceptacle qui devient nuit.

Un grand bruit, un son exceptionnel.

Une grande apparence sans forme.

La voie est cachée, sans renommée.

La voie de l'époux qui est seul,

c'est emprunter la bonté, ainsi que réussir.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 41

Quand un noble supérieur entend parler de la Voie, il s’empresse

de la suivre.

Quand un noble moyen entend parler de la Voie, tantôt il la

conserve, tantôt il la perd.

Quand un noble inférieur entend parler de la Voie, il en rit

aux éclats.

Si l’on n’en riait pas, elle ne mériterait pas d’être considérée

comme la Voie.

Car l’adage dit :

« La Voie claire est comme obscure.

La Voie progressive est comme rétrograde.

La Voie unie est comme raboteuse.

La plus haute Vertu est comme une vallée.

Le blanc le plus pur est comme souillé.

La Vertu la plus large est comme insuffisante.

La Vertu la plus forte est comme impuissante.

La réalité la plus solide est comme vermoulue.

Le plus grand carré n’a pas d’angles.

Le plus grand vase est le dernier à être achevé.

La plus grande musique a le son le plus fin.

La plus grande image n’a pas de forme.

La Voie est cachée et n’a pas de noms (de catégories).

En effet, c’est précisément parce que la Voie sait prêter

qu’elle sait achever.

***

La pensée se relie bien à celle du chapitre précédent. Dans la Voie,

tout est à l’envers.

Pour « souillé » opposé à « blanc », le mot jou (150) est interprété

dans son vieux sens ; voir les notes du chapitre XXVIII. Dans « la réalité

la plus solide est comme vermoulue », la critique moderne veut

lire tö (46) « Vertu » au lieu de tchen (151) « vrai, réel » du texte

traditionnel. Dans l’ancienne écriture, ces deux caractères se ressemblent

en effet beaucoup. Cependant, puisque le caractère tchen «

réel » est employé immédiatement après deux tö « vertu » consécutifs,

je tiens pour inadmissible une faute de copiste. Un changement

irait plutôt en sens inverse et tchen deviendrait tö sous l’influence

des deux tö précédents. La phrase a, du reste, un sens convenable

: la qualité d’être réel et solide est très appréciée dans le Taoïsme,

mais cette qualité ne se révèle pas immédiatement ; elle a l’air d’être

avariée. L’interprétation « vermoulue » (le même caractère avec une

autre clé : 152 au lieu de 153) est empruntée à Kao Heng. Je dois faire

remarquer que tchen jen (151, 206), « l’homme réel, véritable », est

un terme technique dans le Taoïsme. Le (plus) grand carré » ta fang

(154), qu’on peut traduire aussi par « la grande méthode », est une

expression que l’on trouve par exemple chez Tchouang tseu (XVII, I,

Legge 1, p. 375) pour la Voie.

On se demande si les guillemets ne devraient pas être fermés après

« forme ». Mais la rime continue, de sorte qu’il semble préférable de

faire aller la citation jusqu’à la fin du chapitre. On dirait pourtant

qu’avant fou wei (38) « puisque, précisément, parce que », il y ait

une lacune introduisant une vérité générale ; voir les notes sur le

chapitre XXXI. Je rends le mot chan (155) « bon à », avant un verbe,

par « sait » ; la construction exige qu’avec Ma Siu louen et Kao Heng

on répète ce mot avant « achever ».

Que la Voie soit sans « noms » veut dire encore qu’elle n’est pas différenciée.

Tout y est présent ; elle comprend toutes les antinomies,

et tout en « donnant » (litt. « prêtant ») son développement à chaque

être, elle achève tout.


diff --git a/inter/42.html b/inter/42.html index 0153cc2..110953d 100644 --- a/inter/42.html +++ b/inter/42.html @@ -300,8 +300,8 @@

- - + +
dào shēng shēng èrèr shēng sānsān shēng wàn wàn yīn ér bào yángchōng wéi rén zhī suǒ èwéi guǎ ér wáng gōng wéi chēng huò sǔn zhī ér huò zhī ér sǔnrén zhī suǒ jiào jiào zhīqiáng liáng zhě jiāng wéi jiào
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
un seul-#P #W #C #Z
un seul-#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
èrdeux deux fois-#P #W #C #Z
èrdeux deux fois-#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
sāntrois--#P #W #C #Z
sāntrois--#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
wàndix mille innombrable myriades#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
wàndix mille innombrable myriades#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
charge fardeau porter, porter#P #W #C #Z
yīnprincipe « féminin » sombre secrète#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
bàoembrasser prendre dans les bras, envelopper-#P #W #C #Z
yángprincipe « masculin »  lumière soleil#P #W #C #Z
chōngverser déverser, infuser laver#P #W #C #Z
air gaz, vapeur, vapeur esprit#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
harmonie paix paisible, calme#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
suǒlieu emplacement complément numérique#P #W #C #Z
èmal méchant, mauvais moche, immonde#P #W #C #Z
wéiseulement simplement, justement, souhait oui#P #W #C #Z
orphelin sans père solitaire#P #W #C #Z
guǎveuf seul, sans amis-#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
maïs céréales, céréales chanceux#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
wángroi dirigeant royal; nom de famille#P #W #C #Z
gōngjuste équitable publique; duc#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
chēngappel nom, marque adresse; dire#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
huòou bien autrement  peut-être, peut-être#P #W #C #Z
sǔndiminuer porter atteinte blesser#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
profit avantage avantage#P #W #C #Z
huòou bien autrement  peut-être, peut-être#P #W #C #Z
profit avantage avantage#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
sǔndiminuer porter atteinte blesser#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
suǒlieu emplacement complément numérique#P #W #C #Z
jiàoenseigner classe-#P #W #C #Z
notre nous, je, moi, mon, nous-#P #W #C #Z
aussi aussi de même-#P #W #C #Z
jiàoenseigner classe-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
qiángfort puissant, énergique-#P #W #C #Z
liángpont faisceau chevrons; nom de famille#P #W #C #Z
zhěce qui celui qui ceux qui#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
mourir mort la mort#P #W #C #Z
je mon, notre résister, empêcher#P #W #C #Z
jiāngvolonté aller, futur général#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
jiàoenseigner classe-#P #W #C #Z
Père Créateur-#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 42

Le Tao donne naissance à Un.

Un donne naissance à Deux.

Deux donne naissance à Trois.

Trois donne naissance à toutes choses.

Toutes les choses tournent le dos à la femelle

et font face au mâle.

Lorsque le mâle et la femelle s'unissent,

toutes les choses parviennent à l'harmonie.

Les hommes ordinaires détestent la solitude.

Mais le Maître en fait usage,

embrassant sa solitude, réalisant qu'il

ne fait qu'un avec l'univers tout entier.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE XLII

Le Tao a produit un (1) ; un a produit deux (2) ; deux a produit trois (3) ; trois (4) a produit tous les êtres.

Tous les êtres fuient (5) le calme et cherchent le mouvement.

Un souffle immatériel (6) forme l’harmonie.

Ce que les hommes détestent (7) c’est d’être orphelins, imparfaits, dénués de vertu, et cependant les rois s’appellent ainsi eux-mêmes (8).

C’est pourquoi, parmi les êtres, les uns s’augmentent en se diminuant (9) ; les autres se diminuent en s’augmentant.

Ce que les hommes enseignent, je l’enseigne aussi (10).

Les hommes violents et inflexibles n’obtiennent point une mort naturelle.

Je veux prendre leur exemple pour la base (11) de mes instructions.


NOTES.

(1) Li-si-tchaï : Tant que le Tao était concentré en lui-même, Un n’était pas encore né. Un n’étant pas encore né, comment aurait-il pu y avoir deux ? Deux n’existait pas parce que Un ne s’était pas encore divisé, répandu (dans l’univers pour former les êtres). Dès qu’il y a eu Un (c’est-à-dire dès que le Tao se fut produit au dehors),aussitôt il y a eu deux.


(2) E : Un a produit deux, c’est-à-dire, un s’est divisé en principe in , « femelle, » et en principe yang , « mâle. »


(3) E : Deux a produit trois (c’est-à-dire, deux ont produit un troisième principe) : le principe femelle et le principe mâle se sont unis et ont produit l’harmonie.


(4) Trois, c’est-à-dire ce troisième principe. E : Le souffle d’harmonie s’est condensé et a produit tous les êtres. Voyez note 6.


(5) Plusieurs interprètes expliquent le mot fou par « tourner le dos à, fuir, » et le mot pao par « se tourner vers, chercher. »Suivant E, le mot in désigne ici « le repos, » tsing , et yang , « le mouvement, » .

Tong-sse-tsing rapporte ce passage aux plantes et aux arbres, et rend les mots in et yang par « le froid » et « la chaleur. Les plantes, dit-il, se détournent du froid et se dirigent vers la chaleur,et un souffle vide (un principe vital) circule au dedans d’elles. (Cette application paraît trop restreinte.)


(6) Le mot khi « souffle,  » a en partie l’extension du mot latin anima, qui signifie à la fois « souffle » et « principe vital ; » mais il ne se dit pas, comme anima, de l'âme intelligente de l’homme. »

H : Le mot tchong veut dire « vide, hiu , immatériel. » Ibid. Ce souffle d’harmonie est la racine de tous les êtres ; mais il est vide, mou et faible ; il n’est point de la même espèce que les êtres.


(7) Yen kiun-p’ing : Ce qui est petit, exigu, mou et faible (le Tao),a été l’origine du ciel et de la terre, et la mère de tous les êtres ;mais les hommes détestent la faiblesse, l’exiguïté, l’imperfection ; et cependant les princes et les rois en tirent les noms qu’ils se donnent eux-mêmes. (H) N’est-ce pas parce qu’ils regardent l’humilité, la faiblesse,comme les plus puissants ressorts du monde !


(8) H : Ces noms que se donnent les rois sont des termes d’humilité. Si les princes et les rois ne s’abaissaient pas (littéral. « ne se diminuaient pas », l’empire ne se soumettrait pas à eux. C’est pourquoi les empereurs Yao et Chun occupèrent le trône et le regardèrent comme s’il leur eut été étranger (ils oubliaient leur élévation) ; leurs bienfaits ont eu une étendue sans bornes, et jusqu’aujourd’hui on célèbre leur vertu. Aussi quiconque s’abaisse est élevé par les hommes (littéral. « quiconque se diminue, les hommes l’augmentent » ).

Lia-kie-fou : Ceux qui ont créé, dans l’antiquité, les dénominations humbles par lesquelles les princes devaient se désigner eux-mêmes,les ont empruntées aux conditions que les hommes méprisent généralement. Ils ont voulu par là que, malgré leur noblesse et leur élévation, les rois n’oubliassent pas la condition abjecte et roturière d’où ils sont sortis.

B : Les rois s’appellent ainsi, parce que la diminution est la racine de l' augmentation, parce que, en s'appauvrissant et en s'abaissant extérieurement,on s’enrichit et on s’élève intérieurement.


(9) H : Kie et Tcheou n’ont employé que pour eux seuls les richesses et la puissance de l’empire ; ils ont tyrannisé le peuple et assouvi leurs passions ; ils ne songeaient qu’à eux, sans prendre soin des autres hommes ; aussi, quoiqu’ils occupassent le trône, tout l’empire les abandonna. On voit par là que ceux qui s’élèvent eux-mêmes sont abaissés par les hommes (littér. « de là vient que ceux qui s’augmentent eux-mêmes, les hommes les diminuent » ).


(10) H : Ce que les hommes enseignent, je n’ai jamais manqué de l’enseigner. Mais les hommes ordinaires ne savent pas enseigner les autres. Ils ne songent qu’à augmenter leurs connaissances (les connaissances des autres) ; ils les rendent orgueilleux, arrogants ; et cette présomption les pousse à des actes violents. Ils ignorent que les hommes violents (G : qui cherchent à subjuguer les autres) ne meurent jamais d’une manière naturelle. Mais, moi, j’enseigne aux hommes à diminuer chaque jour leurs désirs, à se maintenir dans l’humilité et la modestie, pour conserver la vertu d’harmonie qui est la base et le soutien de leur vie.

A, B : Les hommes de la multitude enseignent à quitter la faiblesse pour la force, la douceur pour la fermeté ; moi, j’enseigne à quitter la force pour la faiblesse, la fermeté qui résiste pour la douceur qui sait céder aux obstacles.

D’après les interprètes A, B, il semble qu’il devrait y avoir dans le texte : « J'enseigne le contraire de ce qu’enseignent les hommes vulgaires. »

Plusieurs commentateurs ont omis ce passage, à cause de l’impossibilité où ils se trouvaient, sans doute, de faire disparaître la contradiction qu’il présente. Peut-être vaut-il mieux adopter la leçon d’un ancien texte cité dans les variantes de G : 人之所以教我。亦我之所以教人. « Ce que les hommes m’ont enseigné, je l’enseigne à mon tour aux autres hommes. »Mais ce passage aurait des conséquences graves. Il nous autoriserait à faire remonter plus haut que Lao-tseu la doctrine dont on le regarde comme l’auteur. J’ajouterai, à cette occasion, que, depuis les Han, les historiens chinois emploient souvent l’expression Hoang-lao-tchi-yen 黄老之言, « La doctrine de l’empereur Hoang-ti et de Lao-tseu, » pour désigner les principes exposés dans le Tao-te-king. Ils écrivent aussi : hio-Hoang-Lao, sse-Hoang-Lao 學黄老事黄老 « étudier, servir Hoang-ti et Lao-tseu », pour dire :étudier, professer cette même doctrine. Cf. Pien-i-tien, liv. LV, fol. 1 r. et Hio-tong, liv. L. Or on sait que l’empereur Hoang-ti commença à régner l’an 2698 avant J. C. Malheureusement les circonstances de sa vie et de son règne ne sont pas exemptes de cette obscurité qui est inséparable des époques primitives de l’histoire du monde.


(11) E : Kiao-fou 教父 : C'est comme s’il disait : 衆教之先. « La première de toutes (mes) instructions. » ( On voit que E rend fou vulgo « père, » par sien , « ce qui passe avant, »ce qui précède, la chose première. (A : Fou , c’est-à-dire chi , « commencement. » Même sens.) Lao-tseu dit que « Les hommes violents n’obtiennent pas une bonne mort. » Quoique les hommes de son temps professassent cette doctrine, ils n’en saisissaient pas le sens, et ne la regardaient pas comme très-importante. L’auteur la prend pour base de ses instructions, parce qu’il en comprend toute la portée.

H explique le mot fou par mo-to 木鐸 (cf. Morrison,Dict. chin. part. II, n° 10305), « sorte de clochette dont on se servait pour appeler le peuple à venir recevoir l’instruction. » Ici ce mot se prendrait au figuré pour désigner celui qui annonce, qui prêche une doctrine. H : « Je serai le prédicateur de la doctrine. »

Un seul commentateur (G) rend les mots kiao-fou 教父 au sens propre : « Je serai le père de la doctrine. »


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 42

Le Tao engendra UN.
Un engendra Deux.
Deux engendra Trois.
Trois engendra les dix mille êtres
et
tout ce qui est vivant.
Les dix mille êtres
portent l'obscurité
sur leurs épaules
mais serrent
dans leurs bras
la lumière.
Chacun d'eux a été engendré
par ce souffle divin
que l'on nomme harmonie.
Les hommes redoutent
d'être pauvres,
délaissés,
sans valeur
ou sans mérite.
Et pourtant,
les souverains et les princes sages
se nomment eux-mêmes ainsi :
sans valeur,
sans mérite.
C'est pourquoi,
parmi les êtres,
celui qui s'élève
se diminue,
et
celui qui se diminue
s'élève.
Et le violent qui veut s'imposer
par la violence
mourra par la violence.
Ceci est un des fondements
de l'enseignement.
Une des vérités
du Tao.


MA KOU 1984 CHAPITRE 42

La voie engendre le un
Le un engendre le deux
Le deux engendre le trois
Trois engendre la multiplicité des êtres.

La multiplicité des êtres porte (sur le dos) le yin (l’obscur)
Et embrasse (dans ses bras) le yang (le lumineux).
Chaque être est le mélange engendré
Par ces deux forces.

Les êtres humains n’aiment pas
Etre considérés comme solitaires,
Désespérés et sans mérites.
Et pourtant seigneurs et princes
Doivent se référer à ces états naturellement.

Ainsi, une chose diminuée s’en trouve augmentée
Et une chose augmentée s’en trouve diminuée.

J’enseigne ce que d’autres ont enseigné :
La violence n’amène pas une mort naturelle
Que ceci soit mon précepte maître.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 42

Le Tao a produit Un, Un a produit deux, deux a produit trois, trois a produit les dix mille êtres.
Les dix mille êtres fuient le repos et l'obscurité; ils vont vers le mouvement et l'éclat; un souffle immatériel forme l'Harmonie.
Ce que les hommes détestent, c'est d'être seuls, délaissés, incapables; cependant c'est ainsi que les princes et les rois se qualifient eux-mêmes.
C'est pourquoi, parmi les êtres, les uns se diminuent en s'augmentant et les autres s'augmentent en diminuant.
Ce que j'enseigne est la Doctrine traditionnelle: poutre faîtière que la mort n'atteint pas. Je m'applique à agi selon les ères de la Tradition.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 42

Le Principe ayant émis sa vertu une, celle-ci se mit à évoluer selon deux modalités alternantes. Cette évolution produisit (ou condensa) l’air médian (la matière ténue). De la matière ténue, sous l’influence des deux modalités yinn et yang, furent produits tous les êtres sensibles. Sortant du yinn (de la puis­sance), ils passent au yang (à l’acte), par influence des deux modalités sur la matière.
Ce que les hommes n’aiment pas, c’est d’être seuls, uniques, incapables, (l’obscurité et l’abais­sement), et cependant les empereurs et les princes se désignent par ces termes, (humilité qui ne les avilit pas). Les êtres se diminuent en voulant s’aug­menter, et s’augmentent en se diminuant.
En parlant ainsi, je redis l’enseignement tradi­tionnel. Les forts arrogants ne meurent pas de leur belle mort. Je fais de cet axiome le fond de mon en­seignement.
Rien de plus dans les commentaires. Dans A, il n’est pas question de la Trinité. A B, comparez cha­pitre 39 C.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 42

La voie en engendre un,

un en engendre deux,

deux en engendrent trois,

trois engendrent des milliers d'êtres.

Des milliers d'êtres portent le négatif sur le dos,

mais ils embrassent le positif,

qui rince la vitalité pour établir l'harmonie.

Les personnes d'endroits douteux,

ne sont qu'orphelins, peu de chose, non distingués,

mais ils sont rois et dignitaires pour établir les nominations.

Ainsi l'être pourrait subir un tort, pourtant il en bénéficie,

il pourrait en bénéficier, pourtant il fait du tort.

Les personnes d'endroits instruits

me sont également un enseignement:

"Qui est une poutre puissante n'a pas reçu son inflexibilité."

Je la manie pour établir l'instruction des pères.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 42

Un a produit deux ; deux ont produit trois ; trois ont produit

les dix mille êtres.

Les dix mille êtres se détournent de l’élément Yin et embrassent

l’élément Yang.

Le souffle vide en fait un mélange harmonieux.

Ce que les hommes détestent c’est d’être un « orphelin »,

un « délaissé », un « indigent », et pourtant les rois vassaux

se nomment ainsi.

Car les êtres tantôt subissent une augmentation par la

perte, tantôt une perte par l’augmentation.

Ce que d’autres ont enseigné, je l’enseigne aussi ; (mais)

que les hommes violents ne meurent pas d’une mort naturelle,

je serai le père de cette doctrine là.

***

Ce chapitre sous sa forme traditionnelle n’est certainement pas en

ordre. Il commence par les mots : « La Voie a produit un » ; mais le

Houai-nan tseu (2e siècle av. J. C.), citant ce passage, omet ces trois

mots. Je suis persuadé qu’ils n’appartiennent pas au texte. La Voie

n’est pas un principe créateur abstrait, au dessus de tout ce qui existe.

Elle est plutôt elle même le principe d’unité. Sur cette unité, compa

rer le chapitre XXXIX. Cette unité opère par une dualité. La phrase

suivante rend évident que l’auteur vise le dualisme du Yin et du Yang,

mentionné ici pour la première fois. Voir aussi le Livre des Mutations

(Legge, p. 355) : « Une alternance de Yin et Yang s’appelle la Voie. »

Yin est la catégorie sombre, froide, féminine, passive, Yang la catégorie

claire, chaude, masculine, active.

« Trois » indique sans doute « le ciel, la terre et l’homme », dont tous

les autres êtres procèdent.

Toutes choses tournent le dos à l’obscurité et cherchent la lumière

; et pourtant elles sont l’une comme l’autre essentielles pour qu’il

y ait un développement harmonieux. Le décroissement (à savoir le

sombre, Yin) peut conduire à l’augmentation (le clair, Yang). Tch’ong

(21) est ici un mot difficile : on serait tenté de le rendre par « monter

dans les airs » ce qui, avec « souffle, vapeur », donnerait un bon

sens qui est assez usuel et se rencontre dans le Che ki ; pourtant,

vu l’emploi de ce mot dans les chapitres IV et XLV, je m’en tiens à la

signification de « vide ».

Il serait séduisant de reporter l’exemple des titres royaux « orphelin,

délaissé », etc. et la leçon à en tirer : augmentation par la perte, au

chapitre XXXIX où le même exemple est donné. Que ces deux passages

se soient trouvés ensemble à l’origine est en effet très probable

(le texte traditionnel porte ici wang kong (156) « rois et ducs », ce

qui me paraît aussi artificiel que wang heou (157), leçon proposée

par Kao Heng ; je pense que la leçon originale est heou wang (134),

bien que la date de cette expression soit suspecte ; voir XXXVII). Toutefois,

après quelque hésitation, je laisse le texte tel qu’il est, puisque

l’exemple donné ici s’accorde bien avec l’idée du mélange harmonieux

de Yin et Yang. Le premier paragraphe, qui enseigne que la

Voie opère d’une manière dualiste, se trouve également en rapport

logique avec cette idée.

Le dernier paragraphe est obscur. Il me semble que la dernière

phrase doit être interprétée comme je le fais : l’auteur n’a aucune

prétention à l’originalité dans son enseignement, sauf sur un point,

à savoir que la violence conduit à une fin funeste. L’emploi de deux

pronoms différents dans la première personne est curieux, à savoir

wo (158) et wou (159) respectivement dans : « Je l’enseigne aussi

» et « Je serai le père ». Cela me paraît indiquer une corruption du

texte. La phraséologie de la phrase finale est bizarre et le rapport

avec le reste du chapitre me paraît faible. L’explication donnée par

A. Waley, p. 195, bien qu’ingénieuse, ne me satisfait pas. Il traduit : «

Montre¬moi un homme violent qui ait eu une bonne fin et je le prendrai

comme maître. »

dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
un seul-#P #W #C #Z
un seul-#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
èrdeux deux fois-#P #W #C #Z
èrdeux deux fois-#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
sāntrois--#P #W #C #Z
sāntrois--#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
wàndix mille innombrable myriades#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
wàndix mille innombrable myriades#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
charge fardeau porter, porter#P #W #C #Z
yīnprincipe « féminin » sombre secrète#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
bàoembrasser prendre dans les bras, envelopper-#P #W #C #Z
yángprincipe « masculin »  lumière soleil#P #W #C #Z
chōngverser déverser, infuser laver#P #W #C #Z
air gaz, vapeur, vapeur esprit#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
paisible paix, tempérer, calmer harmoniser#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
suǒlieu emplacement complément numérique#P #W #C #Z
èmal méchant, mauvais moche, immonde#P #W #C #Z
wéiseulement simplement, justement, souhait oui#P #W #C #Z
orphelin sans père solitaire#P #W #C #Z
guǎveuf seul, sans amis-#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
maïs céréales, céréales chanceux#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
wángroi dirigeant royal; nom de famille#P #W #C #Z
gōngjuste équitable publique; duc#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
chēngappel nom, marque adresse; dire#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
huòou bien autrement  peut-être, peut-être#P #W #C #Z
sǔndiminuer porter atteinte blesser#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
profit avantage avantage#P #W #C #Z
huòou bien autrement  peut-être, peut-être#P #W #C #Z
profit avantage avantage#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
sǔndiminuer porter atteinte blesser#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
suǒlieu emplacement complément numérique#P #W #C #Z
jiàoenseigner classe-#P #W #C #Z
notre nous, je, moi, mon, nous-#P #W #C #Z
aussi aussi de même-#P #W #C #Z
jiàoenseigner classe-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
qiángfort puissant, énergique-#P #W #C #Z
liángpont faisceau chevrons; nom de famille#P #W #C #Z
zhěce qui celui qui ceux qui#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
mourir mort la mort#P #W #C #Z
je mon, notre résister, empêcher#P #W #C #Z
jiāngvolonté aller, futur général#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
jiàoenseigner classe-#P #W #C #Z
Père Créateur-#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 42

Le Tao donne naissance à Un.

Un donne naissance à Deux.

Deux donne naissance à Trois.

Trois donne naissance à toutes choses.

Toutes les choses tournent le dos à la femelle

et font face au mâle.

Lorsque le mâle et la femelle s'unissent,

toutes les choses parviennent à l'harmonie.

Les hommes ordinaires détestent la solitude.

Mais le Maître en fait usage,

embrassant sa solitude, réalisant qu'il

ne fait qu'un avec l'univers tout entier.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE XLII

Le Tao a produit un (1) ; un a produit deux (2) ; deux a produit trois (3) ; trois (4) a produit tous les êtres.

Tous les êtres fuient (5) le calme et cherchent le mouvement.

Un souffle immatériel (6) forme l’harmonie.

Ce que les hommes détestent (7) c’est d’être orphelins, imparfaits, dénués de vertu, et cependant les rois s’appellent ainsi eux-mêmes (8).

C’est pourquoi, parmi les êtres, les uns s’augmentent en se diminuant (9) ; les autres se diminuent en s’augmentant.

Ce que les hommes enseignent, je l’enseigne aussi (10).

Les hommes violents et inflexibles n’obtiennent point une mort naturelle.

Je veux prendre leur exemple pour la base (11) de mes instructions.


NOTES.

(1) Li-si-tchaï : Tant que le Tao était concentré en lui-même, Un n’était pas encore né. Un n’étant pas encore né, comment aurait-il pu y avoir deux ? Deux n’existait pas parce que Un ne s’était pas encore divisé, répandu (dans l’univers pour former les êtres). Dès qu’il y a eu Un (c’est-à-dire dès que le Tao se fut produit au dehors),aussitôt il y a eu deux.


(2) E : Un a produit deux, c’est-à-dire, un s’est divisé en principe in , « femelle, » et en principe yang , « mâle. »


(3) E : Deux a produit trois (c’est-à-dire, deux ont produit un troisième principe) : le principe femelle et le principe mâle se sont unis et ont produit l’harmonie.


(4) Trois, c’est-à-dire ce troisième principe. E : Le souffle d’harmonie s’est condensé et a produit tous les êtres. Voyez note 6.


(5) Plusieurs interprètes expliquent le mot fou par « tourner le dos à, fuir, » et le mot pao par « se tourner vers, chercher. »Suivant E, le mot in désigne ici « le repos, » tsing , et yang , « le mouvement, » .

Tong-sse-tsing rapporte ce passage aux plantes et aux arbres, et rend les mots in et yang par « le froid » et « la chaleur. Les plantes, dit-il, se détournent du froid et se dirigent vers la chaleur,et un souffle vide (un principe vital) circule au dedans d’elles. (Cette application paraît trop restreinte.)


(6) Le mot khi « souffle,  » a en partie l’extension du mot latin anima, qui signifie à la fois « souffle » et « principe vital ; » mais il ne se dit pas, comme anima, de l'âme intelligente de l’homme. »

H : Le mot tchong veut dire « vide, hiu , immatériel. » Ibid. Ce souffle d’harmonie est la racine de tous les êtres ; mais il est vide, mou et faible ; il n’est point de la même espèce que les êtres.


(7) Yen kiun-p’ing : Ce qui est petit, exigu, mou et faible (le Tao),a été l’origine du ciel et de la terre, et la mère de tous les êtres ;mais les hommes détestent la faiblesse, l’exiguïté, l’imperfection ; et cependant les princes et les rois en tirent les noms qu’ils se donnent eux-mêmes. (H) N’est-ce pas parce qu’ils regardent l’humilité, la faiblesse,comme les plus puissants ressorts du monde !


(8) H : Ces noms que se donnent les rois sont des termes d’humilité. Si les princes et les rois ne s’abaissaient pas (littéral. « ne se diminuaient pas », l’empire ne se soumettrait pas à eux. C’est pourquoi les empereurs Yao et Chun occupèrent le trône et le regardèrent comme s’il leur eut été étranger (ils oubliaient leur élévation) ; leurs bienfaits ont eu une étendue sans bornes, et jusqu’aujourd’hui on célèbre leur vertu. Aussi quiconque s’abaisse est élevé par les hommes (littéral. « quiconque se diminue, les hommes l’augmentent » ).

Lia-kie-fou : Ceux qui ont créé, dans l’antiquité, les dénominations humbles par lesquelles les princes devaient se désigner eux-mêmes,les ont empruntées aux conditions que les hommes méprisent généralement. Ils ont voulu par là que, malgré leur noblesse et leur élévation, les rois n’oubliassent pas la condition abjecte et roturière d’où ils sont sortis.

B : Les rois s’appellent ainsi, parce que la diminution est la racine de l' augmentation, parce que, en s'appauvrissant et en s'abaissant extérieurement,on s’enrichit et on s’élève intérieurement.


(9) H : Kie et Tcheou n’ont employé que pour eux seuls les richesses et la puissance de l’empire ; ils ont tyrannisé le peuple et assouvi leurs passions ; ils ne songeaient qu’à eux, sans prendre soin des autres hommes ; aussi, quoiqu’ils occupassent le trône, tout l’empire les abandonna. On voit par là que ceux qui s’élèvent eux-mêmes sont abaissés par les hommes (littér. « de là vient que ceux qui s’augmentent eux-mêmes, les hommes les diminuent » ).


(10) H : Ce que les hommes enseignent, je n’ai jamais manqué de l’enseigner. Mais les hommes ordinaires ne savent pas enseigner les autres. Ils ne songent qu’à augmenter leurs connaissances (les connaissances des autres) ; ils les rendent orgueilleux, arrogants ; et cette présomption les pousse à des actes violents. Ils ignorent que les hommes violents (G : qui cherchent à subjuguer les autres) ne meurent jamais d’une manière naturelle. Mais, moi, j’enseigne aux hommes à diminuer chaque jour leurs désirs, à se maintenir dans l’humilité et la modestie, pour conserver la vertu d’harmonie qui est la base et le soutien de leur vie.

A, B : Les hommes de la multitude enseignent à quitter la faiblesse pour la force, la douceur pour la fermeté ; moi, j’enseigne à quitter la force pour la faiblesse, la fermeté qui résiste pour la douceur qui sait céder aux obstacles.

D’après les interprètes A, B, il semble qu’il devrait y avoir dans le texte : « J'enseigne le contraire de ce qu’enseignent les hommes vulgaires. »

Plusieurs commentateurs ont omis ce passage, à cause de l’impossibilité où ils se trouvaient, sans doute, de faire disparaître la contradiction qu’il présente. Peut-être vaut-il mieux adopter la leçon d’un ancien texte cité dans les variantes de G : 人之所以教我。亦我之所以教人. « Ce que les hommes m’ont enseigné, je l’enseigne à mon tour aux autres hommes. »Mais ce passage aurait des conséquences graves. Il nous autoriserait à faire remonter plus haut que Lao-tseu la doctrine dont on le regarde comme l’auteur. J’ajouterai, à cette occasion, que, depuis les Han, les historiens chinois emploient souvent l’expression Hoang-lao-tchi-yen 黄老之言, « La doctrine de l’empereur Hoang-ti et de Lao-tseu, » pour désigner les principes exposés dans le Tao-te-king. Ils écrivent aussi : hio-Hoang-Lao, sse-Hoang-Lao 學黄老事黄老 « étudier, servir Hoang-ti et Lao-tseu », pour dire :étudier, professer cette même doctrine. Cf. Pien-i-tien, liv. LV, fol. 1 r. et Hio-tong, liv. L. Or on sait que l’empereur Hoang-ti commença à régner l’an 2698 avant J. C. Malheureusement les circonstances de sa vie et de son règne ne sont pas exemptes de cette obscurité qui est inséparable des époques primitives de l’histoire du monde.


(11) E : Kiao-fou 教父 : C'est comme s’il disait : 衆教之先. « La première de toutes (mes) instructions. » ( On voit que E rend fou vulgo « père, » par sien , « ce qui passe avant, »ce qui précède, la chose première. (A : Fou , c’est-à-dire chi , « commencement. » Même sens.) Lao-tseu dit que « Les hommes violents n’obtiennent pas une bonne mort. » Quoique les hommes de son temps professassent cette doctrine, ils n’en saisissaient pas le sens, et ne la regardaient pas comme très-importante. L’auteur la prend pour base de ses instructions, parce qu’il en comprend toute la portée.

H explique le mot fou par mo-to 木鐸 (cf. Morrison,Dict. chin. part. II, n° 10305), « sorte de clochette dont on se servait pour appeler le peuple à venir recevoir l’instruction. » Ici ce mot se prendrait au figuré pour désigner celui qui annonce, qui prêche une doctrine. H : « Je serai le prédicateur de la doctrine. »

Un seul commentateur (G) rend les mots kiao-fou 教父 au sens propre : « Je serai le père de la doctrine. »


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 42

Le Tao engendra UN.
Un engendra Deux.
Deux engendra Trois.
Trois engendra les dix mille êtres
et
tout ce qui est vivant.
Les dix mille êtres
portent l'obscurité
sur leurs épaules
mais serrent
dans leurs bras
la lumière.
Chacun d'eux a été engendré
par ce souffle divin
que l'on nomme harmonie.
Les hommes redoutent
d'être pauvres,
délaissés,
sans valeur
ou sans mérite.
Et pourtant,
les souverains et les princes sages
se nomment eux-mêmes ainsi :
sans valeur,
sans mérite.
C'est pourquoi,
parmi les êtres,
celui qui s'élève
se diminue,
et
celui qui se diminue
s'élève.
Et le violent qui veut s'imposer
par la violence
mourra par la violence.
Ceci est un des fondements
de l'enseignement.
Une des vérités
du Tao.


MA KOU 1984 CHAPITRE 42

La voie engendre le un
Le un engendre le deux
Le deux engendre le trois
Trois engendre la multiplicité des êtres.

La multiplicité des êtres porte (sur le dos) le yin (l’obscur)
Et embrasse (dans ses bras) le yang (le lumineux).
Chaque être est le mélange engendré
Par ces deux forces.

Les êtres humains n’aiment pas
Etre considérés comme solitaires,
Désespérés et sans mérites.
Et pourtant seigneurs et princes
Doivent se référer à ces états naturellement.

Ainsi, une chose diminuée s’en trouve augmentée
Et une chose augmentée s’en trouve diminuée.

J’enseigne ce que d’autres ont enseigné :
La violence n’amène pas une mort naturelle
Que ceci soit mon précepte maître.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 42

Le Tao a produit Un, Un a produit deux, deux a produit trois, trois a produit les dix mille êtres.
Les dix mille êtres fuient le repos et l'obscurité; ils vont vers le mouvement et l'éclat; un souffle immatériel forme l'Harmonie.
Ce que les hommes détestent, c'est d'être seuls, délaissés, incapables; cependant c'est ainsi que les princes et les rois se qualifient eux-mêmes.
C'est pourquoi, parmi les êtres, les uns se diminuent en s'augmentant et les autres s'augmentent en diminuant.
Ce que j'enseigne est la Doctrine traditionnelle: poutre faîtière que la mort n'atteint pas. Je m'applique à agi selon les ères de la Tradition.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 42

Le Principe ayant émis sa vertu une, celle-ci se mit à évoluer selon deux modalités alternantes. Cette évolution produisit (ou condensa) l’air médian (la matière ténue). De la matière ténue, sous l’influence des deux modalités yinn et yang, furent produits tous les êtres sensibles. Sortant du yinn (de la puis­sance), ils passent au yang (à l’acte), par influence des deux modalités sur la matière.
Ce que les hommes n’aiment pas, c’est d’être seuls, uniques, incapables, (l’obscurité et l’abais­sement), et cependant les empereurs et les princes se désignent par ces termes, (humilité qui ne les avilit pas). Les êtres se diminuent en voulant s’aug­menter, et s’augmentent en se diminuant.
En parlant ainsi, je redis l’enseignement tradi­tionnel. Les forts arrogants ne meurent pas de leur belle mort. Je fais de cet axiome le fond de mon en­seignement.
Rien de plus dans les commentaires. Dans A, il n’est pas question de la Trinité. A B, comparez cha­pitre 39 C.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 42

La voie en engendre un,

un en engendre deux,

deux en engendrent trois,

trois engendrent des milliers d'êtres.

Des milliers d'êtres portent le négatif sur le dos,

mais ils embrassent le positif,

qui rince la vitalité pour établir l'harmonie.

Les personnes d'endroits douteux,

ne sont qu'orphelins, peu de chose, non distingués,

mais ils sont rois et dignitaires pour établir les nominations.

Ainsi l'être pourrait subir un tort, pourtant il en bénéficie,

il pourrait en bénéficier, pourtant il fait du tort.

Les personnes d'endroits instruits

me sont également un enseignement:

"Qui est une poutre puissante n'a pas reçu son inflexibilité."

Je la manie pour établir l'instruction des pères.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 42

Un a produit deux ; deux ont produit trois ; trois ont produit

les dix mille êtres.

Les dix mille êtres se détournent de l’élément Yin et embrassent

l’élément Yang.

Le souffle vide en fait un mélange harmonieux.

Ce que les hommes détestent c’est d’être un « orphelin »,

un « délaissé », un « indigent », et pourtant les rois vassaux

se nomment ainsi.

Car les êtres tantôt subissent une augmentation par la

perte, tantôt une perte par l’augmentation.

Ce que d’autres ont enseigné, je l’enseigne aussi ; (mais)

que les hommes violents ne meurent pas d’une mort naturelle,

je serai le père de cette doctrine là.

***

Ce chapitre sous sa forme traditionnelle n’est certainement pas en

ordre. Il commence par les mots : « La Voie a produit un » ; mais le

Houai-nan tseu (2e siècle av. J. C.), citant ce passage, omet ces trois

mots. Je suis persuadé qu’ils n’appartiennent pas au texte. La Voie

n’est pas un principe créateur abstrait, au dessus de tout ce qui existe.

Elle est plutôt elle même le principe d’unité. Sur cette unité, compa

rer le chapitre XXXIX. Cette unité opère par une dualité. La phrase

suivante rend évident que l’auteur vise le dualisme du Yin et du Yang,

mentionné ici pour la première fois. Voir aussi le Livre des Mutations

(Legge, p. 355) : « Une alternance de Yin et Yang s’appelle la Voie. »

Yin est la catégorie sombre, froide, féminine, passive, Yang la catégorie

claire, chaude, masculine, active.

« Trois » indique sans doute « le ciel, la terre et l’homme », dont tous

les autres êtres procèdent.

Toutes choses tournent le dos à l’obscurité et cherchent la lumière

; et pourtant elles sont l’une comme l’autre essentielles pour qu’il

y ait un développement harmonieux. Le décroissement (à savoir le

sombre, Yin) peut conduire à l’augmentation (le clair, Yang). Tch’ong

(21) est ici un mot difficile : on serait tenté de le rendre par « monter

dans les airs » ce qui, avec « souffle, vapeur », donnerait un bon

sens qui est assez usuel et se rencontre dans le Che ki ; pourtant,

vu l’emploi de ce mot dans les chapitres IV et XLV, je m’en tiens à la

signification de « vide ».

Il serait séduisant de reporter l’exemple des titres royaux « orphelin,

délaissé », etc. et la leçon à en tirer : augmentation par la perte, au

chapitre XXXIX où le même exemple est donné. Que ces deux passages

se soient trouvés ensemble à l’origine est en effet très probable

(le texte traditionnel porte ici wang kong (156) « rois et ducs », ce

qui me paraît aussi artificiel que wang heou (157), leçon proposée

par Kao Heng ; je pense que la leçon originale est heou wang (134),

bien que la date de cette expression soit suspecte ; voir XXXVII). Toutefois,

après quelque hésitation, je laisse le texte tel qu’il est, puisque

l’exemple donné ici s’accorde bien avec l’idée du mélange harmonieux

de Yin et Yang. Le premier paragraphe, qui enseigne que la

Voie opère d’une manière dualiste, se trouve également en rapport

logique avec cette idée.

Le dernier paragraphe est obscur. Il me semble que la dernière

phrase doit être interprétée comme je le fais : l’auteur n’a aucune

prétention à l’originalité dans son enseignement, sauf sur un point,

à savoir que la violence conduit à une fin funeste. L’emploi de deux

pronoms différents dans la première personne est curieux, à savoir

wo (158) et wou (159) respectivement dans : « Je l’enseigne aussi

» et « Je serai le père ». Cela me paraît indiquer une corruption du

texte. La phraséologie de la phrase finale est bizarre et le rapport

avec le reste du chapitre me paraît faible. L’explication donnée par

A. Waley, p. 195, bien qu’ingénieuse, ne me satisfait pas. Il traduit : «

Montre¬moi un homme violent qui ait eu une bonne fin et je le prendrai

comme maître. »


diff --git a/inter/55.html b/inter/55.html index 2af3f4b..c8a1671 100644 --- a/inter/55.html +++ b/inter/55.html @@ -300,8 +300,8 @@

- - + +
hán zhī hòu chì fēng chài huī shé shìměng shòu jué niǎo ruò jīn róu ér wèi zhī pìn zhī ér quán zuòjīng zhī zhì zhōng háo ér á zhī zhì zhī yuē chángzhī cháng yuē míng shēng yuē xiángxīn 使shǐ yuē qiáng zhuàng lǎowèi zhī dào dào zǎo
hántenir en bouche chérir contenir#P #W #C #Z
éthique moralité, vertu-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
hòuépais substantiel considérablement#P #W #C #Z
comparer assimiler comparaison; que#P #W #C #Z
dans à, sur interjection hélas !#P #W #C #Z
chìrouge communiste, « rouge » nu#P #W #C #Z
fruit progéniture, enfant, fils graine de; 1ère branche terrestre#P #W #C #Z
fēngabeille guêpe, frelon-#P #W #C #Z
chàiune sorte de scorpion une piqûre dans la queue-#P #W #C #Z
huīgrand serpent venimeux--#P #W #C #Z
shéserpent traître-#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
shìpoison piquer insecte venimeux#P #W #C #Z
měngviolent sauvage, cruel audacieux#P #W #C #Z
shòubête animal bestial#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
occuper prendre possession de une base#P #W #C #Z
juéarracher saisir attraper avec#P #W #C #Z
niǎooiseau volaille, nana, type-#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
saisir jaillir grève#P #W #C #Z
os squelette cadre, charpente#P #W #C #Z
ruòfaible fragile, délicat-#P #W #C #Z
jīnmuscles tendons-#P #W #C #Z
róudoux doux, souple-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
saisir tenir fermement, prendre par la main-#P #W #C #Z
devenir solide se solidifier force#P #W #C #Z
wèipas encore 8ème branche terrestre-#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
pìnfemelle de l'espèce gorge profonde-#P #W #C #Z
mâle d'animaux verrou de porte-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
combiner unir, rejoindre rassembler#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
quánmaintenir conserver entier ou intact-#P #W #C #Z
zuòfaire travail composer, écrire; agir, accomplir#P #W #C #Z
jīngessence sperme esprit#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
zhìatteindre arriver extrêmement, très#P #W #C #Z
aussi particule finale classique d'affirmation ou d'identité forte-#P #W #C #Z
zhōngfin enfin, à la fin-#P #W #C #Z
soleil jour jour#P #W #C #Z
háomarquer signer symbole; nombre#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
ávoix rauque--#P #W #C #Z
harmonie paix paisible, calme#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
zhìatteindre arriver extrêmement, très#P #W #C #Z
aussi particule finale classique d'affirmation ou d'identité forte-#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
harmonie paix paisible, calme#P #W #C #Z
yuēdire prononcer, indiquer, parler, déclarer-#P #W #C #Z
chángconstant fréquent, éternel normal commun, régulier#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
chángconstant fréquent, éternel normal commun, régulier#P #W #C #Z
yuēdire prononcer, indiquer, parler, déclarer-#P #W #C #Z
míngbrillant léger, brillant clair#P #W #C #Z
profit avantage avantage#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
yuēdire prononcer, indiquer, parler, déclarer-#P #W #C #Z
xiángbonne chance bon présage bonheur#P #W #C #Z
xīncœur esprit, intelligence âme#P #W #C #Z
使shǐprovoquer amener, missionner, commander messager, ambassadeur#P #W #C #Z
air gaz, vapeur, vapeur esprit#P #W #C #Z
yuēdire prononcer, indiquer, parler, déclarer-#P #W #C #Z
qiángfort puissant, énergique-#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
zhuànggrand grand robuste; nom de la tribu#P #W #C #Z
règle loi, réglementation  notes#P #W #C #Z
lǎovieux vieilli expérimenté#P #W #C #Z
wèidit appeler, nommer être appelé#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
zǎotôt bientôt matin#P #W #C #Z
déjà alors, après fini arrêt#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 55

Celui qui est en harmonie avec le Tao

est comme un enfant nouveau-né.

Ses os sont mous, ses muscles sont faibles,

mais sa poigne est puissante.

Il ne connaît pas l'union

du mâle et de la femelle,

mais son pénis peut se tenir droit,

tant sa force vitale est intense.

Il peut crier à tue-tête toute la journée,

mais il ne devient jamais enroué,

tant son harmonie est complète.

Le pouvoir du Maître est ainsi fait.

Il laisse toutes choses aller et venir

sans effort, sans désir.

Il n'attend jamais de résultats ;

ainsi, il n'est jamais déçu.

Il n'est jamais déçu ;

ainsi, son esprit ne vieillit jamais.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE LV

Celui qui possède une vertu solide ressemble à un nouveau-né (1) qui ne craint ni la piqûre des animaux venimeux (2), ni les griffes des bêtes féroces  (3), ni les serres des oiseaux de proie (4).

Ses os sont faibles, ses nerfs sont mous, et cependant il saisit fortement les objets.

Il ne connaît pas encore l’union des deux sexes, et cependant certaines parties (de son corps) éprouvent un orgasme viril (5). Cela vient de la perfection du semen.

Il crie tout le jour et sa voix ne s’altère point ; cela vient (6) de la perfection de l’harmonie (de la force vitale).

Connaître l’harmonie s’appelle être constant (7).

Connaître la constance (8) s’appelle être éclairé.

Augmenter sa vie s’appelle une calamité (9). Quand le cœur donne l’impulsion à l’énergie vitale,cela s’appelle être fort (10).

Dès que les êtres sont devenus robustes, ils vieillissent.

C’est ce qu’on appelle ne pas (11) imiter le Tao.

Celui qui n’imite pas le Tao périt de bonne heure.


NOTES.

(1) Liu-kie-fou : Quand l’homme vient de naître, sa vertu est pure et solide. Quand il est devenu grand, il se met en rapport avec les objets extérieurs, au moyen des oreilles et des yeux, il les reçoit au fond de son cœur et s’y attache fortement ; il cherche à augmenter sa vie, c’est-à-dire à vivre avec plus d’intensité. Plus ses désirs s’accroissent,et plus la solidité de sa vertu s’affaiblit. Mais celui qui pratique le Tao retranche les choses qui peuvent augmenter sa vie (c’est-à-dire le faire vivre avec plus d’intensité) ; il renonce aux objets sensibles, il cultive sa nature et revient à sa vertu primitive. Quand sa vertu est devenue parfaite, il ressemble à un nouveau-né.

Sou-tseu-yeou : Un enfant nouveau-né est calme et exempt de désirs ;il n’en est que plus parfait. Si les objets extérieurs se présentent à sa vue, il ne sait pas leur répondre, c’est-à-dire se mettre en rapport avec eux. Le Tao n’a pas de corps (est immatériel) ; les êtres ne sauraient le voir, et, à plus forte raison, ils ne pourraient le blesser. Les hommes arrivent à avoir un corps (c’est-à-dire à sentir qu’ils ont un corps) parce qu’ils ont un cœur. Ayant un cœur, ils ont ensuite des ennemis qui accourent en foule pour les blesser. Dès qu’un homme n’a plus de cœur (s’est dépouillé de son cœur), aucun être ne peut lui résister en ennemi, et, à plus forte raison, lui faire du mal. Pourquoi l’enfant est-il arrivé à ce point (à ne rien redouter) ?C’est uniquement parce qu’il n’a point de cœur (c’est-à-dire parce qu’il n’a point le sentiment de son existence).


(2) G : Par exemple, des scorpions.


(3) G : Par exemple, des tigres et des léopards.


(4) G : Par exemple, des aigles et des faucons.


(5) Sou-tseu-yeou : Si pueri recens nati virilia () absque cupiditate surgunt (), id e seminis redundantia, non cordis ardore oriri patet.


(6) Sou-tseu-yeou : Quand le cœur est ému, la force vitale est lésée. Quand la force vitale est lésée, si l’on crie, la voix devient rauque. Comme un nouveau-né crie tout le jour sans que sa voix s’altère,on reconnaît que son cœur n’éprouve aucune émotion, et que sa force vitale est dans une parfaite harmonie, c’est-à-dire est calme et reposée. Celui qui possède cette harmonie ne se laisse pas troubler (littéral. « blesser » ) intérieurement par les objets extérieurs.


(7) E : Celui qui connaît (cette) harmonie peut subsister constamment 可以長久. C’est pourquoi on l’appelle tch’ang ,« non sujet au changement, immuable. »

Cette même idée se trouve dans le chap. xvi (texte chinois, mots 35-42). Dans le monde, dit E, chap. xvi, il n’y a que les principes de la vie spirituelle qui soient constants. Toutes les autres choses sont sujettes au changement. Celui qui possède le Tao conserve son esprit par le repos ; les grandes vicissitudes de la vie et de la mort ne peuvent le changer, etc.


(8) Le mot constance est pris ici dans le sens d’immutabilité,c’est-à-dire l’état de ce qui n’est point sujet au changement ; je le dérived’une des significations de l’adjectif constant, qui veut dire quelquefois immuable. (Voy. note 7.)

E : Connaître la constance (connaître l’art d’être constant, c’est-à-direde ne pas se laisser changer ou pervertir par les objets extérieurs), c’est connaître le Tao. C’est pourquoi la connaître s’appelle être éclairé.


(9) B : Si l’homme se livre à la cupidité et à l’ambition, s’il (H) contente les désirs de sa bouche et l’intempérance de son ventre pour augmenter sa vie, il s’attire infailliblement des malheurs et finit par succomber à une mort prématurée.


(10) H : Quand le cœur n’est pas calme, il se livre à des mouvements désordonnés et donne l’impulsion à la force vitale. Lorsque (Liu-kie-fou) le cœur donne l’impulsion à la force vitale, l’homme devient fort et violent ; mais la force et la violence le conduisent promptement à la mort. Cf. chap. xlii, pag. 159, lin. 5, et lxxvi.


(11) H : Ceux qui sont mous et faibles comme le Tao subsistent longtemps, et jusqu’à la fin de leur vie ils ne sont jamais exposés à aucun danger. D’un autre côté ceux qui ne songent qu’à augmenter leurs richesses, leurs honneurs, leurs forces physiques, ne tardent pas à perdre leur fortune, leurs dignités, leur santé, et succombent avant le temps.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 55

Celui qui porte en lui la vertu
est comme l'enfant nouveau-né :
innocent.
Les bêtes venimeuses ne le piquent pas,
les fauves l'épargnent,
les oiseaux de proie ne fondent pas sur lui.
Ses os sont faibles,
ses muscles aussi.
Et pourtant,
quelle force ont ses petites mains !
Il ignore l'union de l'homme et de la femme,
et pourtant
sa virilité se manifeste déjà.
Il crie tout le jour
et pourtant sa voie reste claire,
tant est parfaite son harmonie.
Atteindre l'harmonie,
c'est connaître l'éternel.
Connaître l'éternel,
c'est être dans la lumière.
Néfaste est l'abus de la vie
car être fort
c'est dominer son souffle.
Trop d'énergie dépensée nous éloigne duTao.
Dès lors,
la fin est proche.


MA KOU 1984 CHAPITRE 55

Celui qui possède la vertu en abondance
Est pareil à un nouveau-né.
Insectes et reptiles ne le piquent pas
Les fauves féroces ne l’attaquent pas
Les oiseaux rapaces ne fondent pas sur lui.

Ses os sont faibles et ses muscles mous
Mais sa poigne est ferme.
Il ignore l’union du mâle et de la femelle
Mais son membre virile se dresse
Car sa virilité (vitalité) est en sa plénitude.
Il crie toute la journée
Sans s’enrouer
Car ses souffles sont en harmonie.

Connaître l’harmonie, voilà le constant.
Connaître le constant, voilà l’éveil.

Une vitalité naturelle qui se rend excessive (qui déborde, se déséquilibre)
Devient néfaste.
Un esprit qui domine les souffles (contrôle la respiration)
Crée la force.

La puissance fait vieillir
Et quitter la voie.
Quitter la voie
C’est mourir prématurément.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 55

Celui qui recèle en lui la grandeur de la Vertu ressemble au nouveau-né que les bêtes venimeuses ne piquent pas, que les fauves ne déchirent pas, que les oiseaux de proie n'enlèvent pas.
Ses os sont faibles, ses tendons mous; cependant il saisit avec force. Bien qu'il ignore l'union des sexes, il manifeste un orgasme viril, tant est parfaite l'âme vitale. Il crie tout le jour sans être enroué, tant est parfaite l'harmonie.
Connaître l'Harmonie, c'est connaître l'éternel; connaître l'éternel, c'est être illuminé.
Vivre intensément ne rend pas heureux. L'action du coeur sur l'âme vitale rend fort; mais les êtres forts vieillissent. C'est l'opposé du Tao, et ce qui est opposé au Tao dépérit.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 55

Celui qui contient en lui la Vertu parfaite (sans luxure et sans colère), est comme le tout petit en­fant, que le scorpion ne pique pas, que le tigre ne dévore pas, que le vautour n’enlève pas, que tout respecte.
Les os de l’enfant sont faibles, ses tendons sont débiles, mais il saisit fortement les objets (comme son âme et son corps se tiennent avec force). Il n’a encore aucune idée de l’acte de la génération, et conserve par suite sa vertu séminale complète. Il vagit doucement tout le long du jour, sans que sa gorge s’enroue, tant sa paix est parfaite.
La paix fait durer ; qui comprend cela, est éclai­ré. Tandis que tout orgasme, surtout la luxure et la colère, usent, De là vient que, à la virilité (dont l’homme abuse) succède la décrépitude.. La vie in­tense est contraire au Principe, et par suite mortelle prématurément.
Ce chapitre condamne la luxure et la colère, comme étant ce qui use le plus la vie.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 55

Il garde en bouche l'épaisseur de sa vertu.

Compare cela avec les roses rejetons:

les serpents venimeux ne piquent pas,

les bêtes féroces ne capturent rien,

les rapaces n'attrapent rien.

Les os sont fragiles, les muscles sont souples,

mais ils tiennent ferme.

Ils ne connaissent pas encore l'union du mâle et de la femelle,

mais ils les réduisent.

Ils parviennent également à leur essence.

Enfin, on dit qu'ils crient sans s'enrouer,

ils parviennent également à leur harmonie.

Connaître l'harmonie, on dit que c'est permanent.

Connaître la constance, on dit que c'est brillant.

Faire des progrès, on dit que c'est par chance.

L'esprit qui commande la vitalité, on dit que c'est fort.

L'être est gros, les règles sont vieilles,

cela ne s'appelle pas la voie.

Ce n'est pas la voie, qui finit un matin.¹

1. voir chapitre 30

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 55

La plénitude de celui qui est imbu de la Vertu ressemble à celle d’un

nourrisson. Les insectes venimeux ne le piquent pas, les animaux

sauvages ne le griffent pas, les oiseaux de proie ne le saisissent pas.

Quoique ses os soient faibles et ses muscles mous, il serre fortement.

Quoiqu’il ne sache rien encore de l’union du mâle et de la femelle, son

membre se dresse. Cela vient du développement complet de l’essence

fine (en lui). Quoiqu’il crie toute la journée, il ne s’enroue pas. Cela

vient du développement complet de l’harmonie naturelle (en lui).

Connaître l’harmonie naturelle s’appelle être constant.

Connaître la constance s’appelle être illuminé.

Augmenter la vie s’appelle néfaste.

Si le coeur contrôle le souffle vital, c’est ce qui s’appelle : être raide.

Quand les êtres ont atteint leur maturité, ils vieillissent.

(Un tel contrôle) est contre la Voie. Ce qui est contre la Voie périt

bientôt.

***

Dans le nourrisson se trouve le plus grand potentiel de Vertu ; voir

aussi les chapitres X et XXVIII. Pour « Les insectes venimeux », je suis

la leçon de Ho chang kong ; Wang Pi lit : « Les guêpes, les scorpions et

les serpents ». Pour « membre viril » (183), leçon de Ho chang kong,

le texte traditionnel donne par pudeur un caractère de son semblable

(184) signifiant « complet », qui obscurcit complètement le vrai sens.

« L’essence fine » est aussi le sperme. Que l’on compare avec ce passage

Tchouang tseu XXIII, 3, cité plus haut dans les notes sur le chapitre

X.

Les définitions qui commencent par : « Connaître l’harmonie », etc.,

font l’impression d’être intercalées ici parce que le mot harmonie est

employé dans la phrase précédente. Le rapport avec le reste du chapitre

est lâche. Comparer les définitions analogues su chapitre LII.

Siang (185), que je traduis par « néfaste » est un présage. Il est habituellement

employé dans un sens favorable qui n’est pas possible ici.

Il existe quelques autres exemples de ce mot employé dans un sens

défavorable, cités par A. Waley dans The Way and its Power, p. 209.

« Être raide » (186) est une correction par changement de la clé du

caractère signifiant « être fort » (187), qui ne s’explique pas ici.

Le dernier paragraphe : « Quand les êtres... » se trouve aussi au

chapitre XXX, où je l’ai omis. Puisqu’il est impossible de faire dire à

l’auteur que « croître et mourir » est contre la Voie, je pense que le

sujet logique de cette dernière proposition est la phrase précédente.

Il condamne le contrôle du souffle vital par le « coeur », c’est à dire

par l’intelligence ; le résultat en serait la raideur, pour laquelle il faut

comparer LXXVI.

hántenir en bouche chérir contenir#P #W #C #Z
éthique moralité, vertu-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
hòuépais substantiel considérablement#P #W #C #Z
comparer assimiler comparaison; que#P #W #C #Z
dans à, sur interjection hélas !#P #W #C #Z
chìrouge communiste, « rouge » nu#P #W #C #Z
fruit progéniture, enfant, fils graine de; 1ère branche terrestre#P #W #C #Z
fēngabeille guêpe, frelon-#P #W #C #Z
chàiune sorte de scorpion une piqûre dans la queue-#P #W #C #Z
huīgrand serpent venimeux--#P #W #C #Z
shéserpent traître-#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
shìpoison piquer insecte venimeux#P #W #C #Z
měngviolent sauvage, cruel audacieux#P #W #C #Z
shòubête animal bestial#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
occuper prendre possession de une base#P #W #C #Z
juéarracher saisir attraper avec#P #W #C #Z
niǎooiseau volaille, nana, type-#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
saisir jaillir grève#P #W #C #Z
os squelette cadre, charpente#P #W #C #Z
ruòfaible fragile, délicat-#P #W #C #Z
jīnmuscles tendons-#P #W #C #Z
róudoux doux, souple-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
saisir tenir fermement, prendre par la main-#P #W #C #Z
devenir solide se solidifier force#P #W #C #Z
wèipas encore 8ème branche terrestre-#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
pìnfemelle de l'espèce gorge profonde-#P #W #C #Z
mâle d'animaux verrou de porte-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
combiner unir, rejoindre rassembler#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
quánmaintenir conserver entier ou intact-#P #W #C #Z
zuòfaire travail composer, écrire; agir, accomplir#P #W #C #Z
jīngessence sperme esprit#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
zhìatteindre arriver extrêmement, très#P #W #C #Z
aussi particule finale classique d'affirmation ou d'identité forte-#P #W #C #Z
zhōngfin enfin, à la fin-#P #W #C #Z
soleil jour jour#P #W #C #Z
háomarquer signer symbole; nombre#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
ávoix rauque--#P #W #C #Z
paisible paix, tempérer, calmer harmoniser#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
zhìatteindre arriver extrêmement, très#P #W #C #Z
aussi particule finale classique d'affirmation ou d'identité forte-#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
paisible paix, tempérer, calmer harmoniser#P #W #C #Z
yuēdire prononcer, indiquer, parler, déclarer-#P #W #C #Z
chángconstant fréquent, éternel normal commun, régulier#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
chángconstant fréquent, éternel normal commun, régulier#P #W #C #Z
yuēdire prononcer, indiquer, parler, déclarer-#P #W #C #Z
míngbrillant léger, brillant clair#P #W #C #Z
profit avantage avantage#P #W #C #Z
shēngla vie la vie, la vie naissance#P #W #C #Z
yuēdire prononcer, indiquer, parler, déclarer-#P #W #C #Z
xiángbonne chance bon présage bonheur#P #W #C #Z
xīncœur esprit, intelligence âme#P #W #C #Z
使shǐprovoquer amener, missionner, commander messager, ambassadeur#P #W #C #Z
air gaz, vapeur, vapeur esprit#P #W #C #Z
yuēdire prononcer, indiquer, parler, déclarer-#P #W #C #Z
qiángfort puissant, énergique-#P #W #C #Z
chose substance, créature-#P #W #C #Z
zhuànggrand grand robuste; nom de la tribu#P #W #C #Z
règle loi, réglementation  notes#P #W #C #Z
lǎovieux vieilli expérimenté#P #W #C #Z
wèidit appeler, nommer être appelé#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
zǎotôt bientôt matin#P #W #C #Z
déjà alors, après fini arrêt#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 55

Celui qui est en harmonie avec le Tao

est comme un enfant nouveau-né.

Ses os sont mous, ses muscles sont faibles,

mais sa poigne est puissante.

Il ne connaît pas l'union

du mâle et de la femelle,

mais son pénis peut se tenir droit,

tant sa force vitale est intense.

Il peut crier à tue-tête toute la journée,

mais il ne devient jamais enroué,

tant son harmonie est complète.

Le pouvoir du Maître est ainsi fait.

Il laisse toutes choses aller et venir

sans effort, sans désir.

Il n'attend jamais de résultats ;

ainsi, il n'est jamais déçu.

Il n'est jamais déçu ;

ainsi, son esprit ne vieillit jamais.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE LV

Celui qui possède une vertu solide ressemble à un nouveau-né (1) qui ne craint ni la piqûre des animaux venimeux (2), ni les griffes des bêtes féroces  (3), ni les serres des oiseaux de proie (4).

Ses os sont faibles, ses nerfs sont mous, et cependant il saisit fortement les objets.

Il ne connaît pas encore l’union des deux sexes, et cependant certaines parties (de son corps) éprouvent un orgasme viril (5). Cela vient de la perfection du semen.

Il crie tout le jour et sa voix ne s’altère point ; cela vient (6) de la perfection de l’harmonie (de la force vitale).

Connaître l’harmonie s’appelle être constant (7).

Connaître la constance (8) s’appelle être éclairé.

Augmenter sa vie s’appelle une calamité (9). Quand le cœur donne l’impulsion à l’énergie vitale,cela s’appelle être fort (10).

Dès que les êtres sont devenus robustes, ils vieillissent.

C’est ce qu’on appelle ne pas (11) imiter le Tao.

Celui qui n’imite pas le Tao périt de bonne heure.


NOTES.

(1) Liu-kie-fou : Quand l’homme vient de naître, sa vertu est pure et solide. Quand il est devenu grand, il se met en rapport avec les objets extérieurs, au moyen des oreilles et des yeux, il les reçoit au fond de son cœur et s’y attache fortement ; il cherche à augmenter sa vie, c’est-à-dire à vivre avec plus d’intensité. Plus ses désirs s’accroissent,et plus la solidité de sa vertu s’affaiblit. Mais celui qui pratique le Tao retranche les choses qui peuvent augmenter sa vie (c’est-à-dire le faire vivre avec plus d’intensité) ; il renonce aux objets sensibles, il cultive sa nature et revient à sa vertu primitive. Quand sa vertu est devenue parfaite, il ressemble à un nouveau-né.

Sou-tseu-yeou : Un enfant nouveau-né est calme et exempt de désirs ;il n’en est que plus parfait. Si les objets extérieurs se présentent à sa vue, il ne sait pas leur répondre, c’est-à-dire se mettre en rapport avec eux. Le Tao n’a pas de corps (est immatériel) ; les êtres ne sauraient le voir, et, à plus forte raison, ils ne pourraient le blesser. Les hommes arrivent à avoir un corps (c’est-à-dire à sentir qu’ils ont un corps) parce qu’ils ont un cœur. Ayant un cœur, ils ont ensuite des ennemis qui accourent en foule pour les blesser. Dès qu’un homme n’a plus de cœur (s’est dépouillé de son cœur), aucun être ne peut lui résister en ennemi, et, à plus forte raison, lui faire du mal. Pourquoi l’enfant est-il arrivé à ce point (à ne rien redouter) ?C’est uniquement parce qu’il n’a point de cœur (c’est-à-dire parce qu’il n’a point le sentiment de son existence).


(2) G : Par exemple, des scorpions.


(3) G : Par exemple, des tigres et des léopards.


(4) G : Par exemple, des aigles et des faucons.


(5) Sou-tseu-yeou : Si pueri recens nati virilia () absque cupiditate surgunt (), id e seminis redundantia, non cordis ardore oriri patet.


(6) Sou-tseu-yeou : Quand le cœur est ému, la force vitale est lésée. Quand la force vitale est lésée, si l’on crie, la voix devient rauque. Comme un nouveau-né crie tout le jour sans que sa voix s’altère,on reconnaît que son cœur n’éprouve aucune émotion, et que sa force vitale est dans une parfaite harmonie, c’est-à-dire est calme et reposée. Celui qui possède cette harmonie ne se laisse pas troubler (littéral. « blesser » ) intérieurement par les objets extérieurs.


(7) E : Celui qui connaît (cette) harmonie peut subsister constamment 可以長久. C’est pourquoi on l’appelle tch’ang ,« non sujet au changement, immuable. »

Cette même idée se trouve dans le chap. xvi (texte chinois, mots 35-42). Dans le monde, dit E, chap. xvi, il n’y a que les principes de la vie spirituelle qui soient constants. Toutes les autres choses sont sujettes au changement. Celui qui possède le Tao conserve son esprit par le repos ; les grandes vicissitudes de la vie et de la mort ne peuvent le changer, etc.


(8) Le mot constance est pris ici dans le sens d’immutabilité,c’est-à-dire l’état de ce qui n’est point sujet au changement ; je le dérived’une des significations de l’adjectif constant, qui veut dire quelquefois immuable. (Voy. note 7.)

E : Connaître la constance (connaître l’art d’être constant, c’est-à-direde ne pas se laisser changer ou pervertir par les objets extérieurs), c’est connaître le Tao. C’est pourquoi la connaître s’appelle être éclairé.


(9) B : Si l’homme se livre à la cupidité et à l’ambition, s’il (H) contente les désirs de sa bouche et l’intempérance de son ventre pour augmenter sa vie, il s’attire infailliblement des malheurs et finit par succomber à une mort prématurée.


(10) H : Quand le cœur n’est pas calme, il se livre à des mouvements désordonnés et donne l’impulsion à la force vitale. Lorsque (Liu-kie-fou) le cœur donne l’impulsion à la force vitale, l’homme devient fort et violent ; mais la force et la violence le conduisent promptement à la mort. Cf. chap. xlii, pag. 159, lin. 5, et lxxvi.


(11) H : Ceux qui sont mous et faibles comme le Tao subsistent longtemps, et jusqu’à la fin de leur vie ils ne sont jamais exposés à aucun danger. D’un autre côté ceux qui ne songent qu’à augmenter leurs richesses, leurs honneurs, leurs forces physiques, ne tardent pas à perdre leur fortune, leurs dignités, leur santé, et succombent avant le temps.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 55

Celui qui porte en lui la vertu
est comme l'enfant nouveau-né :
innocent.
Les bêtes venimeuses ne le piquent pas,
les fauves l'épargnent,
les oiseaux de proie ne fondent pas sur lui.
Ses os sont faibles,
ses muscles aussi.
Et pourtant,
quelle force ont ses petites mains !
Il ignore l'union de l'homme et de la femme,
et pourtant
sa virilité se manifeste déjà.
Il crie tout le jour
et pourtant sa voie reste claire,
tant est parfaite son harmonie.
Atteindre l'harmonie,
c'est connaître l'éternel.
Connaître l'éternel,
c'est être dans la lumière.
Néfaste est l'abus de la vie
car être fort
c'est dominer son souffle.
Trop d'énergie dépensée nous éloigne duTao.
Dès lors,
la fin est proche.


MA KOU 1984 CHAPITRE 55

Celui qui possède la vertu en abondance
Est pareil à un nouveau-né.
Insectes et reptiles ne le piquent pas
Les fauves féroces ne l’attaquent pas
Les oiseaux rapaces ne fondent pas sur lui.

Ses os sont faibles et ses muscles mous
Mais sa poigne est ferme.
Il ignore l’union du mâle et de la femelle
Mais son membre virile se dresse
Car sa virilité (vitalité) est en sa plénitude.
Il crie toute la journée
Sans s’enrouer
Car ses souffles sont en harmonie.

Connaître l’harmonie, voilà le constant.
Connaître le constant, voilà l’éveil.

Une vitalité naturelle qui se rend excessive (qui déborde, se déséquilibre)
Devient néfaste.
Un esprit qui domine les souffles (contrôle la respiration)
Crée la force.

La puissance fait vieillir
Et quitter la voie.
Quitter la voie
C’est mourir prématurément.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 55

Celui qui recèle en lui la grandeur de la Vertu ressemble au nouveau-né que les bêtes venimeuses ne piquent pas, que les fauves ne déchirent pas, que les oiseaux de proie n'enlèvent pas.
Ses os sont faibles, ses tendons mous; cependant il saisit avec force. Bien qu'il ignore l'union des sexes, il manifeste un orgasme viril, tant est parfaite l'âme vitale. Il crie tout le jour sans être enroué, tant est parfaite l'harmonie.
Connaître l'Harmonie, c'est connaître l'éternel; connaître l'éternel, c'est être illuminé.
Vivre intensément ne rend pas heureux. L'action du coeur sur l'âme vitale rend fort; mais les êtres forts vieillissent. C'est l'opposé du Tao, et ce qui est opposé au Tao dépérit.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 55

Celui qui contient en lui la Vertu parfaite (sans luxure et sans colère), est comme le tout petit en­fant, que le scorpion ne pique pas, que le tigre ne dévore pas, que le vautour n’enlève pas, que tout respecte.
Les os de l’enfant sont faibles, ses tendons sont débiles, mais il saisit fortement les objets (comme son âme et son corps se tiennent avec force). Il n’a encore aucune idée de l’acte de la génération, et conserve par suite sa vertu séminale complète. Il vagit doucement tout le long du jour, sans que sa gorge s’enroue, tant sa paix est parfaite.
La paix fait durer ; qui comprend cela, est éclai­ré. Tandis que tout orgasme, surtout la luxure et la colère, usent, De là vient que, à la virilité (dont l’homme abuse) succède la décrépitude.. La vie in­tense est contraire au Principe, et par suite mortelle prématurément.
Ce chapitre condamne la luxure et la colère, comme étant ce qui use le plus la vie.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 55

Il garde en bouche l'épaisseur de sa vertu.

Compare cela avec les roses rejetons:

les serpents venimeux ne piquent pas,

les bêtes féroces ne capturent rien,

les rapaces n'attrapent rien.

Les os sont fragiles, les muscles sont souples,

mais ils tiennent ferme.

Ils ne connaissent pas encore l'union du mâle et de la femelle,

mais ils les réduisent.

Ils parviennent également à leur essence.

Enfin, on dit qu'ils crient sans s'enrouer,

ils parviennent également à leur harmonie.

Connaître l'harmonie, on dit que c'est permanent.

Connaître la constance, on dit que c'est brillant.

Faire des progrès, on dit que c'est par chance.

L'esprit qui commande la vitalité, on dit que c'est fort.

L'être est gros, les règles sont vieilles,

cela ne s'appelle pas la voie.

Ce n'est pas la voie, qui finit un matin.¹

1. voir chapitre 30

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 55

La plénitude de celui qui est imbu de la Vertu ressemble à celle d’un

nourrisson. Les insectes venimeux ne le piquent pas, les animaux

sauvages ne le griffent pas, les oiseaux de proie ne le saisissent pas.

Quoique ses os soient faibles et ses muscles mous, il serre fortement.

Quoiqu’il ne sache rien encore de l’union du mâle et de la femelle, son

membre se dresse. Cela vient du développement complet de l’essence

fine (en lui). Quoiqu’il crie toute la journée, il ne s’enroue pas. Cela

vient du développement complet de l’harmonie naturelle (en lui).

Connaître l’harmonie naturelle s’appelle être constant.

Connaître la constance s’appelle être illuminé.

Augmenter la vie s’appelle néfaste.

Si le coeur contrôle le souffle vital, c’est ce qui s’appelle : être raide.

Quand les êtres ont atteint leur maturité, ils vieillissent.

(Un tel contrôle) est contre la Voie. Ce qui est contre la Voie périt

bientôt.

***

Dans le nourrisson se trouve le plus grand potentiel de Vertu ; voir

aussi les chapitres X et XXVIII. Pour « Les insectes venimeux », je suis

la leçon de Ho chang kong ; Wang Pi lit : « Les guêpes, les scorpions et

les serpents ». Pour « membre viril » (183), leçon de Ho chang kong,

le texte traditionnel donne par pudeur un caractère de son semblable

(184) signifiant « complet », qui obscurcit complètement le vrai sens.

« L’essence fine » est aussi le sperme. Que l’on compare avec ce passage

Tchouang tseu XXIII, 3, cité plus haut dans les notes sur le chapitre

X.

Les définitions qui commencent par : « Connaître l’harmonie », etc.,

font l’impression d’être intercalées ici parce que le mot harmonie est

employé dans la phrase précédente. Le rapport avec le reste du chapitre

est lâche. Comparer les définitions analogues su chapitre LII.

Siang (185), que je traduis par « néfaste » est un présage. Il est habituellement

employé dans un sens favorable qui n’est pas possible ici.

Il existe quelques autres exemples de ce mot employé dans un sens

défavorable, cités par A. Waley dans The Way and its Power, p. 209.

« Être raide » (186) est une correction par changement de la clé du

caractère signifiant « être fort » (187), qui ne s’explique pas ici.

Le dernier paragraphe : « Quand les êtres... » se trouve aussi au

chapitre XXX, où je l’ai omis. Puisqu’il est impossible de faire dire à

l’auteur que « croître et mourir » est contre la Voie, je pense que le

sujet logique de cette dernière proposition est la phrase précédente.

Il condamne le contrôle du souffle vital par le « coeur », c’est à dire

par l’intelligence ; le résultat en serait la raideur, pour laquelle il faut

comparer LXXVI.


diff --git a/inter/56.html b/inter/56.html index bc00931..1955bad 100644 --- a/inter/56.html +++ b/inter/56.html @@ -300,8 +300,8 @@

- - + +
zhī zhě yányán zhě zhī duì méncuò ruìjiě fēn guāngtóng chénshì wèi xuán tóng ér qīn ér shū ér ér hài ér guì ér jiàn wéi tiān xià guì
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
zhěce qui celui qui ceux qui#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yánparole mot parler, dire#P #W #C #Z
yánparole mot parler, dire#P #W #C #Z
zhěce qui celui qui ceux qui#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
boucher bloquer, sceller, boucher passage, frontière; forteresse#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
duìespèces échange-#P #W #C #Z
fermer fermer obstruer, bloquer#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
ménporte portail entrée, ouverture#P #W #C #Z
cuòabaisser abattre moudre#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
ruìaigu vif, aigu, pointu-#P #W #C #Z
jiědesserrer détacher, détacher expliquer#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
fēndiviser petite unité de temps, etc.-#P #W #C #Z
harmonie paix paisible, calme#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
guāngléger brillant, brillant seulement#P #W #C #Z
tóngpareil similaire avec#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
chénpoussière saleté, cendres, cendres-#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
wèidit appeler, nommer être appelé#P #W #C #Z
xuánprofond profond, abstrus-#P #W #C #Z
tóngpareil similaire avec#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
qīnproches parents intime#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
shūnégligence insouciant, laxiste-#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
gains avantage, profit, mérite-#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
hàiblesser nuire détruire, tuer#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
guìcher chérir coûteux, précieux#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
jiànmoyen faible bon marché, sans valeur#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
tiānciel paradis dieu, céleste#P #W #C #Z
xiàdessous dessous, dessous vers le bas; inférieur; faire baisser#P #W #C #Z
guìcher chérir coûteux, précieux#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 56

Ceux qui savent ne parlent pas.

Ceux qui parlent ne savent pas.

Fermez la bouche,

bloquez vos sens,

émoussez votre acuité,

dénouez vos nœuds,

adoucissez votre éclat,

déposez votre poussière.

Telle est l'identité originelle.

Soyez comme le Tao.

On ne peut ni l'approcher ni s'en écarter, ni en tirer

profit ni lui nuire,

ni l'honorer ni le déshonorer.

Il s'abandonne continuellement.

C'est pourquoi il perdure.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE LVI

L’homme qui (1) connaît (le Tao) ne parle pas ; celui qui parle ne le connaît pas.

Il clot sa bouche (2), il ferme ses oreilles et ses yeux (3),il émousse son activité (4), il se dégage (5) de tous liens, il tempère (6) sa lumière (intérieure), il s’assimile (7) au vulgaire. On peut dire qu’il ressemble (8) au Tao.

Il est inaccessible (9) à la faveur comme à la disgrâce,au profit comme au détriment, aux honneurs comme à l’ignominie.

C’est pourquoi il est l’homme le plus honorable de l’univers.


NOTES.

(1) E : Le Tao est caché ; il n’a pas de nom. Ceux qui le connaissent le méditent en silence. Mais ceux qui cherchent à briller par l’éclat et l’élégance de la parole sont des hommes qui ne connaissent pas le Tao.


(2) Ces six phrases se trouvent dans le chap. iv. Cf. ibid. not. 3.

H : Le mot touï désigne ici « la bouche. » Le Saint se conserve dans le calme et dans le silence. Il réprime l’intempérance de sa langue. B : Il n’ose parler. Cf. chap. lii, not. 4.


(3) H : Le mot men, , « portes, » désigne ici « les oreilles et les yeux. » Il ne fait aucune attention aux choses qui peuvent flatter ses oreilles et ses yeux. C : Il concentre intérieurement sa faculté de voir et d’entendre. Cf. chap. lii, not. 5.


(4) Ce passage a reçu plusieurs interprétations. H (au chap. iv) explique les mots thso-khi-jouï 挫其銳 par : « il réprime la fougue de son caractère. » A : Si ses passions veulent montrer de l’activité,il pense au Tao et les réprime par le non-agir. E, ibidem, explique ces trois mots par : « il fait usage de la souplesse et de la faiblesse, » c’est-à-dire, il plie au lieu de résister, il paraît faible au lieu de vouloir déployer la force et la violence qui entraînent l’homme à sa perte. Cf. chap. lv, not. 10.

J’avais traduit (pag. 16) : « il émousse sa subtilité, » et cette interprétation est conforme à celle que donne ici H : S’il rencontre une chose confuse, il ne laisse pas voir sa pointe, c’est-à-dire la finesse de son esprit (il n’emploie point la finesse de son esprit pour la pénétrer). La première interprétation de H (au chap. iv) me paraît aujourd’hui préférable.


(5) Dans le chapitre iv, j’ai traduit, d’après E : « Il se dégage de tous liens, » c’est-à-dire, des liens du siècle. Aliter H. Cet interprète explique (chap. iv) le mot fen par « la confusion (fen) des opinions favorables ou contraires. » Chacun, dit-il, tient à l’approbation ou au blâme qu’il a une fois exprimés ; dans le conflit des opinions populaires, personne ne peut dissiper les doutes pour établir la vérité. Mais celui qui possède le Tao peut seul y réussir sans parler. Dans ce passage-ci (chap. lvi), H explique fen « vulgo confus, » par « les pensées confuses, » c’est-à-dire les pensées qui jettent son âme dans la confusion. Son cœur et son corps sont dans une quiétude parfaite ; il se dégage de toutes pensées.


(6) E (chap. iv) : Il jette de l’éclat, mais il n’éblouit personne.


(7) H : Il s’est élevé à la sublimité du Tao, il a pris son essor au-dessus du siècle (littéral, de la poussière), et cependant (E chap. iv),à le juger extérieurement, il n’a rien qui le distingue des autres êtres.


(8) Sou-tseu-yeou explique les mots hiouen-thong 玄同 par in-tao-thong與道同, « il est semblable au Tao. » Aliter E : Les mots hiouen-thong 玄同 (littéral. « profond et semblable, » ) signifient :« Il est grandement semblable aux êtres ; mais il est tellement profond qu’on ne peut le connaître. » 大同於物。深不可識也


(9) Sou-tseu-yeou : Celui qu’un prince peut honorer de sa faveur (littéral, « rapprocher de lui ») peut aussi être disgracié (littéral. « éloigné, écarté » ). Si l’on peut procurer du profit à quelqu’un, on peut aussi lui causer du dommage ; si l’on peut lui accorder des honneurs, on peut aussi le dégrader. Mais le sage qui s’est identifié avec le Tao met au même niveau toutes les choses du monde ; il ne fait attention ni à la faveur ni à la disgrâce, il regarde du même œil le bonheur et l’adversité, le profit et le détriment. Il ne connaît ni la gloire, ni l’ignominie, et, pour lui, il n’existe ni noblesse, ni roture,ni élévation ni abaissement.

E : Comme il a peu de désirs et peu d’intérêts privés, on ne peut lui procurer du profit ; comme il possède la plénitude de la vertu (voyez chap. lv), on ne peut lui faire du mal ; comme il ne désire ni la faveur des princes ni la gloire, on ne peut lui accorder des honneurs ;comme il ne dédaigne pas une condition basse et abjecte, il est impossible de l’avilir. C’est là le caractère d’une vertu parfaite ;c’est pourquoi il est l’homme le plus honorable du monde.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 56

Celui qui sait ne parle pas.
Celui qui parle ne sait pas.
Garder sa bouche close.
Modérer ses sens.
Tempérer ses ardeurs.
Ramener chaque chose à sa valeur.
Voiler l'éclat dont on rayonne.
Etre conscient de son union profonde avec la nature,
c'est atteindre la parfaite harmonie.
Dès lors,
le Sage n'est plus affecté
par l'amitié ou l'inimitié,
par le bien ou par le mal,
par les honneurs ou la disgrâce.
Il est parvenu au degré suprême.
Par la voie.


MA KOU 1984 CHAPITRE 56

Celui qui sait ne parle pas.
Celui qui parle ne sait pas.

Clore les ouvertures
Fermer les portes
Emousser le tranchant
Dénouer les nœuds
Adoucir la lumière
Unifier les chemins

Ceci est la mystérieuse identité.

On ne peut s’approcher du tao
Ni s’en éloigner
On ne peut en tirer bénéfice
Ni lui porter préjudice
On ne peut l’ennoblir
Ni le diminuer

Ainsi est-il tenu en honneur.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 56

Celui qui sait ne parle pas; celui qui parle ne sait pas.
Clore sa bouche, fermer ses portes, tempérer son ardeur, se dégager de ses liens, harmoniser sa lumière, s'assimiler à son milieu, cela s'appelle la mystérieuse union.
On ne peut l'obtenir et avoir des affections; on ne peut l'obtenir et faire
des différences; on ne peut l'obtenir et réaliser des profits; on ne peut l'obtenir et léser autrui; on ne peut l'obtenir et apprécier ceci, déprécier cela.
C'est pourquoi elle est ce qu'il y a de plus précieux au monde.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 56

Celui qui parle (beaucoup, montre par là qu’il) ne connaît pas (le Principe).
Celui qui connaît (le Principe), ne parle pas. Il tient sa bouche close, il retient sa respiration, il émousse son activité, il se délivre de toute compli­cation, il tempère sa lumière, il se confond avec le vulgaire. Voilà la mystérieuse union (au Principe).
Un pareil homme, personne ne peut se l’attacher (par des faveurs), ni le rebuter (par de mauvais traitements). Il est insensible au gain et à la perte, à l’exaltation comme à l’humiliation. Etant tel, il est ce qu’il y a de plus noble au monde.
Supérieur à tout ce qui paraît, il converse avec l’auteur des êtres, le Principe. Tchang-houngyang.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 56

Celui qui sait ne parle pas,

celui qui parle ne sait pas.

Bloquer ses échanges,

fermer sa porte,

briser son tranchant,

délier sa confusion,

adoucie sa lumière,

uni à sa poussière,

on dit justement que c'est l'union profonde.

Ainsi, on ne peut obtenir ce qui est parent,

on ne peut obtenir ce qui est éloigné,

on ne peut obtenir ce qui est profitable,

on ne peut obtenir ce qui est nuisible,

on ne peut obtenir ce qui est coûteux,

on ne peut obtenir ce qui est bon marché.

Ainsi, agir sous le ciel est coûteux.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 56

Il bouche les entrées, il ferme les portes.

« Elle (il) émousse ce qui est aigu, elle (il) débrouille ce qui est emmêlé,

elle (il) tamise ce qui est lumineux, elle (il) égalise ses traces. C’est

ce qu’on appelle : l’Égalité mystérieuse.

Car on ne peut en être proche ni en être loin ; on ne peut en tirer profit

ni en souffrir du tort ; on ne peut y gagner d’honneur ni y trouver

d’ignominie.

C’est pour cela qu’elle (il) est en si haute estime dans le monde. »

***

Ce chapitre présente plusieurs problèmes. De qui est il question ? Généralement

on rapporte tout ce qui est dit dans ce chapitre au Saint.

Dans le texte traditionnel, ce chapitre commence en effet par deux

lignes que j’ai transportées (avec Ma Siu louen) au chapitre LXXXI : «

Celui qui sait ne parle pas ; celui qui parle ne sait pas ». Puis suivent

les mots : « Boucher les (ou ses) entrées, fermer les (ou ses) portes

», qui sont une reprise de LII. Ce qui suit, depuis « Elle (il) émousse »

jusqu’à « traces », est une répétition des mêmes phrases au chapitre

IV ; puisqu’originellement ces phrases n’avaient pas de commentaire

au chapitre IV et en avaient un dans ce chapitre, je crois que leur

place est ici, et je les ai donc omises au chapitre IV.

Il me semble que ces phrases se rapportent le plus naturellement à la

Voie (c’est le cas, d’ailleurs, dans IV) ; tout le reste du chapitre donne

aussi un très bon sens si on le rapporte à la Voie. La fin, disant que la

Voie est la chose la plus estimée dans le monde (répétée dans LXII),

rattache la pensée au chapitre LI.

Le plus simple serait alors d’omettre non seulement la phrase : Celui

qui sait... » mais aussi la suivante : « Il bouche les entrées », etc. Mais

il y a une objection sérieuse. Les mots « parle » yen (5), « entrées »,

t’ouei (178) et « portes » men (188) riment avec « aigu » jouei (189),

« emmêlé » fen (190) et « traces » tch’en (191). Pour la phrase se terminant

par « parle » yen (5), cette objection n’est pas définitive, car

dans LXXXI le mot yen rime aussi. Elle semble tout à fait appartenir au

contexte du chapitre LXXXI ; je l’ai donc transférée dans ce chapitre.

On ne peut se débarrasser si facilement de la phrase : « Il bouche... »

etc. Ma Siu louen, exaspéré, pense que tout le présent chapitre a été

refait en rassemblant à tort des bouts de phrase qui rimaient. C’est

là un argument périlleux, et je n’ose suivre Ma Siu louen. Toutefois je

ne vois pas comment les deux premières phrases peuvent être rapportées

à la Voie ; si mon interprétation du chapitre LII est juste, ces

phrases s’appliquent au Saint. Il faut donc bien admettre que tout le

chapitre vise le Saint qui, par sa conduite, s’est identifié à la Voie. Je

traduis donc les deux premières phrases au masculin : « Il bouche les

entrées, il ferme les portes », et je mets le reste entre guillemets, pour

indiquer que ce qui est dit de la Voie peut par analogie s’appliquer

au Saint. En outre, j’emploie à la fois le féminin (« elle », la Voie) et le

masculin « il », le Saint). C’est peut être un peu trop consciencieux ;

mais je ne vois pas d’autre moyen pour faire justice à ce chapitre.

Par « Égalité mystérieuse », je crois qu’il faut entendre que toutes les

oppositions sont annulées dans la Voie. Le Houai-nan tseu, XVI, 7b,

donne l’explication suivante de cette expression : « Quand on poursuit

le beau, alors on n’obtient pas le beau ; quand on ne poursuit pas

le beau, alors on devient beau. Quand on poursuit le laid, alors on

n’obtient pas le laid ; quand on ne poursuit pas le laid, alors on a le

laid. Quand on ne poursuit ni le beau ni le laid, alors on n’est ni beau,

ni laid. C’est ce qu’on appelle l’Égalité mystérieuse » (ou « obscure »,

voir les notes sur le chapitre VI).

Pour il proche » ts’in (192) (il ne faut pas lire kouan, 193), voir LXXIX

où j’ai traduit : « La Voie du ciel ne connaît pas de favoritisme ». «

Profit » et « tort » figurent aussi au chapitre LXXIII « avantageuse »,

« nuisible »), et LXXVII (transportés de LXXXI, « avantage », « dommage

») ; voir mes notes. « Traces » est ma traduction de tch’en (191),

généralement « poussière » ; ma traduction est justifiée par le Ts’eu

hai. Je lis le caractère fen (190) comme s’il y avait la clé de la « soie ».

zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
zhěce qui celui qui ceux qui#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yánparole mot parler, dire#P #W #C #Z
yánparole mot parler, dire#P #W #C #Z
zhěce qui celui qui ceux qui#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
zhīconnaître savoir percevoir, comprendre#P #W #C #Z
boucher bloquer, sceller, boucher passage, frontière; forteresse#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
duìespèces échange-#P #W #C #Z
fermer fermer obstruer, bloquer#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
ménporte portail entrée, ouverture#P #W #C #Z
cuòabaisser abattre moudre#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
ruìaigu vif, aigu, pointu-#P #W #C #Z
jiědesserrer détacher, détacher expliquer#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
fēndiviser petite unité de temps, etc.-#P #W #C #Z
paisible paix, tempérer, calmer harmoniser#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
guāngléger brillant, brillant seulement#P #W #C #Z
tóngpareil similaire avec#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
chénpoussière saleté, cendres, cendres-#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
wèidit appeler, nommer être appelé#P #W #C #Z
xuánprofond profond, abstrus-#P #W #C #Z
tóngpareil similaire avec#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
qīnproches parents intime#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
shūnégligence insouciant, laxiste-#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
gains avantage, profit, mérite-#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
hàiblesser nuire détruire, tuer#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
guìcher chérir coûteux, précieux#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
obtenir obtenir, gagner, acquérir-#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
jiànmoyen faible bon marché, sans valeur#P #W #C #Z
ancien vieux raison-de, parce-que, car, en-effet; mourir#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
tiānciel paradis dieu, céleste#P #W #C #Z
xiàdessous dessous, dessous vers le bas; inférieur; faire baisser#P #W #C #Z
guìcher chérir coûteux, précieux#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 56

Ceux qui savent ne parlent pas.

Ceux qui parlent ne savent pas.

Fermez la bouche,

bloquez vos sens,

émoussez votre acuité,

dénouez vos nœuds,

adoucissez votre éclat,

déposez votre poussière.

Telle est l'identité originelle.

Soyez comme le Tao.

On ne peut ni l'approcher ni s'en écarter, ni en tirer

profit ni lui nuire,

ni l'honorer ni le déshonorer.

Il s'abandonne continuellement.

C'est pourquoi il perdure.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE LVI

L’homme qui (1) connaît (le Tao) ne parle pas ; celui qui parle ne le connaît pas.

Il clot sa bouche (2), il ferme ses oreilles et ses yeux (3),il émousse son activité (4), il se dégage (5) de tous liens, il tempère (6) sa lumière (intérieure), il s’assimile (7) au vulgaire. On peut dire qu’il ressemble (8) au Tao.

Il est inaccessible (9) à la faveur comme à la disgrâce,au profit comme au détriment, aux honneurs comme à l’ignominie.

C’est pourquoi il est l’homme le plus honorable de l’univers.


NOTES.

(1) E : Le Tao est caché ; il n’a pas de nom. Ceux qui le connaissent le méditent en silence. Mais ceux qui cherchent à briller par l’éclat et l’élégance de la parole sont des hommes qui ne connaissent pas le Tao.


(2) Ces six phrases se trouvent dans le chap. iv. Cf. ibid. not. 3.

H : Le mot touï désigne ici « la bouche. » Le Saint se conserve dans le calme et dans le silence. Il réprime l’intempérance de sa langue. B : Il n’ose parler. Cf. chap. lii, not. 4.


(3) H : Le mot men, , « portes, » désigne ici « les oreilles et les yeux. » Il ne fait aucune attention aux choses qui peuvent flatter ses oreilles et ses yeux. C : Il concentre intérieurement sa faculté de voir et d’entendre. Cf. chap. lii, not. 5.


(4) Ce passage a reçu plusieurs interprétations. H (au chap. iv) explique les mots thso-khi-jouï 挫其銳 par : « il réprime la fougue de son caractère. » A : Si ses passions veulent montrer de l’activité,il pense au Tao et les réprime par le non-agir. E, ibidem, explique ces trois mots par : « il fait usage de la souplesse et de la faiblesse, » c’est-à-dire, il plie au lieu de résister, il paraît faible au lieu de vouloir déployer la force et la violence qui entraînent l’homme à sa perte. Cf. chap. lv, not. 10.

J’avais traduit (pag. 16) : « il émousse sa subtilité, » et cette interprétation est conforme à celle que donne ici H : S’il rencontre une chose confuse, il ne laisse pas voir sa pointe, c’est-à-dire la finesse de son esprit (il n’emploie point la finesse de son esprit pour la pénétrer). La première interprétation de H (au chap. iv) me paraît aujourd’hui préférable.


(5) Dans le chapitre iv, j’ai traduit, d’après E : « Il se dégage de tous liens, » c’est-à-dire, des liens du siècle. Aliter H. Cet interprète explique (chap. iv) le mot fen par « la confusion (fen) des opinions favorables ou contraires. » Chacun, dit-il, tient à l’approbation ou au blâme qu’il a une fois exprimés ; dans le conflit des opinions populaires, personne ne peut dissiper les doutes pour établir la vérité. Mais celui qui possède le Tao peut seul y réussir sans parler. Dans ce passage-ci (chap. lvi), H explique fen « vulgo confus, » par « les pensées confuses, » c’est-à-dire les pensées qui jettent son âme dans la confusion. Son cœur et son corps sont dans une quiétude parfaite ; il se dégage de toutes pensées.


(6) E (chap. iv) : Il jette de l’éclat, mais il n’éblouit personne.


(7) H : Il s’est élevé à la sublimité du Tao, il a pris son essor au-dessus du siècle (littéral, de la poussière), et cependant (E chap. iv),à le juger extérieurement, il n’a rien qui le distingue des autres êtres.


(8) Sou-tseu-yeou explique les mots hiouen-thong 玄同 par in-tao-thong與道同, « il est semblable au Tao. » Aliter E : Les mots hiouen-thong 玄同 (littéral. « profond et semblable, » ) signifient :« Il est grandement semblable aux êtres ; mais il est tellement profond qu’on ne peut le connaître. » 大同於物。深不可識也


(9) Sou-tseu-yeou : Celui qu’un prince peut honorer de sa faveur (littéral, « rapprocher de lui ») peut aussi être disgracié (littéral. « éloigné, écarté » ). Si l’on peut procurer du profit à quelqu’un, on peut aussi lui causer du dommage ; si l’on peut lui accorder des honneurs, on peut aussi le dégrader. Mais le sage qui s’est identifié avec le Tao met au même niveau toutes les choses du monde ; il ne fait attention ni à la faveur ni à la disgrâce, il regarde du même œil le bonheur et l’adversité, le profit et le détriment. Il ne connaît ni la gloire, ni l’ignominie, et, pour lui, il n’existe ni noblesse, ni roture,ni élévation ni abaissement.

E : Comme il a peu de désirs et peu d’intérêts privés, on ne peut lui procurer du profit ; comme il possède la plénitude de la vertu (voyez chap. lv), on ne peut lui faire du mal ; comme il ne désire ni la faveur des princes ni la gloire, on ne peut lui accorder des honneurs ;comme il ne dédaigne pas une condition basse et abjecte, il est impossible de l’avilir. C’est là le caractère d’une vertu parfaite ;c’est pourquoi il est l’homme le plus honorable du monde.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 56

Celui qui sait ne parle pas.
Celui qui parle ne sait pas.
Garder sa bouche close.
Modérer ses sens.
Tempérer ses ardeurs.
Ramener chaque chose à sa valeur.
Voiler l'éclat dont on rayonne.
Etre conscient de son union profonde avec la nature,
c'est atteindre la parfaite harmonie.
Dès lors,
le Sage n'est plus affecté
par l'amitié ou l'inimitié,
par le bien ou par le mal,
par les honneurs ou la disgrâce.
Il est parvenu au degré suprême.
Par la voie.


MA KOU 1984 CHAPITRE 56

Celui qui sait ne parle pas.
Celui qui parle ne sait pas.

Clore les ouvertures
Fermer les portes
Emousser le tranchant
Dénouer les nœuds
Adoucir la lumière
Unifier les chemins

Ceci est la mystérieuse identité.

On ne peut s’approcher du tao
Ni s’en éloigner
On ne peut en tirer bénéfice
Ni lui porter préjudice
On ne peut l’ennoblir
Ni le diminuer

Ainsi est-il tenu en honneur.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 56

Celui qui sait ne parle pas; celui qui parle ne sait pas.
Clore sa bouche, fermer ses portes, tempérer son ardeur, se dégager de ses liens, harmoniser sa lumière, s'assimiler à son milieu, cela s'appelle la mystérieuse union.
On ne peut l'obtenir et avoir des affections; on ne peut l'obtenir et faire
des différences; on ne peut l'obtenir et réaliser des profits; on ne peut l'obtenir et léser autrui; on ne peut l'obtenir et apprécier ceci, déprécier cela.
C'est pourquoi elle est ce qu'il y a de plus précieux au monde.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 56

Celui qui parle (beaucoup, montre par là qu’il) ne connaît pas (le Principe).
Celui qui connaît (le Principe), ne parle pas. Il tient sa bouche close, il retient sa respiration, il émousse son activité, il se délivre de toute compli­cation, il tempère sa lumière, il se confond avec le vulgaire. Voilà la mystérieuse union (au Principe).
Un pareil homme, personne ne peut se l’attacher (par des faveurs), ni le rebuter (par de mauvais traitements). Il est insensible au gain et à la perte, à l’exaltation comme à l’humiliation. Etant tel, il est ce qu’il y a de plus noble au monde.
Supérieur à tout ce qui paraît, il converse avec l’auteur des êtres, le Principe. Tchang-houngyang.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 56

Celui qui sait ne parle pas,

celui qui parle ne sait pas.

Bloquer ses échanges,

fermer sa porte,

briser son tranchant,

délier sa confusion,

adoucie sa lumière,

uni à sa poussière,

on dit justement que c'est l'union profonde.

Ainsi, on ne peut obtenir ce qui est parent,

on ne peut obtenir ce qui est éloigné,

on ne peut obtenir ce qui est profitable,

on ne peut obtenir ce qui est nuisible,

on ne peut obtenir ce qui est coûteux,

on ne peut obtenir ce qui est bon marché.

Ainsi, agir sous le ciel est coûteux.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 56

Il bouche les entrées, il ferme les portes.

« Elle (il) émousse ce qui est aigu, elle (il) débrouille ce qui est emmêlé,

elle (il) tamise ce qui est lumineux, elle (il) égalise ses traces. C’est

ce qu’on appelle : l’Égalité mystérieuse.

Car on ne peut en être proche ni en être loin ; on ne peut en tirer profit

ni en souffrir du tort ; on ne peut y gagner d’honneur ni y trouver

d’ignominie.

C’est pour cela qu’elle (il) est en si haute estime dans le monde. »

***

Ce chapitre présente plusieurs problèmes. De qui est il question ? Généralement

on rapporte tout ce qui est dit dans ce chapitre au Saint.

Dans le texte traditionnel, ce chapitre commence en effet par deux

lignes que j’ai transportées (avec Ma Siu louen) au chapitre LXXXI : «

Celui qui sait ne parle pas ; celui qui parle ne sait pas ». Puis suivent

les mots : « Boucher les (ou ses) entrées, fermer les (ou ses) portes

», qui sont une reprise de LII. Ce qui suit, depuis « Elle (il) émousse »

jusqu’à « traces », est une répétition des mêmes phrases au chapitre

IV ; puisqu’originellement ces phrases n’avaient pas de commentaire

au chapitre IV et en avaient un dans ce chapitre, je crois que leur

place est ici, et je les ai donc omises au chapitre IV.

Il me semble que ces phrases se rapportent le plus naturellement à la

Voie (c’est le cas, d’ailleurs, dans IV) ; tout le reste du chapitre donne

aussi un très bon sens si on le rapporte à la Voie. La fin, disant que la

Voie est la chose la plus estimée dans le monde (répétée dans LXII),

rattache la pensée au chapitre LI.

Le plus simple serait alors d’omettre non seulement la phrase : Celui

qui sait... » mais aussi la suivante : « Il bouche les entrées », etc. Mais

il y a une objection sérieuse. Les mots « parle » yen (5), « entrées »,

t’ouei (178) et « portes » men (188) riment avec « aigu » jouei (189),

« emmêlé » fen (190) et « traces » tch’en (191). Pour la phrase se terminant

par « parle » yen (5), cette objection n’est pas définitive, car

dans LXXXI le mot yen rime aussi. Elle semble tout à fait appartenir au

contexte du chapitre LXXXI ; je l’ai donc transférée dans ce chapitre.

On ne peut se débarrasser si facilement de la phrase : « Il bouche... »

etc. Ma Siu louen, exaspéré, pense que tout le présent chapitre a été

refait en rassemblant à tort des bouts de phrase qui rimaient. C’est

là un argument périlleux, et je n’ose suivre Ma Siu louen. Toutefois je

ne vois pas comment les deux premières phrases peuvent être rapportées

à la Voie ; si mon interprétation du chapitre LII est juste, ces

phrases s’appliquent au Saint. Il faut donc bien admettre que tout le

chapitre vise le Saint qui, par sa conduite, s’est identifié à la Voie. Je

traduis donc les deux premières phrases au masculin : « Il bouche les

entrées, il ferme les portes », et je mets le reste entre guillemets, pour

indiquer que ce qui est dit de la Voie peut par analogie s’appliquer

au Saint. En outre, j’emploie à la fois le féminin (« elle », la Voie) et le

masculin « il », le Saint). C’est peut être un peu trop consciencieux ;

mais je ne vois pas d’autre moyen pour faire justice à ce chapitre.

Par « Égalité mystérieuse », je crois qu’il faut entendre que toutes les

oppositions sont annulées dans la Voie. Le Houai-nan tseu, XVI, 7b,

donne l’explication suivante de cette expression : « Quand on poursuit

le beau, alors on n’obtient pas le beau ; quand on ne poursuit pas

le beau, alors on devient beau. Quand on poursuit le laid, alors on

n’obtient pas le laid ; quand on ne poursuit pas le laid, alors on a le

laid. Quand on ne poursuit ni le beau ni le laid, alors on n’est ni beau,

ni laid. C’est ce qu’on appelle l’Égalité mystérieuse » (ou « obscure »,

voir les notes sur le chapitre VI).

Pour il proche » ts’in (192) (il ne faut pas lire kouan, 193), voir LXXIX

où j’ai traduit : « La Voie du ciel ne connaît pas de favoritisme ». «

Profit » et « tort » figurent aussi au chapitre LXXIII « avantageuse »,

« nuisible »), et LXXVII (transportés de LXXXI, « avantage », « dommage

») ; voir mes notes. « Traces » est ma traduction de tch’en (191),

généralement « poussière » ; ma traduction est justifiée par le Ts’eu

hai. Je lis le caractère fen (190) comme s’il y avait la clé de la « soie ».


diff --git a/inter/79.html b/inter/79.html index c47a324..630d7df 100644 --- a/inter/79.html +++ b/inter/79.html @@ -300,8 +300,8 @@

- - + +
yuàn yǒu yuànān wéi shànshì shèng rén zhí zuǒ ér rényǒu chètiān dào qīncháng shàn rén
harmonie paix paisible, calme#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
yuànhaine inimitié, ressentiment-#P #W #C #Z
sûrement très certainement doit#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
surplus surplus, reste-#P #W #C #Z
yuànhaine inimitié, ressentiment-#P #W #C #Z
ānpaisible tranquille, tranquille-#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
shèngsaint sacré sage#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
zhítenir en main garder effectuer#P #W #C #Z
zuǒgauche est peu orthodoxe, inapproprié#P #W #C #Z
acte contrat, caution graver#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
sa responsabilité son devoir-#P #W #C #Z
dans à, sur interjection hélas !#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
éthique moralité, vertu-#P #W #C #Z
prendre en charge contrôler, gérer officier#P #W #C #Z
acte contrat, caution graver#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
éthique moralité, vertu-#P #W #C #Z
prendre en charge contrôler, gérer officier#P #W #C #Z
chèpénétrer envahir pénétrant#P #W #C #Z
tiānciel paradis dieu, céleste#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
qīnproches parents intime#P #W #C #Z
chángconstant fréquent, éternel normal commun, régulier#P #W #C #Z
et avec à; pour; donner, accorder#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 79

L'échec est une opportunité.

Si vous blâmez quelqu'un d'autre,

vous ne pourrez plus vous en sortir.

C'est pourquoi le Maître

remplit lui-même ses obligations

et corrige lui-même ses erreurs.

Il fait ce qu'il doit faire

et n'exige rien des autres.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE LXXIX

Si vous voulez apaiser les grandes inimitiés des hommes (1), ils conserveront nécessairement un reste d’inimitié.

Comment pourraient-ils devenir vertueux ?

De là vient que le Saint (2) garde la partie gauche du contrat (3) et ne réclame rien aux autres.

C’est pourquoi celui qui a de la vertu songe à donner (4), celui qui est sans vertu songe à demander (5).

Le ciel n’affectionne personne en particulier. Il donne constamment aux hommes vertueux (6).


NOTES.

(1) Liu-kie-fou : Ceux qui ne sont pas vertueux, je les traite comme des gens vertueux, et, par là , ils deviennent vertueux. (Voy. ch. xlix, note 2.) Si vous cherchez à apaiser les grandes inimitiés des hommes, ils ne manqueront pas de garder un reste d’inimitié ; comment pourraient-ils devenir vertueux ? Il vaut mieux, dit Li-tsi-tchaï, rester indifférent a l’égard des créatures, et (C) oublier également le bien que nous avons répandu sur elles et le mal qu’elles nous ont fait. Imitons celui qui tient la partie gauche du contrat et ne demande rien aux autres.

Sou-tseu-yeou : Les inimitiés naissent de l’illusion, l’illusion émane de notre nature. Celui qui connaît sa nature (et qui la conserve dans sa pureté) n’a pas de vues illusoires ; comment serait-il sujet à l’inimitié ? Maintenant les hommes ne savent pas arracher la racine (des inimitiés) et ils cherchent à en apaiser la superficie (littéralement : « les branches ») ; aussi, quoiqu’elles soient calmées extérieurement, on ne les oublie jamais au fond du cœur.


(2) B : Cette comparaison est destinée à montrer que l’homme parfaitement sincère n’a point de contestations avec les autres. Il les laisse suivre leur nature et n’excite point leur inimitié ; il donne à chacun ce qu’il désire et n’exige rien de personne.


(3) Ou-yeou-thsing, H, etc. Le mot kie désigne « une tablette de bois qui pouvait se diviser en deux parties. On écrivait dessus toutes sortes de conventions, soit pour acheter, soit pour donner ou emprunter. » Celui des contractants qui devait donner la chose qui était l’objet du contrat, gardait la partie gauche de cette tablette, et celui qui devait la venir réclamer prenait la partie droite. (C’est ce qu’exprime E en disant : 左契所以與。右契所以取 « La partie gauche du contrat sert à donner, la partie droite sert à prendre, c’est-à-dire à réclamer. ») Quand ce dernier se présentait en tenant dans sa main la partie droite du contrat, celui qui avait la partie gauche les rapprochait l’une de l’autre, et, après avoir reconnu la correspondance exacte des lignes d’écriture et la coïncidence des dentelures des deux portions de la tablette (elles devaient s’adapter l’une à l’autre comme les tailles des boulangers, et les lettres qui y étaient gravées devaient se correspondre comme celles d’un billet de banque qu’on rapproche de la souche, il donnait l’objet réclamé sans faire aucune difficulté, et sans témoigner le plus léger doute sur les droits et la sincérité du demandeur.

Lorsqu’on dit que le Saint garde la partie gauche du contrat, on entend qu’il ne réclame rien à personne, et qu’il attend que les autres viennent demander eux-mêmes ce qu’ils désirent de lui.


(4) Je crois, avec Ou-yeou-thsing, qu’il faut sous-entendre tso « gauche » (lævus) après sse (vulgo « présider à ») ; mot à mot « qui habet virtutem præsidet (lævæ parti) tabulæ khi  », c’est-à-dire : « celui qui a de la vertu tient la partie gauche du contrat. »

E : Lao-tseu veut dire que le Saint se borne à donner aux hommes et ne réclame point la récompense de ses bienfaits. Quand il leur fait du bien, il l’oublie ; alors les hommes oublient aussi l’inimitié qu’ils peuvent avoir contre lui.

Les mots : « il tient la partie gauche du contrat » , sont l’équivalent de ceux-ci : « il est disposé à donner, il songe à donner. » (Voyez plus haut, lig. 5.)


(5) Littéralement : « il préside à l’impôt tch’e , » c’est-à-dire : « il ressemble à celui qui lève l’impôt tch’e . » Le mot tch’e désignait un genre d’impôt, appelé plus souvent tch’e-fa 撤法 (E), qui avait été établi sous la dynastie des Tcheou. (Voyez mon édition de Meng-tseu, livre i, page 177, note 61.)

E : L’empereur donnait au peuple des terres appelées kong-tien 公田 (que huit familles cultivaient en commun et dont elles partageaient également les produits), et il exigeait un impôt qui équivalait à la dixième partie de leur revenu. Il différait beaucoup de celui qui garde la partie gauche du contrat (et qui est disposé à donner.) Celui qui a de la vertu tient la partie gauche du contrat (sic Ou-yeou-thsing) ; c’est-à-dire qu’il se borne à donner aux hommes et ne leur réclame rien.

Celui qui est dénué de vertu préside à l’impôt tch’e , c’est-à-dire : ressemble à celui qui lève l’impôt tch’e . Quoiqu’il donne aux hommes (l’empereur donnait au peuple des terres), il ne manque jamais de leur prendre beaucoup (l’empereur exigeait la dixième partie du revenu de ces terres).

Les détails qui précèdent montrent au lecteur pourquoi j’ai rendu les mots « il tient la partie gauche du contrat » par : il songe à donner, et les mots « il préside à l’impôt tch’e  » par : il songe à demander. La version littérale des expressions sse-khi 司契 « présider au contrat » et sse-tch’e 司撤 « présider à l’impôt tch’e eût été inintelligible. J’ai dû, dans ma traduction, en donner l’équivalent, comme les commentateurs l’ont fait dans leur paraphrase, en me réservant d’expliquer, ainsi qu’on l’a vu plus haut, la signification propre des mots khi « contrat » et tch’e « sorte d’impôt » qui sont pris ici dans un sens figuré.


(6) E : L’homme vertueux se contente de donner aux hommes et ne leur réclame ou demande rien. Quoiqu’il ne prenne rien aux hommes, le ciel lui donne constamment, c’est-à-dire le comble constamment de ses dons.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 79

Même apaisée,
une grave querelle laisse un ressentiment.
Que peut-on faire pour agir selon le Tao ?
Le Sage accepte ce qu'on lui attribue,
et ne réclame rien d'autre.
Il honore ses engagements et ne veut pas plus.
L'homme sans vertu veut s'approprier le maximum.
La voie du ciel n'a pas de préférences.
Elle comble de biens l'homme de bien.


MA KOU 1984 CHAPITRE 79

Lorsque après une grande querelle
La paix est faite
Si un ressentiment demeure
Comment cela pourrait-il être
Jugé parfait ?

C’est pourquoi le sage
S’en tient à sa dette
Mais n’exige rien des autres.

Un homme de vertu
Exécute ses obligations,
Un homme sans vertu
Exigera avec intérêt.

La voie du tao
Ne favorise personne
Mais elle est toujours ouverte
A l’être en quête.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 79

Même après la réconciliation, un grave désaccord laisse toujours subsister quelque ressentiment. Que peut-on faire, alors, pour agir selon le Bien ? Comme le Saint-Homme, qui garde la part la plus désavantageuse dans les contrats sans rien exiger des hommes. Qui possède la Vertu est l'artisan de la concorde; qui n'a pas la Vertu est l'artisan de la discorde.
Le Tao du Ciel est sans affections; il coopère toujours avec l'homme de bien.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 79

Après que le principal d’une contestation a été arrangé, il reste toujours des griefs accessoires, et la charité ne revient pas à l’état où elle était aupa­ravant (froissements).
(Aussi le Sage ne conteste-t-il jamais, malgré son droit.) Gardant son talon de souche, il n’exige, pas l’exécution (de ce qui est écrit).
Celui qui sait se conduire d’après la Vertu du Principe, laisse dormir ses titres. Celui qui ne sait pas se conduire ainsi, extorque ce qui lui est dû.
Le ciel est impartial. (S’il était capable de quel­que partialité,) il avantagerait les gens de bien, (ceux qui font comme il est dit en C. Il les comble­rait, parce qu’ils ne demandent rien).
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 79

Ceux qui sont à l'unisson d'un grand mécontentement,

possèdent certainement des excédents de haine,

mais ils peuvent être calme pour faire le bien.

C'est pourquoi l'homme sacré

tient les contrats à gauche,

et ne critique pas les hommes.

Un officier qui possède la vertu est un contrat,

un officier sans vertu est pointilleux.

La voie du ciel est sans mariage,

elle donne toujours de bons hommes.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 79

On a beau apaiser un grand ressentiment ; s’il reste toujours d’autres

causes de ressentiment, comment peut on être bien avec les autres ?

En répondant au ressentiment par la Vertu.

C’est pourquoi le Saint tient la moitié gauche de la taille, mais ne réclame

rien aux autres.

Celui qui a la Vertu ne veille qu’à la taille ; celui qui n’a pas la Vertu

veille à percevoir (son dû).

La Voie du ciel ne connaît pas de favoritisme ; elle donne toujours

l’occasion d’être bien avec les autres.

***

D’accord avec Ma Siu louen et Kao Heng, j’insère dans ce chapitre

la phrase du chapitre LXIII : « En répondant au ressentiment par

la Vertu », mais je la place après, et non, comme eux, avant « Comment

peut on... ». Ce qui suit est une illustration de la manière dont il

faut pratiquer cette Vertu. Pour conclure un marché, on faisait deux

tailles identiques, dont le créditeur gardait celle de gauche. Bien que

celui qui pratique la Vertu garde la taille, c’est à dire la preuve des

obligations de l’autre partie, il n’exige pas par la force que ces obligations

soient remplies. Une telle conduite serait une intervention

active telle qu’en commettent ceux qui n’ont pas la Vertu et qui, pour

cette raison, sont incapables de jamais dissiper à fond un sentiment

d’inimitié et d’être « bien » avec les gens. Un homme de Vertu veille

seule¬ment à s’acquitter de ses propres obligations. Créditeur et débiteur,

actif et passif, sont des pôles nécessaires l’un comme l’autre,

et il ne faut pas essayer de changer cette relation par la violence.

La Voie du ciel ne favorise ni l’un ni l’autre de ces pôles ; en suivant

cette Voie et en pratiquant cette Vertu, il est possible de prévenir les

conflits et de vivre en bons rapports avec autrui.

Je prends le dernier mot chan (155) « bon » en valeur verbale, comme

c’est souvent le cas dans notre texte, cette fois avec le sens de : « traiter

avec bonté, être bien avec », comparer XLIX. L’explication usuelle

: « La Voie du ciel est avec les hommes bons (ou donne aux hommes

bons) » est en contradiction flagrante avec le caractère de la Voie, qui

ne reconnaît ni bien ni mal.

paisible paix, tempérer, calmer harmoniser#P #W #C #Z
grand grand, vaste, grand, haut-#P #W #C #Z
yuànhaine inimitié, ressentiment-#P #W #C #Z
sûrement très certainement doit#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
surplus surplus, reste-#P #W #C #Z
yuànhaine inimitié, ressentiment-#P #W #C #Z
ānpaisible tranquille, tranquille-#P #W #C #Z
peut capable peut-être#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
wéifaire gérer, gouverner, agir  être#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
shìen effet oui, c'est vrai  être; pronom démonstratif, ceci, cela#P #W #C #Z
au moyen de par conséquent, donc  considérer comme; pour#P #W #C #Z
shèngsaint sacré sage#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
zhítenir en main garder effectuer#P #W #C #Z
zuǒgauche est peu orthodoxe, inapproprié#P #W #C #Z
acte contrat, caution graver#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
sa responsabilité son devoir-#P #W #C #Z
dans à, sur interjection hélas !#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
éthique moralité, vertu-#P #W #C #Z
prendre en charge contrôler, gérer officier#P #W #C #Z
acte contrat, caution graver#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
éthique moralité, vertu-#P #W #C #Z
prendre en charge contrôler, gérer officier#P #W #C #Z
chèpénétrer envahir pénétrant#P #W #C #Z
tiānciel paradis dieu, céleste#P #W #C #Z
dàoVoie chemin, route, rue, conduite méthode, manière ; raconter#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
qīnproches parents intime#P #W #C #Z
chángconstant fréquent, éternel normal commun, régulier#P #W #C #Z
et avec à; pour; donner, accorder#P #W #C #Z
shànbon vertueux, charitable, gentil-#P #W #C #Z
rénhumain personnes humanité, homme; quelqu'un d'autre ; tout le monde#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 79

L'échec est une opportunité.

Si vous blâmez quelqu'un d'autre,

vous ne pourrez plus vous en sortir.

C'est pourquoi le Maître

remplit lui-même ses obligations

et corrige lui-même ses erreurs.

Il fait ce qu'il doit faire

et n'exige rien des autres.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE LXXIX

Si vous voulez apaiser les grandes inimitiés des hommes (1), ils conserveront nécessairement un reste d’inimitié.

Comment pourraient-ils devenir vertueux ?

De là vient que le Saint (2) garde la partie gauche du contrat (3) et ne réclame rien aux autres.

C’est pourquoi celui qui a de la vertu songe à donner (4), celui qui est sans vertu songe à demander (5).

Le ciel n’affectionne personne en particulier. Il donne constamment aux hommes vertueux (6).


NOTES.

(1) Liu-kie-fou : Ceux qui ne sont pas vertueux, je les traite comme des gens vertueux, et, par là , ils deviennent vertueux. (Voy. ch. xlix, note 2.) Si vous cherchez à apaiser les grandes inimitiés des hommes, ils ne manqueront pas de garder un reste d’inimitié ; comment pourraient-ils devenir vertueux ? Il vaut mieux, dit Li-tsi-tchaï, rester indifférent a l’égard des créatures, et (C) oublier également le bien que nous avons répandu sur elles et le mal qu’elles nous ont fait. Imitons celui qui tient la partie gauche du contrat et ne demande rien aux autres.

Sou-tseu-yeou : Les inimitiés naissent de l’illusion, l’illusion émane de notre nature. Celui qui connaît sa nature (et qui la conserve dans sa pureté) n’a pas de vues illusoires ; comment serait-il sujet à l’inimitié ? Maintenant les hommes ne savent pas arracher la racine (des inimitiés) et ils cherchent à en apaiser la superficie (littéralement : « les branches ») ; aussi, quoiqu’elles soient calmées extérieurement, on ne les oublie jamais au fond du cœur.


(2) B : Cette comparaison est destinée à montrer que l’homme parfaitement sincère n’a point de contestations avec les autres. Il les laisse suivre leur nature et n’excite point leur inimitié ; il donne à chacun ce qu’il désire et n’exige rien de personne.


(3) Ou-yeou-thsing, H, etc. Le mot kie désigne « une tablette de bois qui pouvait se diviser en deux parties. On écrivait dessus toutes sortes de conventions, soit pour acheter, soit pour donner ou emprunter. » Celui des contractants qui devait donner la chose qui était l’objet du contrat, gardait la partie gauche de cette tablette, et celui qui devait la venir réclamer prenait la partie droite. (C’est ce qu’exprime E en disant : 左契所以與。右契所以取 « La partie gauche du contrat sert à donner, la partie droite sert à prendre, c’est-à-dire à réclamer. ») Quand ce dernier se présentait en tenant dans sa main la partie droite du contrat, celui qui avait la partie gauche les rapprochait l’une de l’autre, et, après avoir reconnu la correspondance exacte des lignes d’écriture et la coïncidence des dentelures des deux portions de la tablette (elles devaient s’adapter l’une à l’autre comme les tailles des boulangers, et les lettres qui y étaient gravées devaient se correspondre comme celles d’un billet de banque qu’on rapproche de la souche, il donnait l’objet réclamé sans faire aucune difficulté, et sans témoigner le plus léger doute sur les droits et la sincérité du demandeur.

Lorsqu’on dit que le Saint garde la partie gauche du contrat, on entend qu’il ne réclame rien à personne, et qu’il attend que les autres viennent demander eux-mêmes ce qu’ils désirent de lui.


(4) Je crois, avec Ou-yeou-thsing, qu’il faut sous-entendre tso « gauche » (lævus) après sse (vulgo « présider à ») ; mot à mot « qui habet virtutem præsidet (lævæ parti) tabulæ khi  », c’est-à-dire : « celui qui a de la vertu tient la partie gauche du contrat. »

E : Lao-tseu veut dire que le Saint se borne à donner aux hommes et ne réclame point la récompense de ses bienfaits. Quand il leur fait du bien, il l’oublie ; alors les hommes oublient aussi l’inimitié qu’ils peuvent avoir contre lui.

Les mots : « il tient la partie gauche du contrat » , sont l’équivalent de ceux-ci : « il est disposé à donner, il songe à donner. » (Voyez plus haut, lig. 5.)


(5) Littéralement : « il préside à l’impôt tch’e , » c’est-à-dire : « il ressemble à celui qui lève l’impôt tch’e . » Le mot tch’e désignait un genre d’impôt, appelé plus souvent tch’e-fa 撤法 (E), qui avait été établi sous la dynastie des Tcheou. (Voyez mon édition de Meng-tseu, livre i, page 177, note 61.)

E : L’empereur donnait au peuple des terres appelées kong-tien 公田 (que huit familles cultivaient en commun et dont elles partageaient également les produits), et il exigeait un impôt qui équivalait à la dixième partie de leur revenu. Il différait beaucoup de celui qui garde la partie gauche du contrat (et qui est disposé à donner.) Celui qui a de la vertu tient la partie gauche du contrat (sic Ou-yeou-thsing) ; c’est-à-dire qu’il se borne à donner aux hommes et ne leur réclame rien.

Celui qui est dénué de vertu préside à l’impôt tch’e , c’est-à-dire : ressemble à celui qui lève l’impôt tch’e . Quoiqu’il donne aux hommes (l’empereur donnait au peuple des terres), il ne manque jamais de leur prendre beaucoup (l’empereur exigeait la dixième partie du revenu de ces terres).

Les détails qui précèdent montrent au lecteur pourquoi j’ai rendu les mots « il tient la partie gauche du contrat » par : il songe à donner, et les mots « il préside à l’impôt tch’e  » par : il songe à demander. La version littérale des expressions sse-khi 司契 « présider au contrat » et sse-tch’e 司撤 « présider à l’impôt tch’e eût été inintelligible. J’ai dû, dans ma traduction, en donner l’équivalent, comme les commentateurs l’ont fait dans leur paraphrase, en me réservant d’expliquer, ainsi qu’on l’a vu plus haut, la signification propre des mots khi « contrat » et tch’e « sorte d’impôt » qui sont pris ici dans un sens figuré.


(6) E : L’homme vertueux se contente de donner aux hommes et ne leur réclame ou demande rien. Quoiqu’il ne prenne rien aux hommes, le ciel lui donne constamment, c’est-à-dire le comble constamment de ses dons.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 79

Même apaisée,
une grave querelle laisse un ressentiment.
Que peut-on faire pour agir selon le Tao ?
Le Sage accepte ce qu'on lui attribue,
et ne réclame rien d'autre.
Il honore ses engagements et ne veut pas plus.
L'homme sans vertu veut s'approprier le maximum.
La voie du ciel n'a pas de préférences.
Elle comble de biens l'homme de bien.


MA KOU 1984 CHAPITRE 79

Lorsque après une grande querelle
La paix est faite
Si un ressentiment demeure
Comment cela pourrait-il être
Jugé parfait ?

C’est pourquoi le sage
S’en tient à sa dette
Mais n’exige rien des autres.

Un homme de vertu
Exécute ses obligations,
Un homme sans vertu
Exigera avec intérêt.

La voie du tao
Ne favorise personne
Mais elle est toujours ouverte
A l’être en quête.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 79

Même après la réconciliation, un grave désaccord laisse toujours subsister quelque ressentiment. Que peut-on faire, alors, pour agir selon le Bien ? Comme le Saint-Homme, qui garde la part la plus désavantageuse dans les contrats sans rien exiger des hommes. Qui possède la Vertu est l'artisan de la concorde; qui n'a pas la Vertu est l'artisan de la discorde.
Le Tao du Ciel est sans affections; il coopère toujours avec l'homme de bien.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 79

Après que le principal d’une contestation a été arrangé, il reste toujours des griefs accessoires, et la charité ne revient pas à l’état où elle était aupa­ravant (froissements).
(Aussi le Sage ne conteste-t-il jamais, malgré son droit.) Gardant son talon de souche, il n’exige, pas l’exécution (de ce qui est écrit).
Celui qui sait se conduire d’après la Vertu du Principe, laisse dormir ses titres. Celui qui ne sait pas se conduire ainsi, extorque ce qui lui est dû.
Le ciel est impartial. (S’il était capable de quel­que partialité,) il avantagerait les gens de bien, (ceux qui font comme il est dit en C. Il les comble­rait, parce qu’ils ne demandent rien).
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 79

Ceux qui sont à l'unisson d'un grand mécontentement,

possèdent certainement des excédents de haine,

mais ils peuvent être calme pour faire le bien.

C'est pourquoi l'homme sacré

tient les contrats à gauche,

et ne critique pas les hommes.

Un officier qui possède la vertu est un contrat,

un officier sans vertu est pointilleux.

La voie du ciel est sans mariage,

elle donne toujours de bons hommes.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 79

On a beau apaiser un grand ressentiment ; s’il reste toujours d’autres

causes de ressentiment, comment peut on être bien avec les autres ?

En répondant au ressentiment par la Vertu.

C’est pourquoi le Saint tient la moitié gauche de la taille, mais ne réclame

rien aux autres.

Celui qui a la Vertu ne veille qu’à la taille ; celui qui n’a pas la Vertu

veille à percevoir (son dû).

La Voie du ciel ne connaît pas de favoritisme ; elle donne toujours

l’occasion d’être bien avec les autres.

***

D’accord avec Ma Siu louen et Kao Heng, j’insère dans ce chapitre

la phrase du chapitre LXIII : « En répondant au ressentiment par

la Vertu », mais je la place après, et non, comme eux, avant « Comment

peut on... ». Ce qui suit est une illustration de la manière dont il

faut pratiquer cette Vertu. Pour conclure un marché, on faisait deux

tailles identiques, dont le créditeur gardait celle de gauche. Bien que

celui qui pratique la Vertu garde la taille, c’est à dire la preuve des

obligations de l’autre partie, il n’exige pas par la force que ces obligations

soient remplies. Une telle conduite serait une intervention

active telle qu’en commettent ceux qui n’ont pas la Vertu et qui, pour

cette raison, sont incapables de jamais dissiper à fond un sentiment

d’inimitié et d’être « bien » avec les gens. Un homme de Vertu veille

seule¬ment à s’acquitter de ses propres obligations. Créditeur et débiteur,

actif et passif, sont des pôles nécessaires l’un comme l’autre,

et il ne faut pas essayer de changer cette relation par la violence.

La Voie du ciel ne favorise ni l’un ni l’autre de ces pôles ; en suivant

cette Voie et en pratiquant cette Vertu, il est possible de prévenir les

conflits et de vivre en bons rapports avec autrui.

Je prends le dernier mot chan (155) « bon » en valeur verbale, comme

c’est souvent le cas dans notre texte, cette fois avec le sens de : « traiter

avec bonté, être bien avec », comparer XLIX. L’explication usuelle

: « La Voie du ciel est avec les hommes bons (ou donne aux hommes

bons) » est en contradiction flagrante avec le caractère de la Voie, qui

ne reconnaît ni bien ni mal.


diff --git a/inter/80.html b/inter/80.html index df1e176..f58951c 100644 --- a/inter/80.html +++ b/inter/80.html @@ -300,8 +300,8 @@

- - + +
xiǎo guó guǎ mín使shǐ yǒu shí bǎi zhī ér yòng使shǐ mín zhòng ér yuǎn suī yǒu zhōu 輿 suǒ chéng zhīsuī yǒu jiǎ bīng suǒ chén zhī使shǐ mín jiē shéng ér yòng zhīgān shíměi ān lín guó xiāng wàng quǎn zhī shēng xiāng wénmín zhì lǎo xiāng wǎng lái
xiǎopetit minuscule, insignifiant-#P #W #C #Z
guónation pays, État-nation-#P #W #C #Z
guǎveuf seul, sans amis-#P #W #C #Z
mínpersonnes sujets citoyens, peuple#P #W #C #Z
使shǐprovoquer amener, missionner, commander messager, ambassadeur#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
shífile de dix soldats mixte, divers-#P #W #C #Z
bǎifrère aîné le frère aîné de mon père « père » mâle senior ; rang féodal 'comte'#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
récipient récipient instrument#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yòngutiliser employer, appliquer, exploiter  utiliser#P #W #C #Z
使shǐprovoquer amener, missionner, commander messager, ambassadeur#P #W #C #Z
mínpersonnes sujets citoyens, peuple#P #W #C #Z
zhònglourd pesant double#P #W #C #Z
mourir mort la mort#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yuǎnlointain éloigné, lointain profond#P #W #C #Z
déménager changer de domicile, migrer-#P #W #C #Z
suīmême si même si-#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
zhōubateau navire-#P #W #C #Z
輿charrette palanquin opinion publique#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
suǒlieu emplacement complément numérique#P #W #C #Z
chéngrouler monter profiter de; complément numérique pour véhicules#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
suīmême si même si-#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
jiǎarmure obus les ongles; 1ère tige céleste#P #W #C #Z
bīngsoldat troupes-#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
suǒlieu emplacement complément numérique#P #W #C #Z
chénexposer afficher plaider; nom de famille#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
使shǐprovoquer amener, missionner, commander messager, ambassadeur#P #W #C #Z
mínpersonnes sujets citoyens, peuple#P #W #C #Z
retour répéter à plusieurs reprises#P #W #C #Z
jiēnouer nouer rejoindre, se connecter#P #W #C #Z
shéngcorde ficelle, cordelette mesurer, restreindre#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
yòngutiliser employer, appliquer, exploiter  utiliser#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
gāndouceur doux, savoureux-#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
shímanger repas nourriture#P #W #C #Z
měibeau joli plaisant#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
vêtements porter, s'habiller-#P #W #C #Z
ānpaisible tranquille, tranquille-#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
vivre habiter, résider, s'asseoir-#P #W #C #Z
heureux heureux agréable; musique#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
coutumes sociales vulgaire, non raffiné-#P #W #C #Z
línvoisin quartier-#P #W #C #Z
guónation pays, État-nation-#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
wàngregarder attendre avec impatience espérer, s'attendre#P #W #C #Z
poulets volaille domestique-#P #W #C #Z
quǎnchien mâle, fille moche-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
shēngson voix, bruit tonifier; musique#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
wénentendre odeur faire connaître; nouvelles#P #W #C #Z
mínpersonnes sujets citoyens, peuple#P #W #C #Z
zhìatteindre arriver extrêmement, très#P #W #C #Z
lǎovieux vieilli expérimenté#P #W #C #Z
mourir mort la mort#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
wǎngallez partez passé, autrefois#P #W #C #Z
láiviens viens revenir, revenir#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 80

Si un pays est gouverné avec sagesse,

ses habitants seront contents.

Ils aiment le travail de leurs mains

et ne perdent pas de temps à inventer

des machines qui leur permettent d'économiser du travail.

Comme ils aiment leur pays,

ils ne s'intéressent pas aux voyages.

Il y a peut-être quelques chariots et quelques bateaux,

mais ils ne vont nulle part.

Il y a peut-être un arsenal d'armes,

mais personne ne s'en sert jamais.

Les gens apprécient leur nourriture,

prennent plaisir à être avec leur famille,

passent les week-ends à travailler dans leur jardin,

se délectent des activités du voisinage.

Et même si le pays voisin est si proche

qu'on peut entendre ses coqs chanter et ses chiens aboyer,

ils se contentent de mourir de vieillesse

sans jamais l'avoir vu.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE LXXX

(Si je gouvernais) un petit royaume (1) et un peuple peu nombreux, n’eût-il des armes que pour dix ou cent (2)hommes, je l’empêcherais de s’en servir.

J’apprendrais au peuple à craindre la mort (3) et à ne pas émigrer au loin (4).

Quand il aurait des bateaux et des chars, il n’y monterait pas (5).

Quand il aurait des cuirasses et des lances, il ne les porterait pas (6).

Je le ferais revenir à l’usage des cordelettes nouées (7).

Il savourerait sa nourriture (8), il trouverait de l’élégance dans ses vêtements, il se plairait dans sa demeure, il aimerait ses simples usages.

Si un autre royaume se trouvait en face du mien, et que les cris des coqs et des chiens s’entendissent de l’un à l’autre (9), mon peuple arriverait à la vieillesse et à la mort sans avoir visité le peuple voisin (10).


NOTES.

(1) Sou-tseu-yeou : Lao-tseu vivait à l’époque de la décadence des Tcheou . Les démonstrations extérieures (les dehors d’une politesse étudiée) dominaient, c’est à-dire avaient remplacé la sincérité du cœur, et les mœurs se corrompaient de plus en plus. Lao-tseu aurait voulu sauver les hommes par le non-agir ; c’est pourquoi, à la fin de son ouvrage, il dit quel aurait été l’objet de ses vœux. Il aurait désiré d’avoir à gouverner un petit royaume pour y faire l’application de ses doctrines, mais il ne put y réussir.


(2) Sou-tseu-yeou : Le mot chi veut dire « dix hommes » 十人 (ainsi que l’indique sa composition). Le mot pe veut dire « cent hommes ». H : Même sens.

Mais, comme aucun dictionnaire ne donne ce sens au mot pe (vulgo « frère aîné du père »), j’ai préféré la leçon pe de l’édit. C, qui porte avec elle sa définition. En effet, le mot pe signifie « une troupe de cent hommes », parce qu’il se compose des signes « homme » et « cent ».

B : Le mot khi veut dire « armes de guerre » ping-khi 兵器.

Ibid. Il s’agit ici d’un petit royaume de cent lis (dix lieues).


(3) B : Le peuple ne serait pas accablé d’impôts ni de corvées, (E) il aimerait son existence, il serait attaché à la vie et redouterait la mort.


(4) A : Mon administration n’étant point importune aux hommes du peuple, ils exerceraient tranquillement leur profession, ils n’émigreraient pas au loin et n’abandonneraient pas leur pays natal pour aller chercher leur bonheur ailleurs.


(5) A : Il resterait dans un état de pureté et de quiétude absolue ; il ne mettrait pas son bonheur à voyager au loin.


(6) H : Le mot tch’in signifie proprement « ranger, disposer en ordre. »

B : Je n’aurais aucun sujet d’attaquer les autres ni de leur faire la guerre ; je (A) ne m’attirerais pas la haine et le ressentiment des royaumes voisins, et je n’aurais pas besoin de me défendre contre leurs attaques.


(7) Dans la haute antiquité, lorsque l’écriture n’était pas encore inventée, les hommes se servaient de cordelettes nouées pour communiquer leurs pensées. (Voy. le Thong-kien-kang-mou, partie I, livre I, fol. 2.) À cette époque les mœurs étaient pures et simples, et, suivant les idées de Lao-tseu, elles n’avaient pas encore été altérées par les progrès des lumières.

Dans la pensée de l’auteur, les mots « je ramènerais le peuple à l’ « usage des cordelettes nouées » signifient : « je ramènerais le peuple à sa simplicité primitive ».


(8) H : Le peuple serait content de son sort ; il ne désirerait rien en dehors de lui. Il ne s’occuperait ni de sa bouche, ni de son corps ; il aimerait ses rudes vêtements, et ses mets grossiers lui sembleraient délicieux.


(9) E : Dans ce cas, les deux pays seraient extrêmement rapprochés.


(10) Il arriverait au terme de la vieillesse sans avoir songé à visiter le peuple voisin, parce qu’il (A) serait exempt de désirs, et (E} ne chercherait rien au delà de ce qu’il possède.

H : Lao-tseu s’est exprimé ainsi, dans ce chapitre, parce qu’il détestait les princes de son temps, qu’il voyait se livrer à l’action (le contraire du non-agir) et faire usage de la prudence et de la force, qui aimaient à se faire la guerre pour assouvir leur cupidité , qui s’appropriaient les richesses de leurs sujets pour satisfaire leurs passions,et ne prenaient nul souci du peuple. Aussi leur royaume était en proie au désordre, le peuple s’appauvrissait rapidement, et devenait de jour en jour plus difficile à gouverner.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 80

Si je gouvernais un petit royaume avec peu d'habitants,
je défendrais d'utiliser les armes que ce peuple possèderait.
Le peuple devrait considérer la mort comme redoutable
et rester dans les lieux de ses ancêtres.
Bien qu'ayant bateaux et chars,
il n'en userait point.
Bien qu'ayant armes et cuirasses,
il les laisserait dans leurs caches.
Il compterait jours et années avec des cordelettes
comme dans le passé.
Il trouverait savoureuse sa nourriture,
beaux ses vêtements,
agréable sa maison,
pleines de douceur ses coutumes ancestrales.
Non loin de là,
il apercevrait avec bonheur
les hommes du pays voisin.
Il entendrait chanter leurs coqs et aboyer leurs chiens.
Il vivrait au rythme des saisons,
et mourrait de vieillesse
sans avoir connu le pays voisin.


MA KOU 1984 CHAPITRE 80

Garder la taille de la population petite
S’assurer que le peuple a des armes
Mais qu’il ne les emploie pas
Qu’il n’est pas disposé à voyager au loin
Et qu’il ne considère pas la mort comme futile.

Bateaux et chars
Sont utilisés le moins possible.
Armures et armes
Ne sont pas déployées.
La cordelette à nœuds
Sert d’écriture.
La nourriture est savoureuse
Les habits sont beaux
On est content dans sa maison
On apprécie une vie simple.

Les pays voisins sont à portée de vue.
Coqs et chiens échangent chants et aboiements.
Les gens meurent de vieillesse
Sans bouger.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 80

Si j'avais un petit royaume. d'une faible population et comptant une dizaine ou une centaine d'homme habiles, je m'abstiendrais de les employer. Je veillerais à ce que le peuple comprît la gravité de la mort et n'émigrât pas au loin. Bien qu'ayant des barques et des chars,il n'en userait pas; possédant des armes et des cuirasses, il ne s'en servirait pas.
Je ferais en sorte qu'il revienne à l'usage des cordelettes nouées. Il trouverait sa nourriture savoureuse, beaux ses vêtements, paisibles ses demeures, pleines de charme ses coutumes.
Quand bien même les habitants d'un hameau frontalier et ceux du pays voisin pourraient se voir, entendre les chants de leurs coqs et les aboiements de leurs chiens, ils atteindraient la vieillesse, puis la mort, sans qu'ils n'ait eu de visites réciproques.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 80

Si j’étais roi d’un petit État, d’un petit peuple, je me garderais bien d’utiliser (de mettre en charge) les quelques dizaines d’hommes capables que cet État contiendrait.
J’empêcherais mes sujets de voyager, en leur faisant craindre la mort par accident possible, tellement qu’ils n’oseraient pas monter dans un bateau ou sur un char.
Je défendrais tout usage des armes.
En fait de lettres et de science, je les obligerais à revenir aux cordelettes à nœuds (quippus).
C’est alors qu’ils trouveraient leur nourriture savoureuse, leurs habits beaux, leurs maisons pai­sibles, leurs us et coutumes agréables.
(J’empêcherais la curiosité et les communica­tions, au point que,) mes sujets entendissent-ils de chez eux les cris des coqs et des chiens de l’État voisin, ils mourraient de vieillesse avant d’avoir passé la frontière et eu des relations avec ceux de l’État voisin.
Le rat dans son fromage, idéal taoïste.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 80

Un petit pays c'est un peuple peu nombreux.

Ils disent qu'ils possèdent les dix aptitudes de l'oncle ainé,

mais qu'ils ne s'en servent pas.

Ils disent aux gens que la mort est importante,

mais qu'ils ne déménageront pas loin.

Quoiqu'ils aient des bateaux et des chariots,

ils n'ont pas d'endroit pour les atteler.

Quoiqu'ils aient des armures et des soldats,

ils n'ont pas d'endroit pour les ranger.

Ils disent aux hommes de se retourner, de lier la corde, et d'être utilisé.

Leurs repas sont agréables, ils obéissent de façon charmante,

ils résident dans le calme, leurs habitudes sont heureuses.

Les pays voisins s'aperçoivent réciproquement

comme la poule et le chien entendent leurs sons mutuels.

Les gens arrivent vieux à la mort,

il ne vont pas à sa rencontre.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 80

Un petit pays de peu d’habitants, où, bien qu’il y eût des outils faisant

le travail de dix ou cent hommes, on pourrait amener le peuple à ne

pas s’en servir !

Où l’on pourrait amener le peuple à considérer la mort comme une

chose grave et à ne pas émigrer au loin !

Où, bien qu’il y eût des bateaux et des charrettes, il n’y aurait pas de

quoi les charger, et bien qu’il y eût des cuirasses et des armes, il n’y

aurait pas de quoi les ranger !

Où l’on pourrait amener le peuple à retourner à l’emploi des cordes

nouées ; à savourer sa propre nourriture, à admirer ses propres vêtements,

à se contenter de ses propres habitations, à prendre plaisir à

ses propres coutumes !

Où, bien qu’il y eût un pays voisin à portée de vue, de sorte que de

l’un à l’autre on entendît chanter les coqs et aboyer les chiens, les

habitants jusqu’à leur mort à un âge avancé ne se seraient jamais

fréquentés !

***

Ce chapitre décrit la félicité idéale d’un pays sans aucune culture.

Pour la critique des outils qui épargnent le travail, on peut comparer

Tchouang tseu, XII (Legge 1, p. 319 322). Pour « outils, instruments

», k’i (245), voir aussi le chapitre LVII.

Les « cordes nouées »auraient été employées dans la haute antiquité

au lieu des caractères écrits. Voir le Livre des Mutations, Legge, p.

385.

« Savourer sa propre nourriture... » etc., veut dire qu’on ne désire pas

des marchandises importées d’ailleurs.

« Considérer la mort comme une chose grave » est la traduction de

tchong sseu (246). A. Waley, op. cit. p. 241, propose de lire tch’ong au

lieu de tchong, ce qui signifierait : « mourir deux fois ». C’est impossible

; tchong sseu, au sens de « considérer la mort comme une chose

grave » est clairement opposé au k’ing sseu « prendre la mort à la

légère » du chapitre LXXV.

Sous une forme quelque peu différente, ce chapitre est cité par Sseu

ma Ts’ien dans le Che ki, ch. 129.

xiǎopetit minuscule, insignifiant-#P #W #C #Z
guónation pays, État-nation-#P #W #C #Z
guǎveuf seul, sans amis-#P #W #C #Z
mínpersonnes sujets citoyens, peuple#P #W #C #Z
使shǐprovoquer amener, missionner, commander messager, ambassadeur#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
shífile de dix soldats mixte, divers-#P #W #C #Z
bǎifrère aîné le frère aîné de mon père « père » mâle senior ; rang féodal 'comte'#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
récipient récipient instrument#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yòngutiliser employer, appliquer, exploiter  utiliser#P #W #C #Z
使shǐprovoquer amener, missionner, commander messager, ambassadeur#P #W #C #Z
mínpersonnes sujets citoyens, peuple#P #W #C #Z
zhònglourd pesant double#P #W #C #Z
mourir mort la mort#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
yuǎnlointain éloigné, lointain profond#P #W #C #Z
déménager changer de domicile, migrer-#P #W #C #Z
suīmême si même si-#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
zhōubateau navire-#P #W #C #Z
輿charrette palanquin opinion publique#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
suǒlieu emplacement complément numérique#P #W #C #Z
chéngrouler monter profiter de; complément numérique pour véhicules#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
suīmême si même si-#P #W #C #Z
yǒuavoir posséder, posséder exister#P #W #C #Z
jiǎarmure obus les ongles; 1ère tige céleste#P #W #C #Z
bīngsoldat troupes-#P #W #C #Z
sans négatif, non manque, n'ai pas#P #W #C #Z
suǒlieu emplacement complément numérique#P #W #C #Z
chénexposer afficher plaider; nom de famille#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
使shǐprovoquer amener, missionner, commander messager, ambassadeur#P #W #C #Z
mínpersonnes sujets citoyens, peuple#P #W #C #Z
retour répéter à plusieurs reprises#P #W #C #Z
jiēnouer nouer rejoindre, se connecter#P #W #C #Z
shéngcorde ficelle, cordelette mesurer, restreindre#P #W #C #Z
éret et puis et pourtant ; mais#P #W #C #Z
yòngutiliser employer, appliquer, exploiter  utiliser#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
gāndouceur doux, savoureux-#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
shímanger repas nourriture#P #W #C #Z
měibeau joli plaisant#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
vêtements porter, s'habiller-#P #W #C #Z
ānpaisible tranquille, tranquille-#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
vivre habiter, résider, s'asseoir-#P #W #C #Z
heureux heureux agréable; musique#P #W #C #Z
le sien elle, son, leur  que#P #W #C #Z
coutumes sociales vulgaire, non raffiné-#P #W #C #Z
línvoisin quartier-#P #W #C #Z
guónation pays, État-nation-#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
wàngregarder attendre avec impatience espérer, s'attendre#P #W #C #Z
poulets volaille domestique-#P #W #C #Z
quǎnchien mâle, fille moche-#P #W #C #Z
zhīde de provenant, ça aller à#P #W #C #Z
shēngvoix ton, son, bruit tonifier; musique#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
wénentendre odeur faire connaître; nouvelles#P #W #C #Z
mínpersonnes sujets citoyens, peuple#P #W #C #Z
zhìatteindre arriver extrêmement, très#P #W #C #Z
lǎovieux vieilli expérimenté#P #W #C #Z
mourir mort la mort#P #W #C #Z
ne-pas non préfixe négatif#P #W #C #Z
xiāngmutuel réciproque, l'un l'autre-#P #W #C #Z
wǎngallez partez passé, autrefois#P #W #C #Z
láiviens viens revenir, revenir#P #W #C #Z
STEPHEN MITCHELL TRADFR 1988 CHAPITRE 80

Si un pays est gouverné avec sagesse,

ses habitants seront contents.

Ils aiment le travail de leurs mains

et ne perdent pas de temps à inventer

des machines qui leur permettent d'économiser du travail.

Comme ils aiment leur pays,

ils ne s'intéressent pas aux voyages.

Il y a peut-être quelques chariots et quelques bateaux,

mais ils ne vont nulle part.

Il y a peut-être un arsenal d'armes,

mais personne ne s'en sert jamais.

Les gens apprécient leur nourriture,

prennent plaisir à être avec leur famille,

passent les week-ends à travailler dans leur jardin,

se délectent des activités du voisinage.

Et même si le pays voisin est si proche

qu'on peut entendre ses coqs chanter et ses chiens aboyer,

ils se contentent de mourir de vieillesse

sans jamais l'avoir vu.

JULIEN STANISLAS 1842 CHAPITRE LXXX

(Si je gouvernais) un petit royaume (1) et un peuple peu nombreux, n’eût-il des armes que pour dix ou cent (2)hommes, je l’empêcherais de s’en servir.

J’apprendrais au peuple à craindre la mort (3) et à ne pas émigrer au loin (4).

Quand il aurait des bateaux et des chars, il n’y monterait pas (5).

Quand il aurait des cuirasses et des lances, il ne les porterait pas (6).

Je le ferais revenir à l’usage des cordelettes nouées (7).

Il savourerait sa nourriture (8), il trouverait de l’élégance dans ses vêtements, il se plairait dans sa demeure, il aimerait ses simples usages.

Si un autre royaume se trouvait en face du mien, et que les cris des coqs et des chiens s’entendissent de l’un à l’autre (9), mon peuple arriverait à la vieillesse et à la mort sans avoir visité le peuple voisin (10).


NOTES.

(1) Sou-tseu-yeou : Lao-tseu vivait à l’époque de la décadence des Tcheou . Les démonstrations extérieures (les dehors d’une politesse étudiée) dominaient, c’est à-dire avaient remplacé la sincérité du cœur, et les mœurs se corrompaient de plus en plus. Lao-tseu aurait voulu sauver les hommes par le non-agir ; c’est pourquoi, à la fin de son ouvrage, il dit quel aurait été l’objet de ses vœux. Il aurait désiré d’avoir à gouverner un petit royaume pour y faire l’application de ses doctrines, mais il ne put y réussir.


(2) Sou-tseu-yeou : Le mot chi veut dire « dix hommes » 十人 (ainsi que l’indique sa composition). Le mot pe veut dire « cent hommes ». H : Même sens.

Mais, comme aucun dictionnaire ne donne ce sens au mot pe (vulgo « frère aîné du père »), j’ai préféré la leçon pe de l’édit. C, qui porte avec elle sa définition. En effet, le mot pe signifie « une troupe de cent hommes », parce qu’il se compose des signes « homme » et « cent ».

B : Le mot khi veut dire « armes de guerre » ping-khi 兵器.

Ibid. Il s’agit ici d’un petit royaume de cent lis (dix lieues).


(3) B : Le peuple ne serait pas accablé d’impôts ni de corvées, (E) il aimerait son existence, il serait attaché à la vie et redouterait la mort.


(4) A : Mon administration n’étant point importune aux hommes du peuple, ils exerceraient tranquillement leur profession, ils n’émigreraient pas au loin et n’abandonneraient pas leur pays natal pour aller chercher leur bonheur ailleurs.


(5) A : Il resterait dans un état de pureté et de quiétude absolue ; il ne mettrait pas son bonheur à voyager au loin.


(6) H : Le mot tch’in signifie proprement « ranger, disposer en ordre. »

B : Je n’aurais aucun sujet d’attaquer les autres ni de leur faire la guerre ; je (A) ne m’attirerais pas la haine et le ressentiment des royaumes voisins, et je n’aurais pas besoin de me défendre contre leurs attaques.


(7) Dans la haute antiquité, lorsque l’écriture n’était pas encore inventée, les hommes se servaient de cordelettes nouées pour communiquer leurs pensées. (Voy. le Thong-kien-kang-mou, partie I, livre I, fol. 2.) À cette époque les mœurs étaient pures et simples, et, suivant les idées de Lao-tseu, elles n’avaient pas encore été altérées par les progrès des lumières.

Dans la pensée de l’auteur, les mots « je ramènerais le peuple à l’ « usage des cordelettes nouées » signifient : « je ramènerais le peuple à sa simplicité primitive ».


(8) H : Le peuple serait content de son sort ; il ne désirerait rien en dehors de lui. Il ne s’occuperait ni de sa bouche, ni de son corps ; il aimerait ses rudes vêtements, et ses mets grossiers lui sembleraient délicieux.


(9) E : Dans ce cas, les deux pays seraient extrêmement rapprochés.


(10) Il arriverait au terme de la vieillesse sans avoir songé à visiter le peuple voisin, parce qu’il (A) serait exempt de désirs, et (E} ne chercherait rien au delà de ce qu’il possède.

H : Lao-tseu s’est exprimé ainsi, dans ce chapitre, parce qu’il détestait les princes de son temps, qu’il voyait se livrer à l’action (le contraire du non-agir) et faire usage de la prudence et de la force, qui aimaient à se faire la guerre pour assouvir leur cupidité , qui s’appropriaient les richesses de leurs sujets pour satisfaire leurs passions,et ne prenaient nul souci du peuple. Aussi leur royaume était en proie au désordre, le peuple s’appauvrissait rapidement, et devenait de jour en jour plus difficile à gouverner.


CONRADIN VON LAUER 1990 CHAPITRE 80

Si je gouvernais un petit royaume avec peu d'habitants,
je défendrais d'utiliser les armes que ce peuple possèderait.
Le peuple devrait considérer la mort comme redoutable
et rester dans les lieux de ses ancêtres.
Bien qu'ayant bateaux et chars,
il n'en userait point.
Bien qu'ayant armes et cuirasses,
il les laisserait dans leurs caches.
Il compterait jours et années avec des cordelettes
comme dans le passé.
Il trouverait savoureuse sa nourriture,
beaux ses vêtements,
agréable sa maison,
pleines de douceur ses coutumes ancestrales.
Non loin de là,
il apercevrait avec bonheur
les hommes du pays voisin.
Il entendrait chanter leurs coqs et aboyer leurs chiens.
Il vivrait au rythme des saisons,
et mourrait de vieillesse
sans avoir connu le pays voisin.


MA KOU 1984 CHAPITRE 80

Garder la taille de la population petite
S’assurer que le peuple a des armes
Mais qu’il ne les emploie pas
Qu’il n’est pas disposé à voyager au loin
Et qu’il ne considère pas la mort comme futile.

Bateaux et chars
Sont utilisés le moins possible.
Armures et armes
Ne sont pas déployées.
La cordelette à nœuds
Sert d’écriture.
La nourriture est savoureuse
Les habits sont beaux
On est content dans sa maison
On apprécie une vie simple.

Les pays voisins sont à portée de vue.
Coqs et chiens échangent chants et aboiements.
Les gens meurent de vieillesse
Sans bouger.

ALBERT DE POUVOURVILLE 1999 CHAPITRE 80

Si j'avais un petit royaume. d'une faible population et comptant une dizaine ou une centaine d'homme habiles, je m'abstiendrais de les employer. Je veillerais à ce que le peuple comprît la gravité de la mort et n'émigrât pas au loin. Bien qu'ayant des barques et des chars,il n'en userait pas; possédant des armes et des cuirasses, il ne s'en servirait pas.
Je ferais en sorte qu'il revienne à l'usage des cordelettes nouées. Il trouverait sa nourriture savoureuse, beaux ses vêtements, paisibles ses demeures, pleines de charme ses coutumes.
Quand bien même les habitants d'un hameau frontalier et ceux du pays voisin pourraient se voir, entendre les chants de leurs coqs et les aboiements de leurs chiens, ils atteindraient la vieillesse, puis la mort, sans qu'ils n'ait eu de visites réciproques.
LEON WIEGER 1913 CHAPITRE 80

Si j’étais roi d’un petit État, d’un petit peuple, je me garderais bien d’utiliser (de mettre en charge) les quelques dizaines d’hommes capables que cet État contiendrait.
J’empêcherais mes sujets de voyager, en leur faisant craindre la mort par accident possible, tellement qu’ils n’oseraient pas monter dans un bateau ou sur un char.
Je défendrais tout usage des armes.
En fait de lettres et de science, je les obligerais à revenir aux cordelettes à nœuds (quippus).
C’est alors qu’ils trouveraient leur nourriture savoureuse, leurs habits beaux, leurs maisons pai­sibles, leurs us et coutumes agréables.
(J’empêcherais la curiosité et les communica­tions, au point que,) mes sujets entendissent-ils de chez eux les cris des coqs et des chiens de l’État voisin, ils mourraient de vieillesse avant d’avoir passé la frontière et eu des relations avec ceux de l’État voisin.
Le rat dans son fromage, idéal taoïste.
OLIVIER NYSSEN 2022 CHAPITRE 80

Un petit pays c'est un peuple peu nombreux.

Ils disent qu'ils possèdent les dix aptitudes de l'oncle ainé,

mais qu'ils ne s'en servent pas.

Ils disent aux gens que la mort est importante,

mais qu'ils ne déménageront pas loin.

Quoiqu'ils aient des bateaux et des chariots,

ils n'ont pas d'endroit pour les atteler.

Quoiqu'ils aient des armures et des soldats,

ils n'ont pas d'endroit pour les ranger.

Ils disent aux hommes de se retourner, de lier la corde, et d'être utilisé.

Leurs repas sont agréables, ils obéissent de façon charmante,

ils résident dans le calme, leurs habitudes sont heureuses.

Les pays voisins s'aperçoivent réciproquement

comme la poule et le chien entendent leurs sons mutuels.

Les gens arrivent vieux à la mort,

il ne vont pas à sa rencontre.

JAN DUYVENDAK 1949 CHAPITRE 80

Un petit pays de peu d’habitants, où, bien qu’il y eût des outils faisant

le travail de dix ou cent hommes, on pourrait amener le peuple à ne

pas s’en servir !

Où l’on pourrait amener le peuple à considérer la mort comme une

chose grave et à ne pas émigrer au loin !

Où, bien qu’il y eût des bateaux et des charrettes, il n’y aurait pas de

quoi les charger, et bien qu’il y eût des cuirasses et des armes, il n’y

aurait pas de quoi les ranger !

Où l’on pourrait amener le peuple à retourner à l’emploi des cordes

nouées ; à savourer sa propre nourriture, à admirer ses propres vêtements,

à se contenter de ses propres habitations, à prendre plaisir à

ses propres coutumes !

Où, bien qu’il y eût un pays voisin à portée de vue, de sorte que de

l’un à l’autre on entendît chanter les coqs et aboyer les chiens, les

habitants jusqu’à leur mort à un âge avancé ne se seraient jamais

fréquentés !

***

Ce chapitre décrit la félicité idéale d’un pays sans aucune culture.

Pour la critique des outils qui épargnent le travail, on peut comparer

Tchouang tseu, XII (Legge 1, p. 319 322). Pour « outils, instruments

», k’i (245), voir aussi le chapitre LVII.

Les « cordes nouées »auraient été employées dans la haute antiquité

au lieu des caractères écrits. Voir le Livre des Mutations, Legge, p.

385.

« Savourer sa propre nourriture... » etc., veut dire qu’on ne désire pas

des marchandises importées d’ailleurs.

« Considérer la mort comme une chose grave » est la traduction de

tchong sseu (246). A. Waley, op. cit. p. 241, propose de lire tch’ong au

lieu de tchong, ce qui signifierait : « mourir deux fois ». C’est impossible

; tchong sseu, au sens de « considérer la mort comme une chose

grave » est clairement opposé au k’ing sseu « prendre la mort à la

légère » du chapitre LXXV.

Sous une forme quelque peu différente, ce chapitre est cité par Sseu

ma Ts’ien dans le Che ki, ch. 129.